Écrire, ne serait-ce pas prononcer silencieusement les mots qui n'ont pu franchir nos lèvres ? Ne serait-ce pas vaincre cette pudeur imbécile qui nous retient de dire Maman, je t'aime. Quand elle est là devant nous, avec ses gestes bénins qui ne sont rien que des gestes d'amour.
La déclaration de René Frégni
faite à sa mère dans Elle danse dans le noir, beaucoup pourraient la reprendre
à leur compte. Moi le premier. Encore lui a-t-il la compétence de le faire à la
face du monde. Comme une revanche sur tous les silences qui ont étouffé les
paroles.
Écrire, ne serait-ce pas donner
libre cours à tous les rêves que la vie a tenu enfermés derrière nos paupières
closes ? Rêves d'un amour sans tache, qui ne souffrirait pas de l'usure du
quotidien. Un amour inoxydable qui ne verrait pas l'être aimé courir après ses
propres chimères dans les bras d'un autre.
Écrire, ne serait-ce pas briser la solitude qui nous étreint dans un monde
surpeuplé ? Solitude qui ferait pencher vers le crime plutôt que sombrer dans
l'indifférence. Ultime révolte contre l'impuissance à gouter le présent, à se
laisser porter par son trop plein d'amour.
Écrire, ne serait-ce pas rappeler
à soi les êtres aimés lorsqu'ils sont partis ? Trouver les mots qui les
débusqueront où qu'ils soient, comme des limiers lancés sur leurs traces. Les
mots qui les ramèneront autour ce soi, êtres transis du froid de l'absence,
revenus se réchauffer autour du feu de l'amour.
Oui mais voilà, tout le monde ne sait pas écrire comme René Frégni. Beaucoup
restent enfermés dans le mutisme assassin qui à force de les tenailler leur
fait commettre le pire.
La vie n'est jamais aussi forte
que lorsque les mots ont trouvé leur arrangement pour la libérer des
inhibitions. René Frégni sait donner cette force à la vie. Surtout lorsqu'il
tient la main de Marilou. Cette fille qui est aussi sa mère, parce qu'elle est
la vie, parce qu'elle est l'amour.