Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire
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lundi 7 septembre 2020

Morsures ~~~~ Hélène Bonafous-Murat

 


Morsures est un ouvrage dans lequel Hélène Bonafous-Murat a à n'en pas douter mis beaucoup d'elle-même. Cet ouvrage place en effet son intrigue dans le monde des images, des estampes en particulier. Sujet qu'elle connaît mieux que quiconque pour en être une experte reconnue. Et s'il est une certitude qui me tenaille au sortir de cette lecture, c'est tout d'abord que ce sujet est pour elle au-delà d'un métier une passion et qu'en second lieu sa compétence y éclate aux yeux du néophyte que je suis. le néophyte a certes tôt fait d'être ébloui par le maître me direz-vous, mais il conserve quand même sa capacité de jugement quant à l'écart des compétences. A moins bien entendu que je ne sois l'objet d'une mystification, ce qui n'aurait rien de surprenant tant l'auteure a l'art d'entraîner son lecteur dans une spirale de confusion, à savoir qui est qui, à quelle époque, en chair et en os ou bien en impression sur vélin.

Ce fut pour moi de la part de l'auteure et selon sa dédicace une invitation à me plonger dans l'image et à m'y perdre. Mission accomplie. Ce n'est qu'à l'épilogue, ô combien surprenant, que j'ai pu recouvrir mon libre arbitre et applaudir à l'artifice de construction, lequel m'avait emberlificoté dans une intrigue qui en masque une autre. J'avoue avoir été déstabilisé par la confusion des narratrices. Et pour cause. J'ai même failli décrocher, mais quelque chose me chuchotait d'aller au bout. Bien m'en a pris.

Enquête il y a, puisque crime il y a, et aussi vol d'œuvre rare. Mais curieusement le corps de l'intrigue se déporte et entraîne le lecteur profane sur une terra incognita. L'enquête verse dans le cercle fermé des amateurs éclairés du monde de l'image. L'auteur de l'œuvre rare qui a refait surface avant de disparaître à nouveau est certes vite identifié. L'experte ne l'est pas pour rien. Mais qui sont les personnages représentés sur cette estampe du XVIIème siècle, qui est le commanditaire de cette œuvre et quel est son message à la postérité ?

L'image sollicite l'imaginaire, force la convoitise, interpelle l'experte et la transporte dans le temps du geste de l'artiste. Cette représentation est comme un trait d'union entre deux sensibilités écartelées par des siècles d'une présence silencieuse et anonyme, oubliée des regards. L'experte s'en imprègne, se fond dans le personnage représenté au point de verser dans le dédoublement de la personnalité. Elle devient le sujet représenté jusqu'à ressentir le contact de la main de l'autre personnage de l'image sur son épaule et s'interroger sur ses intentions.

L'image affole le marché. Les spécialistes fourbissent leurs armes à coups de milliers de dollars pour faire de cette œuvre, hier inconnue et déjà célèbre, la cible de leur convoitise. Alors que le lecteur est resté sur son interrogation : qui a tué le commissaire priseur, pourquoi, et qu'est devenue la vedette du catalogue soustraite à la vente organisée en l'hôtel Drouot ?

Morsure est un ouvrage d'une richesse culturelle avérée. L'image ne sollicite pas seulement la sensibilité artistique, mais renvoie à l'histoire, la grande, en un temps où, du fait de sa rareté la représentation graphique prenait son sens, son intérêt et donc sa valeur. Une tout autre envergure et signification que le flot des banalités sur colorées qui inonde notre monde d'aujourd'hui au point d'en devenir polluant. de témoignage de la réalité qu'elle était autrefois, l'image est devenue aujourd'hui représentation d'un monde virtuel, fugitif, déposée sur un support volatile et donc tôt promise à l'oubli.

Quant au titre, un tantinet aguicheur pour l'ouverture sur une forme de polar, me voilà désormais armé pour faire œuvre de connaissance technique et vous dire qu'il est un terme de vocabulaire des aquafortistes. Mais je vous laisse découvrir ce que ce genre de morsure peut laisser de traces durables dans le monde de l'image. Morsures est une lecture exigeante, quelque peu déroutante qui peut blaser l'amateur d'émotions fortes. Mais qu'il se méfie de l'irrationnel, il pourrait bien l'inciter à faire des retours sur images.

 

samedi 22 août 2020

Avancez masqués ~~~~ Hélène Bonafous-Murat

 



Pourrait-on un jour voir le poste de ministre de la culture, poste éminemment symbolique lorsqu'on évoque l'identité culturelle d'une nation, tenu par une personne issue de l'immigration ? Hélène Bonafous-Murat a franchi le pas. Elle l'a fait dans cet ouvrage, un polar qui impacte les instances politiques au plus haut niveau.

La ministre a été assassinée. Crime politique, xénophobe ou crapuleux, affaire de mœurs touchant les hautes sphères de la République, le terrain est miné, l'enquête piétine. Alors que les médias font du rentre dedans et brodent en désespoir de scoop, Olivia Lespert journaliste spécialisée pour le magazine Art Globe est entraînée hors de son domaine de prédilection lorsqu'elle se trouve mise en présence d'indices qui pourraient bien faire dévoiler l'assassin. Un mystérieux correspondant prolonge sur internet une rencontre faite avec elle dans des circonstances d'autant plus singulières et excitantes qu'elle s'est faite sous le couvert de l'anonymat.

Hélène Bonafous-Murat nous destine un polar qui s'intéresse aux instances politiques et leurs lots de lutte de pouvoir, de corruption et autre compromission, mais pas seulement. Il est aussi beaucoup question d'art dans cet ouvrage. D'art contemporain en particulier, avec ce que cette notion implique de mise à l'épreuve du ressenti de son public. Ne dit-on que de toutes choses celles qui entendent le plus d'inepties sont les œuvres d'art. Et plus l'immédiatement accessible au vulgaire s'estompe pour ouvrir le champ à l'abstrait, plus se resserre le panel de ceux qui se disent réceptifs au message de l'artiste et s'érigent ainsi en élite. C'est cette prétendue élite qui tient la vedette dans cet ouvrage lorsqu'elle se livre au combat des anciens et des modernes. Les premiers, tenants du beau, ayant dans cet ouvrage leurs activistes sous le sceau de la morale, de l'esthétique, et pourquoi pas du mystique, les seconds arpentant les couloirs des musées d'art contemporains y allant de leur vérité sur ce que l'improbable dicte à leur entendement.

Evoquer l'art en le dissociant de la sensualité serait le déshumaniser dans ce qu'il commande à l'imaginaire. Hélène Bonafous-Murat sait de quoi elle parle. Et de la sensualité à la volupté la frontière est ténue. L'énigmatique favorise le fantasme et met le corps en résonnance. Il n'y alors qu'un pas à faire pour franchir la porte d'un de ces clubs très fermés en quête d'émotions fortes. Mais c'est méconnaître que ce genre de lieu interlope peut devenir une nasse dans laquelle un manipulateur aura attiré sa proie.

Avancez masqués est un polar psychologique plein de rebondissements qui, touchant au monde politique, entretient jusqu'au bout le doute quant à la sauvegarde de la morale et la satisfaction de la justice. Polar fort bien documenté et promoteur de l'art sous toutes ses formes. Il témoigne de l'érudition et des recherches de son auteure dans le domaine. Et polar très moderne en ce qu'il se déroule dans une société ou les repères et les valeurs s'effacent au profit des contingences mercantiles, pain béni des médias qui se livrent entre eux à une lutte sans merci.

Mais heureusement aussi un polar dans lequel la sensualité n'est pas que bafouée par le vice. Nos deux protagonistes, toujours séduisantes sous divers grimages, initient chacune de son côté une histoire sentimentale dont la sincérité réchauffe le cœur dans le monde froid du pouvoir et du profit. Et notre experte en art, s'adjoignant la complicité d'une jeune eurasienne un peu paumée, aussi spontanée qu'astucieuse, est un personnage attachant qui méprise volontiers le risque y allant de sa bonne foi avec un soupçon de naïveté. On se dit parfois qu'elle est quand même gonflée !

Mais au-delà d'une intrigue prenante, ce que je retiens de cette lecture, c'est le polar au féminin. A l'emprise sur le lecteur s'y ajoute cette touche de volupté connue d'elles seules pour édulcorer l'atmosphère. Mystère inhérent au genre et accessible à l'autre que dans les rares instants de communion spirituelle. C'est très réussi à mon goût.


jeudi 2 janvier 2020

Quand sort la recluse~~~~Fred Vargas

 



"C'est une enquête qui plonge dans les entrailles, du passé comme de l'esprit", selon les mots du commissaire Adamsberg lui-même. C'est ainsi qu'il qualifie les événements l'ayant conduit à dénicher la recluse.

Les inconditionnels de Vargas et arachnophobes devront faire un choix : maîtriser leur phobie ou faire une infidélité à leur auteure de polar préférée. Car la recluse qui donne son titre à ce roman est bel et bien une araignée, que l'on connaît très vite par son petit nom : loxosceles reclusa. Araignée, mais pas seulement.

C'est mon premier Vargas. Et si j'emploi cet adjectif numéral ordinal (j'ai revu ma grammaire), c'est que cet ouvrage pourrait bien être suivis d'autres de la même auteure dans mes projets de lecture de l'année qui débute. J'arrive certes tardivement sur la planète Vargas, mais comme on dit mieux vaut tard que jamais. Car j'avoue que la personnalité de ce commissaire, dont je crois savoir qu'il est son personnage récurrent m'a bien plu. Un commun des mortels avec ses ressentis, ses doutes, ses faiblesses. Il a bien sûr ce supplément d'opiniâtreté qui vient épauler une conscience professionnelle chevillée à un corps de flic pour en faire un héros. Un héros du quotidien. Un héros sans l'être, avec ce soupçon de bravade guidé par une intuition qui le fait naviguer aux confins de la légalité, quand il subodore que la piste est bonne mais que les preuves ne sont pas encore là.

J'aime ces enquêtes qui nous épargnent le superflic à l'épreuve des balles bondissant pistolet au poing dans la course effrénée d'un compte à rebours de la dernière chance. Vargas nous sert de l'authentique, du crédible dans une vie de flic de chez nous. Les méninges travaillent plus que les effets spéciaux. C'est parfois un peu alambiqué, mais il faut bien épicer un peu le plat pour garder le lecteur en haleine, la bouche ouverte en quête d'air neuf. Avec ce que je viens de lire de la part de Fred Vargas, le dosage est bon. Adamsberg est un flic que j'ai envie de retrouver sur une autre affaire. Je vais fouiller dans le passé. Très bon polar à mon goût, même si j'avais quand même bien imaginé que les soupçons dispersés faisaient diversion pour protéger le vrai coupable. Heureusement que la cause est bonne. Adamsberg est un flic qui a du cœur.


mardi 12 novembre 2019

Piège à Bragny~~~~Bénédicte Rousset

 



On serait sur un thème léger, je dirai qu'il a voulu emprunter le chemin du Père Noël et que cela ne lui a pas porté chance. Et sa mort, puisqu'il s'agit bien de cela, va donner le coup d'envoi à une intrigue avec laquelle j'ai eu du mal à prendre mes distances avant d'en connaître le dénouement. Seulement voilà, le roman que je viens de lire de Bénédicte Rousset ne flirte pas avec la légèreté, loin s'en faut. Genre policier noir, aussi noir que peut l'être la vengeance. Aussi machiavélique que peuvent l'être ceux qui ont décidé de goûter ce plat refroidi, le temps de mettre sur pied leur manigance mortelle.

L'ouvrage est court, fort heureusement pour mon temps de sommeil. Roman haletant qui met en scène le commissaire Adrian Berthier dont Bénédicte Rousset a décidé de faire un héros récurrent. On le retrouve dans les trois ouvrages suivants selon l'avertissement de l'éditeur.

J'avais fait sa connaissance avec Romilda, quatrième roman de cette auteure prometteuse. Cet ouvrage m'avait séduit et encouragé à découvrir ses premiers pas à satisfaire son goût pour l'écriture. L'intérêt du modeste lecteur que je suis l'encourage à lancer le commissaire Berthier sur d'autres pistes criminelles.

L'imagination ne semble pas lui faire défaut pour nous procurer quelques frissons et nous priver de notre libre arbitre tant il difficile de laisser notre héros en mauvaise posture. Il nous faut à toute force connaître la façon dont il va se tirer du mauvais pas dans lequel il est venu se fourrer, poussé par une conscience professionnelle qui en contrepartie rend sa vie amoureuse chaotique.

Adrian Berthier, voilà un héros qui nous réconcilie avec notre culture nationale, nous qui sommes abreuvés jusqu'à plus soif de la concurrente américaine envahissante. Artificielle et irréaliste à souhait. Un héros vrai donc, que ce commissaire avignonnais, ancré en ce pays que nous aimons reconnaître au fil de ses pérégrinations. Un héros qui n'a pas le pistolet greffé au poignet, comme ses homologues défiant les lois de la physique à l'écran, ni la solution de son énigme sur le clavier de son ordinateur.

Mais quand même, imaginer la mort de son cambrioleur en pareilles conditions, elle ne m'a pas volé que des heures de sommeil, cette fois c'est sûr j'ai fini de croire au Père Noël. C'est un roman très noir, prenant, qui ne rebutera pas les amateurs du genre. Et puis, il s'agit d'un héros récurrent. Ce n'est rien dévoiler de dire qu'il s'en sort. Mais ce dénouement n'est qu'accessoire. Il y a d'autres intérêts à pareille lecture.