Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire

dimanche 28 mars 2021

La vengeance des mères ~~~~~ Jim Fergus

 



"Même en enfer, on ne sait pas ce que c'est que la vengeance d'une mère".

La vengeance est-elle œuvre de justice ? Certes pas, nous répondront les êtres civilisés, membres d'une société policée. Nul n'a le droit de faire justice soi-même. Mais peut-on parler d'êtres civilisés quand ces derniers se livrent au génocide rétorqueront leurs victimes. Peut-on parler de société policée quand de nouveaux venus sur la terre ancestrale des premiers occupants se livrent à l'appropriation, se recommandant d'un dieu qui dans sa grande bonté accorde aux uns ce qu'ils volent aux autres, et les exterminent quand ils protestent ?

Faire souffrir l'autre plus qu'on a souffert n'est pas une réponse rationnelle à la douleur supportée. Mais il n'est plus question de raison quand la guerre méprise l'innocence. Quand elle massacre les enfants. C'en est déjà assez de voir leurs hommes périrent à défendre leurs familles et leurs biens, quand les enfants meurent dans leurs bras, le cœur débordant d'amour des mères devient cœur de pierre. La vengeance devient la seule réponse logique à la détresse. Elles ne connaissent alors plus aucune loi, plus aucune morale.

Aveuglées par la douleur, les mères n'ont plus qu'une perspective. Celui qui a touché à l'innocence de doit endurer plus qu'il n'a commis. La vengeance ne console pas. Elles le savent pertinemment. La vengeance est privilège de l'espèce humaine. C'est une honte qui réplique à une autre. Elle est affaire intime, sans autre bénéfice que la jouissance douloureuse. Elle est nécessaire. Un point c'est tout.

Les mères convaincues de vengeance deviennent alors plus féroces que quiconque. Plus rien ne les retient. Surtout pas l'idée de la mort. D'autrui comme de la leur. C'est la seule issue envisageable. La seule perspective de libération.

Dans cette suite à Mille femmes blanchesJim Fergus prend le parti des mères. La chaîne de la vie a été brisée par l'envahisseur blanc. Jim Fergus appartient aux descendants de ces hommes qui se disent civilisés quand ils anéantissent les autres qu'ils qualifient de sauvages. Ils nous proposent alors une nouvelle définition des termes. le sauvage est celui qui vit en harmonie avec la nature quand le civilisé sera celui qui est perverti par le pouvoir de l'argent.

Roman humaniste, célébration de la nature, repentir de ceux qui tuent aveuglément pour des biens matériels, Jim Fergus se livre au mea culpa d'une race à laquelle il appartient et qui a bâti sa prospérité sur le sacrifice de peuplades vivant en harmonie avec leur milieu naturel.

Pour écrire un roman choral, il est parti sur le principe de le faire à partir de journaux qu'auraient tenus ses protagonistes. On a un peu de mal à envisager pareille œuvre de solitude dans le contexte de promiscuité du mode de vie des tribus indiennes, dont elles se plaignent, et plus encore dans le contexte de guerre à laquelle les femmes blanches acquises à la cause cheyenne participent activement, puisque résolues à la vengeance. Mais acceptons-en l'augure. le genre romanesque autorise tous les artifices. C'est le genre de la liberté. La crédibilité se retrouve dans l'habileté à faire passer un message. Message que l'on perçoit bien dans la gêne de l'auteur à comptabiliser le gâchis humain sur lequel sa race a bâti sa prospérité. Pour quelle perspective ? La nature maltraitée prendra-t-elle le relai de la vengeance des mères ?