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Ouvrages par genre
samedi 6 janvier 2024
Le journal intime de la Vierge Marie ~~~~ Sophie Chauveau
« N’attend-on pas toujours un petit Dieu, un messie, un sauveur du monde, un libérateur pour notre peuple ? Si on ne le rêvait pas plus grand que tout, si l’on n’y croyait pas aussi fort, se déploierait-il en nous ? »
La jeune Marie apprend qu’elle attend un enfant. Pendant huit mois, elle tient un journal dans lequel elle note scrupuleusement les émotions et les sensations qui l’agitent avant cette naissance si particulière. Ses questionnements, ses rêves et ses peurs sont semblables à ceux que partagent nombre de futures mères.
À travers un récit dominé par la joie, Sophie Chauveau donne à voir une Marie forte et instruite, et nous dévoile, au-delà du mythe, des aspects méconnus de l’histoire qui changera la face du monde.
mardi 12 décembre 2023
Diderot, le génie débraillé ~~~~ Sophie Chauveau
Renonçant à la publication de certains de ses écrits de son
vivant, Diderot ambitionnait d’écrire pour la postérité. Opportune lucidité que
lui dictait la prudence. Il s’agissait de se protéger lui-même mais aussi sa
famille des foudres que son temps de censure ne manquerait pas d’attirer sur
lui de la part de ceux dont le niveau de tolérance n’allait quand même pas
jusqu’à admettre la critique. Mais Diderot était loin d’imaginer que cette
postérité serait aussi distante de lui qu’elle devrait attendre ce 21ème
siècle pour faire éclater des préceptes de vie en société que l’on peine encore
aujourd’hui à faire nôtres. La tolérance a encore du chemin à faire.
Il a trouvé en Sophie Chauveau une avocate ardente à faire
valoir l’incroyable modernité de ses pensées et l’immense talent qu’il a eu à
les mettre en mots, tant à l’oral de son vivant qu’à l’écrit désormais. Elle
attribue au personnage, quant à la promotion du 18ème siècle en
siècle des lumières, une plus grande part que celle que l’histoire a voulu lui
consentir.
Le baptisant Diderot, le génie débraillé, elle lui consacre ce
magnifique ouvrage. Il lie à merveille la part romancée et celle attestée par
les sources. Je reste admiratif du travail de recherche et de la mise en forme
de ce pavé qui ne dissimule rien de l’admiration qu’elle voue au personnage, à
mettre en avant l’intelligence subtile et la hauteur de vue de ce monstre de
talent, tout autant que l’avance sur son temps. Elle rend l’auteur de l’Encyclopédie
bougrement attachant et sait nous rallier à son engouement.
L’innovation dans le domaine des idées n’avait rien d’une
sinécure en ce siècle ou l’église régnait en maître sur les consciences. Les esprits
dits éclairés étaient confrontés à des institutions sclérosées, tant civiles
que religieuses, bouffies de leur pouvoir exorbitant jusqu’à disposer du droit
de vie et de mort. Monarchie, noblesse et clergé confondus, tous obnubilés
qu’ils étaient par la préservation de leurs privilèges. Aveuglés au point de ne
pas voir surgir la vague de fonds qui allait les engloutir quelques années
seulement après la disparition du philosophe. Sophie Chauveau se fait fort de lui
rendre la place qu’il mérite parmi les promoteurs des idées neuves du 18ème
siècle, déclassé qu’il fut par des Voltaire et autre Rousseau. Ce dernier ayant
à ses yeux fait montre d’une misogynie et d’un mépris de sa progéniture en
complet décalage avec les thèses développées dans ses ouvrages.
Véritable immersion en un 18ème siècle qui entretient
l’utopie de promouvoir l’humain au-dessus de la chape de convoitise et
d’appropriation, laquelle fige à dessein le peuple dans l’ignorance et
l’indigence, cet ouvrage de Sophie Chauveau n’est pas seulement une biographie,
il est un brillant plaidoyer en réhabilitation d’un jouisseur sublime.
« Mes pensées ce sont mes catins » écrit-il en
prologue dans Le neveu de Rameau. Et Sophie Chauveau d’intercéder pour que ses
errances libertines lui apportent un jour, peut-être enfin en ce siècle qui
connaîtra la compilation de ses œuvres, la juste rétribution d’un humanisme
certes hédoniste mais sincère et dépouillé de toute discrimination.
lundi 4 décembre 2023
Le fantôme de Philippe Pétain ~~~~ Philippe Collin
La France de Vichy, sujet
éminemment délicat à évoquer aujourd’hui encore. Il faut du doigté à un auteur
pour aborder avec impartialité cette page sombre de l’histoire de notre pays.
Dans Le fantôme de Philippe Pétain, Philippe Collin fait le point sur ce brûlot
de la mémoire collective de notre pays. Cette période au cours de laquelle
Philippe Pétain fut chef de l’État Français, depuis qu’il s’était vu remettre
les pleins pouvoirs en 1940, jusqu’à la défaite de l’Allemagne nazie, évoquant en
inévitable conclusion les dernières années du maréchal après son procès en 1945.
Il est aussi question comme de juste de la posture du général de Gaulle
vis-à-vis de son ancien chef. Attitude qui lui inspira cette expression comme
de Gaulle en avait le secret : « la vieillesse est un naufrage. »
Pétain avait 84 ans en 1940.
Philippe Collin est parvenu à
dépassionner le sujet en conduisant ce qu’on pourrait appeler une forme d’instruction
à charge et à décharge, interviewant des spécialistes de l’époque parmi les
plus éminents. Il destine à nous autres lecteurs d’un autre temps un recueil de
ces entretiens rendu d’autant plus vivant et passionnant qu’il s’offre à nous
sous forme d’un débat s’affranchissant de la stricte chronologie. Il s’agit d’analyser
comment un personnage, porté haut dans le cœur des Français de l’époque pour
avoir été le vainqueur de Verdun, a pu être conduit à commettre l’impensable.
Une belle réussite que cet ouvrage autorisé par une mémoire encore vive mais
avec déjà un recul suffisant.
mercredi 29 novembre 2023
La fabrique des pervers ~~~~ Sophie Chauveau
En amateur d'histoire que je suis j'apprécie les œuvres de Sophie Chauveau tant
du fait du formidable travail de documentation avec lesquelles elles sont
construites que de la qualité d'écriture qui les met en pages. Je suis en train
de lire Diderot,
le génie débraillé de sa main. J'avoue rester ébahi de la précision avec
laquelle elle peut y détailler la vie du père de l'Encyclopédie.
Mais las, depuis que j'ai lu celui pour lequel j'écris ces modestes
lignes, La
fabrique des pervers, je perçois les œuvres de Sophie Chauveau sous
un autre angle. En effet, quand tant d'autres auraient pu sombrer à assumer un
passé intime empoisonné, Sophie Chauveau s'est
elle réfugiée dans le travail pour produire des œuvres de
grande valeur historique et littéraire. Ce passé intime est celui de l'enfance
pervertie par l'abus sexuel d'un parent.
Si les autres ouvrages peuvent être imaginés comme ceux de la fuite et de
l'oubli par le travail, La
fabrique des pervers serait donc pour son auteure celui de la
thérapie. Enfin.
Mais aussi et peut-être surtout un livre en forme d'espoir pour les autres
victimes de pareille souillure de la part de personnes supposées garantir à
l'enfant la sérénité dont il a besoin pour s'épanouir. Des victimes qui n'ont
pas encore pu se libérer par la parole. Un livre pour leur dire que l'on peut
en revenir. A condition de bien parvenir à faire reporter la faute sur les
vrais coupables : ceux qui commettent le crime d'inceste. Un livre pour ne pas
assumer les torts de mauvaise action ou de passivité, fussent-ils ceux de
parents.
Mais aussi encore un livre de mise en garde pour des victimes potentielles de
ce crime, de leur entourage proche qui se rendrait tout autant condamnable en
fermant les yeux. le huis-clos familial est le contexte dans lequel une victime
potentielle est la plus vulnérable. Ecartelée qu'elle est entre la part d'amour
qu'elle éprouve à l'égard de ses parents et la part de rejet que lui inspire ce
qu'elle ne comprend pas encore comme une agression mais bien comme une
anormalité dans la relation filiale.
Il faut dire que Sophie Chauveau a
de qui porter le poids de l'indignité s'agissant de la famille dont elle est
issue, au sein de laquelle des relations coupables se sont entretenues durant
des générations. Profitant d'époques où la voix de l'enfant était étouffée par
des codes sociaux et moraux qui ne l'instituaient pas en tant que personne. Au
grand avantage de pervers qui jouissaient quant à eux de leurs pulsions sans
crainte ni retenue et donnaient de la personne une idée déshonorante.
Bravo à Sophie
Chauveau pour cette libération et pour l'espoir qu'elle procure à qui
n'est pas encore parvenu à émerger d'un passé gangrené par de tels
comportements, faisant de l'enfant un objet d'assouvissement et non un adulte
en devenir.
mercredi 22 novembre 2023
Olympe de Gouge ~~~~ Benoîte Groult
Ce n’est pas seulement une biographie d’Olympe de Gouge que
nous propose Benoîte Groult, c’est surtout un recueil de ses idées de femme
lucide sur la condition de son sexe. L’autre sexe ainsi que le qualifie Simone
de Beauvoir. Celui qui depuis l’aube des temps vit dans l’ombre de la mâle
domination. Idées qu’Olympe de Gouge a traduites en d’innombrables textes
placardés dans la capitale ou adressés aux tenants du pouvoir dans la frénésie
de son combat. Idées qu’elle a aussi mises en scène dans les pièces de théâtre de
son cru.
Des idées très avancées sur son temps. En ce sens qu’il n’était
pas prêt à les recevoir. Mais de toute façon très en retard sur ces millénaires
d’apparition de l’humanité sur terre. On dirait aujourd’hui qu’elles étaient
très modernes ces idées. Sans doute pour dire qu’elles nous semblent encore
d’actualité.
Son tort a été de les clamer haut et fort ces idées, à la
face de ceux qui, bien qu’eux-mêmes initiateurs de procès en crimes contre le
peuple devenu souverain, avaient oublié que le peuple est constitué pour moitié
de femmes. Ils n’étaient donc pas prêts à faire leur propre procès pour avoir
tenu sous le joug celle à qui ils ont imposé leur supériorité, forcément
usurpée. Olympe de Gouge a cru pouvoir initier une autre révolution dans la Révolution.
Elle ne réclamait ni plus ni moins que le droit de monter à la tribune
puisqu’on lui opposait celui de monter à l’échafaud.
Emancipation de la femme, plaidoyer pour le droit au divorce
à son initiative et un statut équitable pour les enfants naturels, mais aussi abolition
de l’esclavage, création d’une caisse patriotique, forme de sécurité sociale qui
ne disait pas encore son nom, d’un théâtre national en contre-poids d’une
Comédie Française monopolisant la création, ouverture de maternité offrant de
bonnes conditions sanitaires aux femmes en couche, le tout porté par une
déclaration universelle des droits de la femme, tels étaient ces idées
d’avant-garde étouffées par des millénaires de soumission. Une révolution qui dans
sa grande naïveté irait au bout de celle engagée en 1789. Une révolution que
les tenants du pouvoir du moment ont travesti en contre-révolution, afin de ne
rien perdre des prérogatives qu’ils venaient de s’arroger à grand renfort de
têtes coupées. La monarchie était tombée mais pas le patriarcat.
On n’en attendait pas moins de Benoîte Groult dont on
connaît la pugnacité en termes de combat pour que non seulement notre siècle
connaisse enfin l’équilibre, mais aussi pour que s’établisse la reconnaissance
de l’usurpation de statut au bénéfice du seul mâle. Que soient moqués ceux qui
se sont rendus illustres aux yeux de leur congénères en proclamant des sentences
du style : « Il y a un principe bon qui a créé l’ordre, la lumière et
l’homme. Et un principe mauvais qui a créé le chaos, les ténèbres et la
femme. » (Pythagore au 5ème siècle avant notre ère).
Bel hommage de Benoîte Groult à celle dont le courage,
poussé à l’inconscience, l’a fait monter à l’échafaud, sans renier ses
convictions, convaincue de son bon droit. Ce que Benoîte Groult restitue bien à
la lecture de son texte, c’est la solitude de cette femme dans son combat.
Abandonnée par son père naturel auprès d’une famille d’adoption, elle forgea elle-même
sa propre culture, mena seule son combat pour que soit réservée à la femme une
autre condition que celle destinée à élever les enfants de son époux. Elle n’a pourtant pas trouvé le levier propre
à soulever l’enthousiasme de ses contemporaines. Même son propre fils
l’abandonna à son rêve d’une société juste et équilibrée.
Les deux premiers ouvrages que j’avais lus de la main de
Benoîte Groult avait forgé mon engouement pour cette auteure. J’ai été comblé de
pouvoir, grâce à elle, faire la connaissance de cette femme d’autant plus
méritante que son combat fut solitaire à une époque où l’on ne risquait rien moins
que sa vie pour faire valoir ses idées.