Voilà un ouvrage qui a percé la cuirasse derrière laquelle
s’abrite mon émotivité. Parvenu au point final, il a fallu que je relise les
passages évoquant la courte vie du petit Anatole pour l’un, le mutisme
douloureux de la petite Madeleine pour l’autre. Un ouvrage qui rend hommage aux
héros anonymes au travers du portrait de Mademoiselle Papillon. Elle a fait
partie de ces personnes réellement désintéressées qui ne cherchent de gloire
que dans le sourire des autres.
Lorsqu’elle décide de créer un préventorium pour accueillir
les enfants démunis des suites de la première guerre mondiale et qu’on lui
alloue l’ancienne abbaye désaffectée de Valloires dans la Somme, c’est par pur
amour pour la petite personne qu’est l’enfant qu’elle s’engage dans cette prodigieuse
entreprise.
Mademoiselle Papillon, un nom si beau pour si belle histoire.
D’autant plus belle que celle-ci est vraie. Une histoire qui a touché Alia
Cardyn à l’occasion de la visite de l’abbaye de Valloires au point de lui insuffler
la volonté de faire connaître Mademoiselle Papillon pour très certainement
réparer l’injustice de la savoir méconnue, sinon de façon confidentielle.
Mais Alia Cardyn a voulu aller au-delà d’une simple
biographie de la courageuse demoiselle. C’est comme cela que je perçois son
ouvrage. Elle a choisi le genre romanesque pour faire valoir l’abnégation de
ces héros du quotidien, ceux et celles qui travaillent dans l’anonymat d’une
profession et donnent leur temps, leur énergie et finalement leur cœur pour que
la vie d’autres soit moins rude. Surtout s’il s’agit de préserver le capital
d’innocence avec lequel naît la personne. C’est à mon avis pour cela qu’Alia
Cardyn a conçu ce roman. Il érige une passerelle entre l’histoire vraie d’une
héroïne la plus pure qui soit et ceux qui modestement œuvrent au bien commun en
rehaussant leur action d’une vraie part d’humanité. Donnant ainsi un sens à
leur vie
« Il faut vivre les mains ouvertes pour mourir les
mains pleines. »
Un roman qui joue sur deux époques et fait vibrer la corde
sensible sans sombrer dans la mièvrerie. Un subtil dosage entre l’hommage et le
rappel à l’ordre de l’individualisme qui prévaut dans notre société
contemporaine leurrée par le confort. Mais un roman optimiste malgré tout. Il comporte
une aventure amoureuse, histoire de faire contrepoids aux mauvais penchants qui
trop souvent ternissent l’image de la nature humaine.
Ce qui m’a séduit dans ce roman est évidemment et en premier
lieu l’intention de faire connaître une héroïne discrète de notre histoire. Ce
genre de personne qui déplace des montagnes grâce à leur seules volonté et force
de caractère. Pour vaincre non seulement les difficultés mais aussi et surtout les
peurs : mademoiselle Papillon n’a pas hésité à cacher des enfants juifs au
nez et à la barbe des Allemands qui occupaient une partie de l’abbaye entre
1940 et 1944.
Ce roman a aussi une valeur universelle en matière de leçon
de vie. C’est le but de cette passerelle entre l’histoire de Mademoiselle
Papillon et celle de Gabrielle, la narratrice de l’époque contemporaine. Elle
se bat dans son service de néonatalogie pour rendre moins techniques et plus
chaleureux les soins apportés aux nouveau-nés prématurés impliquant tous les
intervenants, qu’ils soient parents ou praticiens.
Un vrai beau moment de lecture qui parachève le parfait
équilibre des émotions, couronné par un épilogue qu’on n’attend pas et clôt ce
roman avec une belle intelligence d’auteure.
Citations
Page 266 : "Nos heures silencieuses avaient tissé un lien dont je ne mesurais pas la force. Nos présences sans mots avaient suscité une intimité rare, celle de deux êtres qui attendent la fin de quelque chose."
Page 237 : "Rien n'est plus fort qu'un souffrance silencieuse."
Page 224 : "Le temps qui n'est pas consacré aux autres est du temps perdu"
Page 176 : "Est-ce immature d'espérer que le sublime demeure intact ?"