Romain Gary explore la beauté sous tous ses aspects. Un idéal libertaire peut être beau s'il répond à des aspirations humanistes sincères. Et si vous rétorquez que les actions anarchistes comportent leur lot de victimes, il vous répondra avec l'humour caustique et provocateur qui fait partie du personnage qu'on ne fait d'omelette sans casser des œufs. Surtout si les œufs sont d'or, et pris dans le poulailler des puissants de ce monde.
Depuis que je fréquente le
personnage au travers des ouvrages qu'il a laissés à notre sagacité de lecteur
épris de son écriture, je reste sur le qui-vive en abordant la lecture de
chaque nouvel ouvrage de Romain Gary. Le vertige est souvent au rendez-vous. On
mesure avec Lady L. tout le prix que l'humaniste désenchanté peut accorder à
une cause susceptible de servir son rêve d'extirper orgueil et cupidité de la
nature humaine. Qualités de l'espèce auxquelles il attribue bien des maux dont
elle souffre. Dût-il pour parvenir à ses fins y consentir des dommages
collatéraux au point de désarçonner son lecteur. La fin justifie les moyens.
Mais quand l'idéal se confronte à
l'amour, le combat prend une tournure inattendue dans lequel la femme n'est pas
la plus démunie. Surtout s'il s'agit de Lady L.
Et qu'on ne s'y trompe pas, avec
la richesse spirituelle inspirée et le verbe fécond qui caractérisent son
écriture, il n'est point de légèreté dans l'humour corrosif qui enrobe tout
cela. La légèreté sera chez celui qui ne décoderait pas les intentions
profondes de l'écrivain aux deux prix Goncourt.
Ce talent, quel plaisir de
lecture !