Lorsque paraît cet essai, nous sommes en 1936 ; voilà trois ans qu'Hitler a pris le pouvoir en Allemagne. Stefan Zweig a recours à une page de l'histoire européenne qui ne trompera personne quant à son intention. Il s'agit bel et bien d'alerter le monde sur l'entreprise funeste qui se développe en Allemagne. Conscience contre violence est une brûlante diatribe contre le fanatisme. Une mise en garde dont il ressent l'urgence extrême.
Cette page de l'histoire qui lui
servira de support pour développer sa thèse contre le fanatisme, c'est la main
mise de Jean
Calvin sur les consciences helvètes, utilisant la propagation de la
religion réformée pour imposer une rigueur de vie extrémiste correspondant à
ses propres vues. Main mise qui influencera le pouvoir politique et développera
une forme de terreur au point d'imposer ses propres décisions à la société
civile, jusqu'à lui faire envoyer un opposant au bûcher, tel Michel Servet.
Dans cet ouvrage, Stefan Zweig trouve
avec le conflit qui opposa Jean Calvin et Sébastien
Castellion, conflit né d'une divergence d'interprétation des textes
bibliques, le modèle d'antagonisme le plus adéquat pour étayer sa thèse et
prouver par ce moyen l'impuissance de la tolérance lorsqu'elle se heurte au
fanatisme.
C'est avec la perfection qu'on
lui connaît dans la construction de son argumentation, étayée par une solide
érudition, que son développement prend tournure. L'histoire se répétant dans ce
qu'elle a de plus néfaste, l'humaniste averti, pacifiste dans l'âme, décrit
avec une précision d'horloger le mécanisme qui aboutira inéluctablement, il en
est convaincu, au désastre.
Stefan Zweig perçoit
le danger dès 1936. Il conserve cependant encore l'espoir du réveil des
consciences. Six ans plus tard, il aura perdu cet espoir.