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dimanche 3 juillet 2022

L'air était tout en feu ~~~~ Camille Pascal

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Les férus d'histoire sauront que la succession de Louis XIV, si elle revenait à un autre Louis, quinzième du nom, a franchi plusieurs générations pour incrémenter le nom d'une unité. Louis XV était en effet l'arrière-petit-fils de celui qui détiendra pour toujours le record de longévité sur le trône de France. Cette longévité, si elle a été une bénédiction pour le roi que l'histoire a attaché à l'astre solaire l'a aussi affublé de la malédiction de voir disparaître avant lui ses fils et petits-fils. Autant de prétendants à sa succession selon la règle de légitimité se réclamant de droit divin.

Le Très-Haut accordant ce droit n'ayant cure de bon ordre et de logique en matière de succession, l'arrière-petit-fils en question n'ayant pas atteint la majorité requise de 13 ans, le sort du royaume fut remis entre les mains d'un régent, Philippe d'Orléans, neveu de Louis XIV. Intérim disputé par des convoitises arguant de plus directe lignée. Il y avait donc matière à ourdir quelque complot pour contester le testament du grand roi. C'est de cette période de trouble dont nous entretient Camille Pascal dans cet ouvrage. L'artisan de la conjuration étant le prince de Cellamare, l'ambassadeur en France du roi d'Espagne Philippe V, lequel n'était autre que petit-fils de Louis XIV.

On peut avoir en détestation l'idée que le seul hasard de la naissance soit source de privilèges, qui plus est se réclamant de droit divin, et pour autant apprécier la relation qui en est faite par cet auteur à la plume si subtile. Une chose à ne pas retirer à cette classe auto proclamée de droit divin, est la qualité de la langue qu'elle met en oeuvre pour faire valoir ses arguments, certes fallacieux, d'appropriation du pouvoir. Se réclamant d'un dieu que l'église, grande bénéficiaire des avantages et privilèges de l'obscurantisme prévalant, se garde bien de contester.

Le grand profit de pareil ouvrage se trouve dans la qualité de la langue mise en oeuvre par son auteur. Restituant avec le plus grand bonheur la préciosité et souvent aussi la causticité de ce langage de cour qu'affectionnait la classe se réclamant de la plus haute naissance, de sang royal. Fût-il corrompu par les alliances consanguines. La qualité de la grammaire mise au service du discours diplomatique, surtout lorsque ce dernier est rehaussé des précautions du contexte de la conjuration, laisse la bride sur le coup à un auteur tel que Camille Pascal, avec l'habileté qui est la sienne dans les subtilités de ce langage, pour nous soumettre un chef d'oeuvre de sophistication stylistique bien au fait de l'étiquette.L'auteur nous fait par ailleurs la brillante démonstration de la conviction de son bon droit de cette élite auto proclamée. Sa maîtrise des faits historiques et de la langue pour les restituer est une formidable projection dans ce cercle restreint convaincu de légitimité au point de ne pas voir venir la lame de fonds qui l'emportera quelques décennies plus tard. C'est une transposition historique, certains diront en langage plus moderne une téléportation, que nous offre ce talent d'auteur avec la restitution des péripéties de cette succession qui, comme souvent, a aiguisé les appétits voraces des prétendants au festin royal. L'écriture de Camille Pascal est un régal à qui apprécie l'histoire quand elle est rapportée avec toutes les tournures, nuances, subtilités et sonorités qu'autorise notre belle langue.