C'est un roman d'amour porté par des mots d'enfant. C'est un roman d'humour qui colporte une histoire triste. C'est Splendide.
La supercherie du pseudonyme a
valu à Romain
Gary un second prix Goncourt, ce que le règlement de la prestigieuse
récompense n'autorise pas. Fallait-il qu'il se sache convaincu de la prouesse
littéraire pour oser un tel pied de nez à la profession. Ô combien a-t-il eu
raison !
Sans cet artifice, il aurait alors fallu inventer un autre prix. Un super prix,
comme on dit de nos jours quand on est parvenu aux confins des possibilités de
son pauvre vocabulaire. Un super oscar, pour ne pas laisser pareil ouvrage
s'enfouir dans le grand fourre-tout des œuvres non primées.
C'est une performance que celle de tenir des propos d'enfant, de traduire une
conception mentale naissante, l'ouverture au monde des adultes, sans trahir sa
maturité, sa propre expérience de la vie.
La première moitié de cet ouvrage
est un peu longue. La seconde nous la fait percevoir comme une nécessité pour
bien amener et transmettre la teneur philosophique de cette œuvre. le bonheur,
la religion, les différences, la vie et sa fin inéluctable, la quête de ses
racines. Autant de thèmes qui se télescopent dans l'esprit de Momo. Fils de
pute (sic), de père inconnu, il se raccroche à sa bouée, Madame Rosa. Il
s'interroge sur la vie. Pourquoi ci ? Pourquoi ça ? Et déjà des certitudes sur
la cruauté de l'existence.
Les différences. Des inventions
d'adultes qui ont conduit madame Rosa dans les camps de déportation et qui font
que Momo se refuse à sa condition d'enfant abandonné, de confession musulmane.
Il a pourtant remarqué que quelques preuves d'amour, de la part de qui on ne
les attendait pas, peuvent gommer beaucoup de différences justement. Mais voilà
Madame Rosa ne va pas bien. Momo a bien perçu que son avenir affectif en
dépend. Il sent bien que cet esquif qui le maintient à flot est en train de
prendre l'eau.
Les confidences de Momo abordent
des sujets graves avec une légèreté qui ne nuit pas au message, bien au
contraire. L'humour naïf est le plus beau vecteur de vérité pour qui sait
l'engendrer. Romain
Gary nous en fait une démonstration éclatante dans cet ouvrage. Car
l'humour est bien le ton général d'un bout à l'autre de ce récit. L'échange
entre madame Rosa et Kadir Youssef venu récupérer son fils est une des plus
belles pépites de cet exercice ô combien périlleux. Un chef d'oeuvre du genre.
C'est un livre que j'ai avalé dans un TGV qui avalait quant à lui les
kilomètres vers Paris. Mes voisins de voiture ont vite compris que peine perdue
était de me faire partager leur conversation. Cette merveille m'a souvent
imprimé un sourire sur les lèvres et toujours inspiré de vraies émotions.
J'espère trouver encore beaucoup de livres comme celui-là pour me voler le
paysage vers …
Peu importe d'ailleurs, ce sera vers de belles lectures.