Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire

samedi 24 mai 2014

Le livre de saphir ~~~~ Gilbert Sinoué

 



Dès les premiers chapitres de cet ouvrage, je me suis reproché de ne pas avoir préalablement ingurgité l'Ancien et le Nouveau Testaments, la Torah et le Coran. La certitude de perdre en consistance du message proclamé par son auteur s'est ancrée en moi au fur et à mesure du déferlement de ce vocabulaire tiré des textes sacrés, de cette avalanche de personnages mystiques, qui sous des noms souvent multiples peuplent les évangiles, les sourates, les versets et autres fragments de ces textes fondateurs des grandes religions monothéistes.

Bien sûr, ayant déjà « consommé » du Sinoué, j'étais averti de l'opulence culturelle de l'écrit et savais m'engager sur un parcours d'enrichissement. Mais une fois de plus, je lui en ai voulu de m'avoir fait jauger ma petitesse, à l'instar du badaud ébahi devant la pyramide de Khéops, appréciant la démesure de l'œuvre.

C'est au cœur de l'Espagne du 15ème siècle, en prise avec l'inquisition, alors que les Maures subissent les affres de la reconquista, qu'il échafaude une intrigue donnant aux protagonistes l'occasion de faire assaut d'érudition. le lecteur que j'ai été a très vite jeté l'éponge dans sa tentative de résoudre l'énigme. Je me suis alors laissé porter, à dos de mulet, dans ce périple au travers de l'Espagne. J'ai vite compris qu'il servait de prétexte à l'auteur pour réaliser son rêve : voir coexister les représentants des trois grandes religions monothéistes dans une même quête. Cela confère à cette chasse au trésor un côté un peu artificiel, mais il y a tellement à prendre dans ces échanges philosophico-religieux que pas un moment je n'ai été tenté d'abandonner le voyage.

C'est un plaidoyer contre l'obscurantisme, le prosélytisme, l'intolérance. C'est une dénonciation des travers de chaque religion dont le dénouement nous fera comprendre la vanité. le but est avoué.

Ce parcours initiatique dans les textes sacrés est aussi une tentative pour Gilbert Sinoué de redonner à la Femme la place que le monothéisme, dans sa misogynie souveraine, lui a volée en faisant disparaître, en même temps que les idoles, les figures du féminin. Mais l'ivresse des sens est si forte chez l'espèce humaine que cette louable intention en restera là.
Le poids culturel de cet ouvrage à la documentation fouillée pourrait paraître indigeste à qui n'est pas féru des textes sacrés. Mais Gilbert Sinoué est un auteur au style gouleyant qui sait faire absorber du copieux. Ce style est épuré, il sécrète la sagesse avec des mots simples, employés dans leur plus adéquate signification avec l'arrangement le plus convenable pour conférer aux phrases la bonne portée.

C'est un ouvrage empreint de tempérance, quand les mœurs de l'époque ne s'y prêtaient guère, de couleur locale, de réflexion. Même si ma culture était un peu juste – il faut aussi savoir l'avouer - pour tirer le meilleur profit de cet ouvrage, je ne m'y suis pas ennuyé, bien au contraire. Je suis prêt à partir pour un autre périple avec Gilbert Sinoué, tant son transport est confortable et bonifiant. D'ailleurs le prochain est déjà sur ma table de chevet …