Le roman historique, pour autant qu'il soit crédible dans sa restitution du contexte dans lequel il incorpore son intrigue, est une façon d'aborder l'histoire de manière moins scolaire. La fiction servant de liant aux faits historiques qu'elle agglomère pour forger son intrigue.
Les
foulards rouges de Frédéric H.
Fajardie nous implique dans une page de l'histoire qui fit en son
temps douter de la longévité du règne du dauphin devenu roi à l'âge de cinq
ans. Il fut au final le règne le plus long de notre histoire. Sous la
gouvernance de la régente Anne d'Autriche sa mère et de l'homme fort du
royaume, le cardinal Mazarin, Louis XIV commençait son règne en un royaume
alors englué dans la plus grande confusion. Ce trouble est resté dans
l'histoire sous le vocable de Fronde. Terme qui dissimulait mal une guerre
civile larvée.
Et si l'histoire pouvait manquer de gloire et rengaine d'amour, le roman de
Fajardie l'en augmente à satiété. Au point de forcer le trait à couvrir de
renommée un héros devenu sous sa plume invincible, le comte de Nissac, tout
empanaché de rouge et de blanc sur son fidèle destrier noir, héros confondu
d'amour pour la plus belle femme de la capitale, il va de soi. Au point
d'outrepasser la barrière de la condition, le comte succombant aux charmes
d'une roturière. Et fort de cette passion irrépressible, la plus fine lame du
pays se bat à un contre multitude sans jamais faillir, se réclamant du service
du cardinal, se stimulant de son sentiment tout neuf.
La guerre étant la continuation de la politique par d'autres moyens selon Clausewitz,
si péripéties politiques et guerrières ne suffisaient pas à sublimer notre
héros, Fajardie l'implique dans une énigme policière lorsque ce qu'on appellera
plus tard un psychopathe tueur en série s'ingénie à écorcher vives de jolies
femmes. En exutoire sans doute à de vieilles frustrations lesquelles renvoient
comme souvent à une enfance lésée en son quota minimal d'amour pour construire
la personne. La dénonciation sera délicate, le tueur est de haute naissance.
Gageons qu'en ces temps de privilèges dans une société très cloisonnée la
justice n'y trouve pas tout à fait son compte.
Notre héros invincible, suffisamment pourvu en cicatrices de guerre attestant
de sa bravoure, s'entoure d'acolytes à la Vidocq, rescapés de justesse des
rigueurs des galères, formant une équipée improbable et crainte comme le diable
sous l'anonymat de son foulard rouge. Equipée laquelle intervient avec le plus
grand succès aux faveurs du premier ministre cardinal pour que vive ce roi
naissant à l'histoire. Un roi qui restera dans nos manuels affublé de l'astre
solaire en qualificatif.
A une époque où l'on chevauchait sus à l'ennemi en dentelle, se battait en duel
en faisant des phrases apprêtées, ennoblies de force passés du subjonctif,
c'est la restitution de cette langue sophistiquée, au point d'en devenir
précieuse dans la bouche des « bien-nés », qui donne sa saveur à cet ouvrage.
La langue d'époque mise en oeuvre dans cet ouvrage ne souffre d'aucun
anachronisme de langage. Elle nous rappelle à une grammaire que notre temps
oublieux de ses racines martyrise à souhait, la sacrifiant sur l'autel de
l'audimat à grand renfort d'onomatopées et anglicismes dont les locuteurs
modernes impénitents ignorent jusqu'au sens premier.
S'il ne cautionne pas le scenario d'un super héros échappant toutes les
chausse-trappes que ses ennemis lui placent sous ses pas, l'amateur d'histoire
sera quand même comblé par cet ouvrage pour ce qu'il semble fidèle aux faits
historiques que sa mémoire aura sauvegardés de ses lointaines universités.
Bonne mise en situation en ces temps d'ancien régime servie par une belle
langue, en contrepoids d'une fiction un peu trop édulcorée. Mais le rythme est
enlevé et l'ouvrage n'est pas pesant à lire.