Beaucoup d'autres ont suivi
après. Des auteurs qui lui ont désigné des horizons nouveaux. Jusqu'à ce qu'il
décide de les imiter, de devenir lui-même un passeur d'émotions. Ouverture sur
l'espace et le temps infinis. A devenir arrangeur de mots, il autorise
quiconque les lira à y trouver ce qu'il veut, pourvu qu'il s'arrache des
griffes du quotidien.
Quotidien dont René Frégni nous
parle dans La Fiancée des corbeaux. Avec ses mots qui deviennent les nôtres.
L'important étant que l'on y retrouve les ocres et les bruns de Provence, qu'on
y respire le pin, le thym et la lavande. Que l'on peigne nous-mêmes ces
paysages auxquels il applique tant de poésie et d'amour, que l'on oublie
l'âpreté du monde.
Une année de mots dispersés sur la garrigue
La Fiancée des corbeaux, c'est une année avec René Frégni. Une année de mots dispersés sur la garrigue et les chemins poudreux des collines, les toits de Manosque, les terrasses des bistrots. Dispersés comme une semence pour faire germer des émotions dans le sol fertile de l'imaginaire. Dans les errements des extrémités de la vie quand ils sont balbutiants ou deviennent indigents. L'enfance par les deux bouts. Douce folie et folie douce. Mais pourquoi donc tout le monde ne vit-il pas comme ça ? A aimer Isabelle, la fiancée des corbeaux, au regard si doux qui vous fait la vie si simple.
On le ressent bien à sa lecture, La Fiancée des corbeaux c'est un besoin d'écrire. Un besoin irrépressible. Aussi, quand on a le talent de choisir et d'arranger les mots comme peut l'avoir René Frégni, pourquoi s'en priver. Il peut parler de la banalité du quotidien, en faire une intimité partagée avec la terre entière, peu importe. La trivialité, c'est aussi et surtout la vie des hommes. Ce qui compte c'est le partage des émotions. L'important est de rester en harmonie avec la terre et se fondre dans la vie des hommes. Avec René Frégni c'est faire oeuvre de sérénité, ériger la prose en poésie. Écrire pour être lu. Écrire pour soi-même aussi. Même l'esprit embrumé de nostalgie, ça fait du bien.
"C'est sans doute cela être
écrivain, observer les autres de plus en plus intensément afin de voir plus
clair en soi. Plus j'écris, plus je disparais, plus je ressemble à tout le
monde."