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Ouvrages par genre
mardi 12 décembre 2023
Diderot, le génie débraillé ~~~~ Sophie Chauveau
Renonçant à la publication de certains de ses écrits de son
vivant, Diderot ambitionnait d’écrire pour la postérité. Opportune lucidité que
lui dictait la prudence. Il s’agissait de se protéger lui-même mais aussi sa
famille des foudres que son temps de censure ne manquerait pas d’attirer sur
lui de la part de ceux dont le niveau de tolérance n’allait quand même pas
jusqu’à admettre la critique. Mais Diderot était loin d’imaginer que cette
postérité serait aussi distante de lui qu’elle devrait attendre ce 21ème
siècle pour faire éclater des préceptes de vie en société que l’on peine encore
aujourd’hui à faire nôtres. La tolérance a encore du chemin à faire.
Il a trouvé en Sophie Chauveau une avocate ardente à faire
valoir l’incroyable modernité de ses pensées et l’immense talent qu’il a eu à
les mettre en mots, tant à l’oral de son vivant qu’à l’écrit désormais. Elle
attribue au personnage, quant à la promotion du 18ème siècle en
siècle des lumières, une plus grande part que celle que l’histoire a voulu lui
consentir.
Le baptisant Diderot, le génie débraillé, elle lui consacre ce
magnifique ouvrage. Il lie à merveille la part romancée et celle attestée par
les sources. Je reste admiratif du travail de recherche et de la mise en forme
de ce pavé qui ne dissimule rien de l’admiration qu’elle voue au personnage, à
mettre en avant l’intelligence subtile et la hauteur de vue de ce monstre de
talent, tout autant que l’avance sur son temps. Elle rend l’auteur de l’Encyclopédie
bougrement attachant et sait nous rallier à son engouement.
L’innovation dans le domaine des idées n’avait rien d’une
sinécure en ce siècle ou l’église régnait en maître sur les consciences. Les esprits
dits éclairés étaient confrontés à des institutions sclérosées, tant civiles
que religieuses, bouffies de leur pouvoir exorbitant jusqu’à disposer du droit
de vie et de mort. Monarchie, noblesse et clergé confondus, tous obnubilés
qu’ils étaient par la préservation de leurs privilèges. Aveuglés au point de ne
pas voir surgir la vague de fonds qui allait les engloutir quelques années
seulement après la disparition du philosophe. Sophie Chauveau se fait fort de lui
rendre la place qu’il mérite parmi les promoteurs des idées neuves du 18ème
siècle, déclassé qu’il fut par des Voltaire et autre Rousseau. Ce dernier ayant
à ses yeux fait montre d’une misogynie et d’un mépris de sa progéniture en
complet décalage avec les thèses développées dans ses ouvrages.
Véritable immersion en un 18ème siècle qui entretient
l’utopie de promouvoir l’humain au-dessus de la chape de convoitise et
d’appropriation, laquelle fige à dessein le peuple dans l’ignorance et
l’indigence, cet ouvrage de Sophie Chauveau n’est pas seulement une biographie,
il est un brillant plaidoyer en réhabilitation d’un jouisseur sublime.
« Mes pensées ce sont mes catins » écrit-il en
prologue dans Le neveu de Rameau. Et Sophie Chauveau d’intercéder pour que ses
errances libertines lui apportent un jour, peut-être enfin en ce siècle qui
connaîtra la compilation de ses œuvres, la juste rétribution d’un humanisme
certes hédoniste mais sincère et dépouillé de toute discrimination.
lundi 4 décembre 2023
Le fantôme de Philippe Pétain ~~~~ Philippe Collin
La France de Vichy, sujet
éminemment délicat à évoquer aujourd’hui encore. Il faut du doigté à un auteur
pour aborder avec impartialité cette page sombre de l’histoire de notre pays.
Dans Le fantôme de Philippe Pétain, Philippe Collin fait le point sur ce brûlot
de la mémoire collective de notre pays. Cette période au cours de laquelle
Philippe Pétain fut chef de l’État Français, depuis qu’il s’était vu remettre
les pleins pouvoirs en 1940, jusqu’à la défaite de l’Allemagne nazie, évoquant en
inévitable conclusion les dernières années du maréchal après son procès en 1945.
Il est aussi question comme de juste de la posture du général de Gaulle
vis-à-vis de son ancien chef. Attitude qui lui inspira cette expression comme
de Gaulle en avait le secret : « la vieillesse est un naufrage. »
Pétain avait 84 ans en 1940.
Philippe Collin est parvenu à
dépassionner le sujet en conduisant ce qu’on pourrait appeler une forme d’instruction
à charge et à décharge, interviewant des spécialistes de l’époque parmi les
plus éminents. Il destine à nous autres lecteurs d’un autre temps un recueil de
ces entretiens rendu d’autant plus vivant et passionnant qu’il s’offre à nous
sous forme d’un débat s’affranchissant de la stricte chronologie. Il s’agit d’analyser
comment un personnage, porté haut dans le cœur des Français de l’époque pour
avoir été le vainqueur de Verdun, a pu être conduit à commettre l’impensable.
Une belle réussite que cet ouvrage autorisé par une mémoire encore vive mais
avec déjà un recul suffisant.