Même dans la multitude la vie des hommes est histoire de solitude.
Ruriko, l'épouse délaissée par son mari volage dans le japon contemporain,
tente de dissoudre son amertume loin de l'univers de sa déconvenue. Elle se réfugie
dans le chalet de son enfance.
Inhibé par la présence d'un auditoire, les mains de Nitta se crispent sur le
clavier de son piano. Son talent ne peut s'exprimer que loin de ceux qui
pourraient le reconnaître. Il a choisi de s'isoler lui aussi et d'exprimer sa
créativité dans la fabrication de son instrument de prédilection. Il est devenu
facteur de clavecins.
Deux solitudes confrontées à l'errance. Leurs chemins vont se croiser. le
fantasme les effleurera de trouver ensemble consolation à leur désillusion.
Dans cet ouvrage un peu sombre, où deux êtres sont en quête d'un sursaut du
destin, les seconds rôles sont attribués à qui ou quoi n'a de prise sur
l'événement qu'en prétexte à y trouver diversion aux déboires de la vie.
Quoi, c'est le clavecin. Il est omniprésent dans cet ouvrage. On le
personnifie. On l'assassine quand un exemplaire présente un défaut de
fabrication qui en fait un objet dépossédé de sensualité musicale. On l'inhume,
on lui dresse sépulture.
Qui, c'est Dona le chien aveugle et sourd. Sa perception du monde, c'est la
caresse de son maître. Il ne se plaint pas. Sa compréhension de la vie lui fait
trouver satisfaction avec un biscuit ou une odeur familière.
Roman aux saveurs douces-amères d'une culture japonaise tout en pudeur et
retenue. Sans effusion. Des pleurs silencieux. Des espoirs jamais formulés.
Superstition ou sobriété culturelle ? Des embrassades chastes et prudentes.
J'ai regretté quelques incohérences. L'auteure n'a pas dû avoir de chien sourd et
aveugle. Elle ne le ferait pas sauter de ses bras ou divaguer au bord de la
rivière ou encore se «jeter en courant de la terrasse pour se précipiter vers
moi » - page 172 Editions Babel.
Les métaphores et images ne sont pas toujours très heureuses. Elles manquent de
force suggestive, de poésie. Faiblesse de la traduction ?
Il n'en reste pas moins que cet ouvrage rend fort bien une atmosphère d'états
d'âme maîtrisés, auréolée de pudeur chevillée au coeur, très typique de la
culture asiatique. J'ai aimé son épilogue dénué de mièvrerie, aux antipodes de
ce que l'on nous sert trop souvent de nos jours. Mais il ne faut pas en parler.