« Ce récit est construit à partir de matériaux réels, qui ont été unis dans ces pages grâce au mortier de la fiction » nous précise Antonio G. Iturbe, l'auteur de la bibliothécaire d'Auschwitz, en note de fin dans un chapitre qu'il a intitulé « étape finale » et dans lequel il nous relate la genèse de son ouvrage.
Rappelons, s'il en est encore besoin, que cet ouvrage relate l'histoire vraie
de la sauvegarde clandestine dans le camp d'Auschwitz Birkenau de quelques
livres aussi disparates en thèmes qu'en langues, sous la responsabilité d'une
jeune adolescente juive pragoise. Entreprise clandestine qui aurait été bien
entendu punie de mort immédiate en cas de découverte par les autorités du camp.
Ce « mortier » qu'évoque l'auteur est donc la part imaginaire de son cru avec
laquelle il a construit son ouvrage. Ce dernier n'est pas un témoignage, mais
presque, puisqu'il a été largement approuvé par la protagoniste principale,
prénommée Dita et retrouvée fortuitement en Israël par Antonio G. Iturbe,
laquelle la complimenté pour la qualité de son travail de recherche et de
restitution.
On ne connaît que trop les horreurs perpétrées par cette monstrueuse industrie
de mort mise en œuvre par les nazis. L'ouvrage ne peut pas faire l'économie de
la description de certaines scènes insoutenables. Aussi faut-il bien admettre
que faire un roman traitant de cette abomination est un exercice périlleux.
Celui-ci s'appuie certes sur une structure de faits réels mais il y avait grand
risque en les reliant avec ce fameux « mortier de la fiction » à sombrer dans
l'exploitation de la commisération. Ecueil que l'auteur a évité avec succès.
Son sujet était autre.
Au-delà du sort des victimes de la Shoah, de l'instinct de survie qui pouvait
les tenir éveillées au-dessus du cloaque de l'abjection, il s'agissait
d'évoquer celui de la survie des cultures entretenues tant par la mémoire des
vivants que par les livres. Il y avait cette volonté des adultes de concourir
vaille que vaille à la transmission de leur savoir aux enfants, fussent-ils
promis à la mort. Elle était pour eux à la fois le fol espoir de voir certains
d'entre eux échapper au funeste sort qui les menaçait et une manière aussi de
divertir l'esprit de cette perspective à la fois de ceux qui avaient accepté de
devenir des professeurs de circonstance et de leurs jeunes élèves à l'innocence
piétinée. Les livres et les compétences de chacun entretenaient l'ouverture au
monde, l'accès à la lumière de la connaissance, la perpétuation de la culture
de chaque communauté. L'antithèse de l'entreprise macabre mise en œuvre par ce
régime assassin.
La
bibliothécaire d'Auschwitz est un ouvrage d'une grande rigueur. A
l'exactitude qu'il s'impose de la relation des faits et des sentiments s'ajoute
la crédibilité de cette part d'imaginaire qui les agglomère. Sa loyauté à
l'histoire en fait un ouvrage qui a sa part dans le devoir de mémoire dû aux
victimes du nazisme. La meilleure juge de tout ceci étant bien entendu celle
qui a vécu cette détestable épreuve. En accompagnant l'auteur dans sa visite
des lieux du supplice elle a accordé son blanc-seing à ce roman historique lui
conférant ainsi statut de témoignage.