Autant que le style admirable de Stefan Zweig, la subtile construction de ses intrigues participe à la qualité de ses ouvrages. Celle de la confusion des sentiments, reposant comme souvent chez cet auteur sur une insoupçonnable confession, impose une méticuleuse organisation des émotions et une montée en puissance très graduelle de l'intensité dramatique.
Stefan Zweig a bien compris qu'entretenir le lecteur dans
l'attente d'une révélation dans des ouvrages longs imposerait des artifices à
rebondissement et créerait des longueurs préjudiciables à la crédibilité. C'est
la raison pour laquelle il affectionne le format de la nouvelle dont certains
détracteurs s'empareront pour qualifier péjorativement ses œuvres de romans de
gare. Cette attitude est la plus pure négation d'un incontestable talent pour
la traduction des sentiments humains.
Chacun de ses ouvrages est l'exploration du
mécanisme psychique qui accommode la complexité d'un être dans son
environnement socio culturel. Il n'y a pas de jugement dans sa démarche. C'est
une analyse très méthodique de la sensibilité, de compréhension de la nature
humaine. Elle le placera en décalage avec son époque, avec une société aveugle
qui cultive le jugement à l'emporte-pièce. On connaît la suite : Petropolis
1942.
La confusion des sentiments est le plus pur produit d'un
talent humaniste. Au sens de celui qui sait compatir à la douleur de vivre de
chacun tel qu'il est au fond de lui-même, confronté au monde tel qu'il est. Pas
au sens de ces faussaires en quête d'audience qui ont investi nos médias.