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Pour avoir déjà pu apprécier l'écriture de Dominique
Bona, je me préparais au plaisir de retrouver son style séduisant rehaussé
d'érudition en portant mon choix sur cet ouvrage. Il me ferait connaître un
personnage dont je n'avais jusqu'à ce jour jamais entendu parler, et pour
cause.
La cause étant que mon univers de vie et mon rayonnement sont à des
années-lumière de celui de cette célébrité qu'est Jaqueline de Ribes. Aussi
puis-je affirmer dès lors, en refermant cet ouvrage, que si un jour quelqu'un
de mal inspiré s'avisait d'écrire ma biographie, à côté de ce que je viens de
lire le rendu aurait la consistance de celle d'un être disparu de la mort
subite du nourrisson.
La qualité de pareil ouvrage doit autant au sujet de cette biographie, qu'à son
auteure. À personne exceptionnelle il fallait un auteur, et en l'occurrence une
auteure, qui soit à la mesure. Dominique Bona était toute désignée
pour cet exercice ô combien périlleux, Jaqueline de Ribes étant encore de ce
monde. La question se pose alors de savoir s'il s'agit d'une biographie ou de
mémoires. La subjectivité change de camp selon le cas.
La joie de retrouver Dominique Bona dans son exercice favori qu'est
la biographie a cette fois été tempérée. Si le style est toujours aussi
brillant, le sujet m'a quelque peu blasé. Des descriptions à n'en plus finir,
de tout ce qui peut mettre en valeur une silhouette de rêve et la mettre en
scène au cours de galas, bals, dîners, réceptions, dans une forme de fuite en
avant vers la séduction. Ce qui fait de cet ouvrage un véritable défilé de mode
sous les yeux ébahis, si ce n'est envieux, des spectateurs de l'élégance faite
femme et superbement retranscrite par Dominique Bona. Une fuite en avant,
mais pourquoi pas aussi une forme de revanche sur le désamour dans lequel l'a
abandonnée une mère dédaigneuse de sa descendance.
L'ouvrage devient plus intéressant lorsque Jaqueline de Ribes se lance
elle-même dans l'aventure de la création en fondant sa propre marque. Sous l'œil
pour le moins avisé, excusez du peu, mais néanmoins attendri des déjà grands de
la profession : Dior, Saint-Laurent, et consorts. Entreprise dans laquelle elle
se voit couronnée de succès artistique, mais pas financier.
Sujet et mise en forme font de cette biographie un ouvrage d'une esthétique
rare, certes empesé d'un narcissisme exacerbé, mais qui réconcilie avec l'a
priori défavorable que peut laisser planer une naissance favorisée par le
milieu et la beauté, tant Jaqueline de Ribes s'est investie pour sublimer et
faire rayonner au travers de sa personne, au-delà de la femme, la féminité.
La prouesse de l'auteure étant de ne pas faire assaut de superlatifs comme en
déploie trop souvent les discours au vocabulaire indigent mais de mettre en œuvre
dans son propos le même luxe que celui qui fait briller son sujet de mille feux
à la face du monde. Car l'univers de Jaqueline de Ribes est tout sauf étriqué,
sauf commun, sauf modeste. Ce qui la qualifie le mieux dans ce que j'ai compris
de son personnage est sans doute cette phrase que Dominique Bona a
extraite des nombreux entretiens qu'elle a eus avec la Divine Jaqueline : « Je
suis née un 14 juillet, j'ai mis évidemment un peu de révolution dans la
maison, j'espère avoir mis aussi un peu de feux d'artifice. »