Les pessimistes diront qu'un tel ouvrage est un coup d'épée dans l'eau. Les optimistes seront satisfaits d'y trouver un auteur qui ose encore prôner la sagesse. Est-ce bien raisonnable dans notre société de consommation pour laquelle le bonheur est fondé sur le pouvoir d'achat ?
Ce stade est même déjà dépassé. le toujours plus a trouvé ses limites. A peine
le bien désiré est-il acquis que la convoitise s'oriente vers un autre. Alors
cette fuite en avant cherche déjà ses dérivatifs et l'esprit matérialiste se
brûle les ailes dans la quête de paradis artificiels. Les drogues et autres
psychotropes inondent le monde, toutes classes confondues. On n'apprécie plus
rien sans effets spéciaux. Les médias suscitent le besoin, entretiennent la
frénésie consommatrice, font miroiter des nirvanas aux démunis, traquent et
harcèlent les plus réfractaires à l'achat. Comment imaginer qu'on puisse «
quitter cette logique de l'avoir pour passer à celle de l'être ». C'est
pourtant ce que suggère Frédéric
Lenoir avec cet ouvrage qui veut remettre en lumière les clés de la
sagesse.
L'auteur extirpe de leur quotidien huit personnages, religieux et laïcs, de
tous âges, y compris des enfants, et bâtit un conte moderne qui les conduira
dans la vraie quête, celle de la plénitude. le monde terrestre est au bord d'un
cataclysme majeur. L'espèce humaine est parvenue, essoufflée, au terme de sa
course dans l'erreur, au fond de l'impasse. Elle va prendre un nouveau départ.
Ces huit sages qui représentent l'ancienne voie, réunis à Toulanka, vont
tenter, forts de leur expérience malheureuse, de donner les bases saines d'un
nouveau départ à deux jeunes adolescents. Cette nouvelle voie ne peut donc plus
être celle de la satisfaction des instincts primaires. Elle n'est pas non plus
celle des religions. Elles ont prouvé leur inaptitude à réunir les hommes.
Elles prêchent toutes la tolérance et ont dans le même temps été à l'origine de
la plupart des conflits qui ont fait se déchirer les peuples. Cette nouvelle
voie ne peut donc être que celle de la sagesse.
C'est un conte des temps modernes auquel Frédéric
Lenoir nous convie, dans le sens où il se tient de nos jours. Mais
aussi un conte modernisé, car il a une valeur intemporelle et ne fait
finalement que remettre au goût du jour les préceptes des philosophes de
l'antiquité. A ceci près que de nos jours, la machine s'est emballée, tout va
trop vite, il faut lever le pied. Il faut prendre le temps de refaire
connaissance avec soi-même, se libérer de l'esclavage que nous imposent nos
instincts. Il s'agit pour chacun de retrouver un nouvel équilibre, en harmonie
avec le monde, dépassant les limites de sa propre vie sur terre.
Et tout commence par l'estime de soi. Car il n'est pire ennemi que soi-même.
Estime de soi, qu'il ne faut pas confondre avec narcissisme ou promotion de son
égo. « L'égo veut prendre et dominer ». L'estime de soi est la condition sine
qua none pour entrer en harmonie avec le monde dans lequel on vit.
Une lecture superficielle de cet ouvrage laissera l'impression d'enfoncer des
portes ouvertes, de déclamer des évidences. Et pourtant ! Les choses ne
sont-elles pas finalement toutes simples.
Une première lecture intégrale vous laissera le goût de revenir dans ces
chapitres, au hasard. de rechercher les multiples interventions lorsque « le
sage prend la parole et dit : ». Il faut alors écouter la parole du sage,
refermer le livre, prendre son temps, méditer, s'interroger, comprendre,
regarder autour de soi, regarder en soi, pour finalement s'accepter tel que
l'on est, accepter les autres tels qu'ils sont. Accepter son sort aussi, avec
son début et sa fin, pour comprendre que cette fin n'est qu'apparente, que tout
être se perpétue dans l'Âme du
monde.
Ce n'est pas un ouvrage religieux. Il serait même presque anti religieux. Il
clame haut et fort « qu'aucune religion ne peut prétendre posséder la totalité
de la vérité. ». C'est tout sauf de la béatitude.
Il ne faut pas craindre de lire l'Âme du
monde, de placer repères et des index dans ces pages, de le crayonner pour
retenir ce que l'on veut, retrouver ces préceptes si évidents qu'on les a
oubliés, et surtout oublié de les mettre en pratique.