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Ouvrages par genre
mercredi 22 novembre 2023
vendredi 17 novembre 2023
lundi 13 novembre 2023
dimanche 5 novembre 2023
lundi 30 octobre 2023
L'entreprise des Indes ~~~~ Eric Orsenna
🌕🌗🌚🌚🌚
C’est le frère de Christophe Colomb, Bartolomé, qui mobilise
son auditoire sous la plume d’Eric Orsenna. Il nous tient depuis Hispaniola où
il est demeuré mille considérations qui ont présidé et ont succédé à l’épopée
que l’on sait dans la découverte de l’Amérique par son frère.
Eric Orsenna écrit comme certains s’écoutent parler. C’est
la rançon de la notoriété. Il y a dans cette écriture une forme de suffisance
qui alourdit la lecture. C’est très ennuyeux.
mardi 24 octobre 2023
L'as de coeur ~~~~ Morgane Moncomble
🌕🌕🌚🌚🌚
mardi 3 octobre 2023
L'Odyssée de Pénélope ~~~~ Margaret Atwood
Quand on parle d’Odyssée, on pense immédiatement au périple
d’Ulysse de retour de la guerre de Troie. A croire que Margaret Atwood en avait
soupé de ce point de vue par trop masculin. Elle nous soumet ce périple mythique
avec un autre regard, celui de Pénélope bien sûr. Mais pour que les femmes
aient droit à la parole dans cette épopée choisit-elle l’artifice, si ce n’est
la précaution, de le faire d’outre-tombe. Qui plus est au 21ème
siècle, allant jusqu’à faire tenir un procès en reconnaissance de mérite,
recommandant en outre aux magistrats et avocats, bien modernes ceux-là, de se
garder de tout anachronisme et tenir compte des données du moment, celles d’il
y a trois ou quatre mille ans. Epoque bénie pour la fantasmagorie mythologique au
cours de laquelle les dieux régnaient en maître depuis l’Olympe.
Il s’agît-là bien entendu d’une démarche féministe. L’auteure
allant jusqu’à faire dire à Pénélope, en guise de mise en garde adressée à son
lecteur du 21ème siècle, de ne pas considérer sa théorie comme
« un ramassis de foutaises féministe sans fondement. » Ecornant au
passage la gent masculine, toutes époques confondues, prévenant son lectorat,
fût-il masculin, qu’il « est toujours imprudent de s’interposer entre un
homme et l’idée qu’il se fait de sa propre intelligence. »
Margaret Atwood se garde bien toutefois de faire du point de
vue féminin, depuis Ithaque donc dans l’attente du retour du héros, un monde
idéal pavé de nobles sentiments. On connaît le stratagème que Pénélope mit en
œuvre pour surseoir aux appétits de ses prétendants, briguant en fait le trône
on l’aura compris, on découvre la vie domestique du palais. Entre Anticlée, la
belle-mère, Euryclée, la nourrice, celle que Laërte considérait comme une
seconde mère pour son fils, les douze servantes versatiles quant à leur
fidélité, et enfin Télémaque le rejeton indocile, cette vie donc n’avait rien
d’une sinécure pour Pénélope, fût-elle reine. Augmentant d’autant son mérite à
attendre chastement son époux. Contrarié qu’il fût quant à lui dans son voyage
retour par le courroux de Poséidon, les entraves de la nymphe Calypso, et
autres égarements fomentés par Circé, le chant des sirènes et consort.
« Dans les Chants on raconte que…, on insiste sur
…, si vous croyez pareille chimère » vous serez un lecteur bien naïf
nous fait entendre Pénélope depuis les rivages célestes où s’alanguissent les
âmes. « Je me sens l’obligation de faire le point sur les calomnies dont
je fais l’objet depuis deux ou trois mille ans. Toutes ces histoires sont
totalement fausses. » Voilà qui remet les pendules à l’heure. Voilà donc
la raison pour laquelle est intenté ce procès, en réparation de tant de siècles
de suprématie masculine.
L’idée est originale. La mise en scène au demeurant fort judicieuse
ne nous semble nullement incongrue. On l’aura compris, le procédé est inusité et
le propos non dénué d’humour pour restituer à qui de droit les mérites du
succès de la plus célèbre épopée du monde. Ecrit de main d’homme, à la gloire
des seuls hommes, le plus vieux texte du monde qui ne fait de la femme que l’enjeu
d’un conflit ou le jouet d’une convoitise méritait sa correction. Voilà qui est
fait de la main de Margaret Atwood.
Et toi lecteur du 21ème siècle, ne perçois ni légèreté ni futilité dans cette mise au point. Ce n’est pas Margaret Atwood qui te le dit, c’est Pénélope. De l’expérience de ses trois mille ans d’observation du monde elle s’autorise une recommandation à ton adresse, celle de ne pas regarder avec mépris le monde antique tel qu’il t’est livré par l’histoire car « Je me rends compte que le monde d’aujourd’hui est aussi dangereux que celui que j’ai connu, sauf que la misère et la souffrance sont plus répandues. Quant à la nature humaine, elle est plus vulgaire que jamais. » L’auteure de la Servante écarlate, romancière dystopique, conserve avec cet ouvrage un regard désabusé sur ce que l’homme fait de son passage sur terre.
mercredi 20 septembre 2023
Ce qu'ils n'ont pu nous prendre ~~~~ Ruta Sepetys
🌕🌕🌕🌕🌚
L’écriture de Ruta Sepetys, au travers de son formidable
Hôtel Castellana, m’avait donné le goût d’approfondir ma connaissance de cette
auteure et de son œuvre.
Elle semble s’être focalisée sur les régimes tyranniques. Le
second ouvrage de sa main que je viens de refermer traite d’une période qui est
chère à son cœur puisqu’il s’agit de la main mise par Staline sur le pays
d’origine de sa famille : la Lituanie. Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre
est son premier roman.
A la lecture de celui-ci, j’ai éprouvé une légère déception.
Je l’ai trouvé en dessous d’Hôtel Castellana en termes d’écriture. Moins abouti
dans sa construction, l’inclusion de la fiction dans les événements historiques,
bien que l’auteure paraisse néanmoins plus impliquée personnellement. On
ressent à cette lecture une grande compassion pour toutes ces personnes sans distinction
d’âge, de sexe et de condition qui ont eu à subir les affres de la déportation
en Sibérie, et pour cause.
S’il n’y avait pas, comme ce fut le cas pour la solution
finale mise en œuvre par les nazis, « d’industrialisation » de la
mort, les conditions de détention dans le froid intense, la faim, les maladies évidemment
non soignées, l’épuisement par le travail aboutissaient au même résultat. Ruta
Sepetys met l’accent sur l’indifférence des gardiens, qui avaient eux leur
confort sous les yeux des détenus, quant à la souffrance et la déchéance
physique de ces derniers. Aux conditions de vie terribles, l’isolement total
dans les immensités sibériennes, le sentiment d’oubli du reste du monde et l’incertitude
complète de l’avenir participaient grandement à anéantir psychologiquement les
détenus. Ruta Sepetys le rend très bien.
Cet ouvrage est bâti sur la base de témoignages souvent indirects, les rescapés ayant eux aussi presque tous disparu à l’époque où elle met son ouvrage en chantier. Cela reste toutefois un excellent roman de rappel à la mémoire de ces pauvres anonymes broyés par un système totalitaire inhumain. Ce genre d’ouvrage a toujours sa justification et plus encore lorsque la mémoire directe s’efface.
La croix et le croissant ~~~~ François Taillandier
« L'homme, sitôt sorti de ses routines habituelles et
exposé à la nuit et à la solitude, est peu de chose, ou plutôt n'est
rien. »
Cette citation empruntée à Marguerite Yourcenar dans
Archives du nord exprime avec à-propos ce que des hommes, êtres de chair et de
sang, ont ressenti quand, aux origines de l’édition, il leur a été demandé de
laisser à la postérité la trace écrite du passage sur terre de leurs
commanditaires. Des puissants bien sûr, pas des gueux. Des puissants tellement
imbus d’eux-mêmes qu’ils voulaient que leur mort ne soit pas une mort aux yeux
des générations à venir. Survivre par l’écrit. Leur vie fût-elle couverte
d’opprobre et de sang. François taillandier tient son propos à l’époque des
rois dits fainéants. Epoque qui vit à l’Orient l’émergence de la foi musulmane.
L’histoire des hommes se lirait donc sur ces supports qui deviendront des
livres. Ecrits de main d’homme, bien avant l’imprimerie.
Mais qu’est-ce que l’homme à l’échelle de l’éternité :
rien. Marguerite Yourcenar le scande et répète à l’envi. Encore cet homme ne
sait-il même pas ce qu’il fait sur terre. Ce qu’il était avant. Ce qu’il
devient après. Et il passe sa vie à se vautrer dans le luxe et la luxure, à se
livrer à des bassesses qui de peu le rabaissent encore. A s’entredéchirer avec
ses congénères pour des peccadilles qu’il n’emportera pas au-delà de sa vie,
n’en déplaise aux pharaons. Il passe en fait sa vie à se distraire de l’idée de
la mort.
Alors quoi ?
Alors Dieu ! Oui, Dieu !
L’homme est trop petit à l’échelle de l’univers, à l’échelle
du temps, trop vil à l’échelle du mystère qui préside à cet obscur éclair de
conscience qu’est sa vie. Instant au cours duquel un esprit est venu se
contraindre dans un corps de chair et de sang.
Alors Dieu ?
Oui Dieu ! Hors de toutes échelles de temps et
d’espace. Hors de toute convoitise, de joie, de peine, de naissance et de mort.
Dieu éternel. Être sans substance. Non-être donc. Non-être qui dépasse toute
vie sur terre depuis l’amibe sortie de l’océan jusqu’à cet être vaniteux pétri
de concupiscence en même temps que de peur qui se fait appeler homme. Dieu est
la réponse à l’insignifiance. Alors plutôt que raconter l’homme, fût-il roi sur
terre, autant prôner ce dépassement de tout, cette transcendance : Dieu.
Ecrire ce que des hommes qui se sont dits messagers de Dieu,
récepteurs de la parole divine, prophètes, écrire ce que l’instance supérieure,
mystérieuse, inaccessible, invisible leur a dit. Puisqu’Il s’est rendu audible à
eux. Ce que les hommes, ceux qui se disent grands, voulaient faire transcrire
de leur vulgarité dans autant d’ouvrages du même niveau sera avantageusement
remplacé par la parole divine dans un seul ouvrage. Le LIVRE.
La croix et le croissant de François Taillandier nous dit la
gesticulation de la créature intelligente, et pourtant bouffie de défauts, pour
s’élever, dépasser sa si courte existence, si médiocre existence et trouver le
salut. En Dieu !
Mais même en cette intention les hommes n’ont pas trouvé de
collusion. Le LIVRE est devenu multiple. Et encore en est-il pour clamer que la
parole divine ne peut être écrite. Elle ne peut être entendue que par des élus
et colportée par le Verbe.
Pauvre homme, pris entre la Croix et le Croissant, et peut
être encore d’autres symboles de religions, celles-là moins extraverties. Plus
confidentielles, moins belliqueuses, ne revendiquant pas le monopole. Pauvre
homme qui n’a pas entendu le message d’amour que prêchent toutes ces religions qui
se revendiquent du Livre, en même temps qu’elles le foulent aux pieds.
Formidable ouverture sur ces notions de désarroi de l’homme
en sa condition que celle de François Taillandier. Pauvre homme en quête de
dépassement des bornes de sa vie. Dépassement qu’il a trouvé en Dieu.
Dépassement qu’il a transcrit dans le Livre pour associer sa pauvre existence à
celle de son créateur. Et survivre ainsi avec lui dans l’éternité.
J’ai retrouvé avec délectation la hauteur de vue de cet
auteur sur la condition de l’homme livré au mystère de la vie. Approche que j’avais découverte avec
L’Ecriture du monde et que je m’impose de suivre dans le troisième volet de cette
trilogie tant elle comble mon appétit de cette écriture érudite tout en restant
accessible, sur ces questions que l’on qualifie de fondamentales.
Veiller sur Elle ~~~~ Jean-Baptiste Andréa
🌕🌕🌕🌕🌕
Qui est cette Elle sur qui il faut veiller ? Elle, a poussé
Mimo à se cloîtrer dans un monastère, sans toutefois y prononcer des vœux. Sous
la plume de Jean-Baptiste
Andréa, il nous conte sa vie ses dernières heures venues. Mimo, c'est
Michelangelo Vitaliani. Il a deux handicaps dans la vie. Celui d'être né dans
une famille pauvre, mais surtout celui d'être différent. Il est de si petite
taille qu'on le traite de nain. Mais il a un atout énorme. Celui de son art. Il
est un sculpteur au talent inouï. Au point de rivaliser avec l'autre
Michelangelo, le grand, l'auteur de la Pietà qui trône en la basilique
Saint-Pierre du Vatican à Rome.
Elle, ce pourrait être Viola. Elle est la fille de la grande et richissime
famille Orsini de laquelle sont issus plusieurs papes. Mais comment un nain,
qui plus est de basse extraction, pourrait-il seulement lever les yeux sur
pareille descendance. Aussi fantasque fût-elle ? N'a-t-elle pas l'idée de voler
avec une aile de sa fabrication.
C'est pourtant ce qui arrive. Parlera-t-on d'idylle entre ces deux personnages
? Pareille union abonderait à l'expression du mariage de la carpe et du lapin.
Mais une idylle quand même, oui. En forme d'amitié amoureuse. Parfois orageuse,
mais toujours fidèle. Une de celle qui ne trouve d'assouvissement que dans
l'espoir. Espoir d'on ne sait quoi. Sans cesse relégué, aussi fuyant que la
ligne d'horizon.
A moins que l'assouvissement de cette idylle, ce ne soit cette sculpture, cette
caresse au marbre pur qui a façonné un visage si doux. Le visage de la Vierge,
si parfait qu'il est sacrilège aux yeux de l'Eglise. A la mémoire du
grand Michel-Ange.
La Pietà de Mimo fait de l'ombre à celle du maître. Aussi a-t-elle a été
confinée en un lieu que très peu connaissent.
Mimo, Viola, un amour qui a trouvé son accomplissement, son triomphe dans
l'immobilité d'un visage aux traits divins. Un visage de marbre. Un visage à la
beauté céleste, inaltérable. Comme l'amour quand il n'a pas été corrompu par
les bassesses de la vie terrestre.
Un roman à la puissance romanesque prodigieuse, porté par une écriture aussi
fluide que les traits du visage de la Pietà. Celle de Mimo.