Quand le tueur en série est identifié dès les premiers chapitres du roman, il faut s'attendre à ce que l'auteur nous concocte une traque hors du commun. Fred Vargas a particulièrement soigné celle de Sous les vents de Neptune, un polar qui met sur le grill son héros récurrent, le ténébreux et imprévisible commissaire Adamsberg.
Le tueur est certes identifié, mais il est mort depuis longtemps lorsqu'un
crime qui porte sa signature réveille de pénibles souvenirs chez le
commissaire. Son équipe le connaît bien désormais, quelque chose le tracasse,
mais de là à pourchasser un mort il pousse le bouchon un peu loin le patron. le
rationalisme du capitaine Danglard, son adjoint et accessoirement
l'encyclopédie de la brigade, est exaspéré.
Quand un flic devient trop gênant, il faut le mouiller jusqu'à le faire
inculper. C'est ce qui arrive à Adamsberg. Il sera victime du subterfuge du
prédateur insaisissable lequel réussit à lui faire endosser le meurtre d'une
jeune fille alors qu'il est avec son équipe en formation aux techniques
d'investigations scientifiques auprès de la police canadienne.
C'est à partir de là que Fred Vargas sort
le grand jeu. L'exfiltration du commissaire des griffes de la police montée en
tunique rouge est d'une cocasserie haute en couleur qui nous fait lui pardonner
les invraisemblances. Devenu lui-même fugitif, il trouve refuge dans l'antre
parisienne de deux mamies dont une as de l'informatique qui pénètre les réseaux
les mieux protégés comme elle entre dans sa boulangerie préférée. Quant au
raisonnement intellectuel qui explique le choix des victimes par le tueur,
c'est du casse-tête chinois pur sucre. Fred Vargas s'est
offert un scenario labyrinthique de haut vol bien décidée à ne pas laisser son
lecteur lui voler l'épilogue. Et j'ai bien peur qu'à trop vouloir escamoter son
coupable, elle n'ait fini par le perdre.Ce genre de littérature est difficilement compatible avec l'écriture
métaphorique, mais lorsqu'une bonne partie de l'ouvrage se tient dans les
cercles canadiens, les archaïsmes de langage de notre bonne vieille langue dont
ils ont le secret, combinés aux expressions argotiques de la profession, nous
sont un délice de lecture. Cela sauve d'une intrigue quelque peu alambiquée. Un
polar plaisant du fait de l'ambiance que Fred Vargas sait
restituer de cette brigade taillée sur mesure pour faire se confronter les
caractères. Si l'on n'est pas trop pointilleux quant à la crédibilité, c'est
une parenthèse de lecture agréable.