Il y a Marilou dans Elle
danse dans le noir. Il y a Charlotte dans Sur les
chemins noirs. Voici Marie dans On ne dort jamais seul. Et toujours cette
mère qui fait défaut. Eternelle absente du tableau de l'amour. Souveraine
absente qui galvanise l'amour paternel, lequel peine à combler le manque.
Forcément. Un horrible manque pour qu'une petite fille puisse s'épanouir à la
vie. Une petite fille dont le vocabulaire est amputé d'un mot. le plus beau. le
plus essentiel : maman.
Aussi lorsque Marie disparaît et
que l'enlèvement se confirme, c'est la terre qui se renverse, le ciel qui
s'assombrit en plein jour. Pour son père, Antoine, Marie c'est tout : son
univers, son avenir, son soleil. Marie c'est sa vie. C'est sa maman disparue.
Celui dont l'enfant a disparu n'a
pas droit au désespoir. Désespérer c'est condamner. Aussi c'est avec une rage
folle qu'Antoine sillonne Marseille en tous sens, s'agrippe à toutes les
aspérités de la vie pour sortir du gouffre dans lequel il est tombé. Il harcèle
la police. Il ne dort plus. Il sombre. Pas de désespoir, Il n'y a pas droit. Il
sombre d'impuissance.
Jusqu'au jour où il rencontre
Jacky Costello. Un ami d'enfance perdu de vue. Et pour cause. Dix ans de
prison. La prison est aussi souvent présente chez Frégni que les
collines aux senteurs de romarin. Costello c'est le mauvais garçon au grand cœur.
Touché par la peine de son ami, il prend les choses en main. Il a des
relations. Beaucoup de relations, dans toute la ville. Pas toujours des anges
loin s'en faut, mais des fidèles. Il est respecté Costello dans le milieu. Et
il a ses méthodes. Des méthodes que ne peut s'autoriser la police. Des méthodes
un peu rudes pour faire parler ceux qui auraient pu justifier de leur droit de
garder le silence aux yeux de la loi. Avec Costello, Antoine retrouve ses
esprits, la tempérance, l'énergie de fouiller Marseille avec méthode cette
fois. Il retrouve goût à la vie. La vie de Marie. La sienne reviendra avec.
Quand Frégni donne
dans le genre polar, il n'est plus question de nostalgie contemplative d'une
Provence chatoyante et nostalgique. le rythme est endiablé. Les coups pleuvent.
On fréquente les bas-fonds de la ville, et surtout les confins de la légalité.
On n'est plus dans le monde des atermoiements et de la tendresse. La justice
est expéditive. On se laisse gagner par la rage de rattraper les malfaisants,
les plus monstrueux des monstres, ceux qui s'en prennent aux enfants.
Sauf que, le rythme est tellement
soutenu que le roman s'essouffle. L'épilogue tombe aussi franc et vite qu'un
couperet. C'est un peu cousu de fil blanc. C'est une fin en surexposition, une
élévation. Un tableau épique qui porte aux nues un lien indéfectible : l'amour
d'un père pour sa fille. Celle qui restera toujours sa petite fille, Marie.
Le grand gagnant dans tout ça
c'est l'élan qui relie un père à sa fille, le lien indéfectible de l'amour
réciproque. le grand gagnant c'est aussi l'amitié en dehors des chemins de la
légalité. Une amitié forgée dans la rue, souvent à coups de poings. Une
fidélité à l'épreuve du temps et des vicissitudes de la vie. Même si ce roman
est un peu expéditif on y retrouve une constante chez Frégni, le besoin d'aller
chercher cette lueur cachée au fond de l'être qu'il faut savoir extraire comme
un précieux minerai pour ne pas désespérer de l'espèce humaine.