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Ouvrages par genre
mardi 31 mai 2016
L'œuvre au noir ~~~~ Marguerite Yourcenar
lundi 23 mai 2016
Le Très-Bas ~~~~ Christian Bobin
"Qui a bâti la maison souillée par ses habitants ?"
Voilà le Très-Haut mis en question dans sa toute puissance. Aurait-il perdu le contrôle de Sa créature. Elle s'écarte inexorablement du chemin de l'amour. Ses colères n'y font rien, Dieu serait-il fatigué ? Las de voir Sa créature se fourvoyer dans l'indignité alors que depuis des siècles des voix ne cessent de la rappeler à "l'infinie douceur".
En s'appropriant la démarche de François d'Assise qui a trouvé sa voie dans la pauvreté et l'amour de son prochain, Christian Bobin imagine un "Dieu à hauteur d'enfance", un Dieu magnanime, le Très-Bas, qu'il espère capable de conserver en l'homme son innocence originelle.
"Le treizième siècle parlait au coeur… le vingtième parle pour vendre, il lui faut flatter l'oeil". Ivre de sa puissance, l'homme de ce siècle - dont tu es, toi le lecteur - n'a plus foi qu'en l'économie et le sexe.
Voilà un texte qui multiplie les figures de style. Christian Bobin est un maître dans l'art du suggestif et de l'évocateur. Il fait appel à d'innombrables images pour stimuler l'imaginaire et tenter d'extraire l'homme de sa soif de jouissance des biens terrestres.
Tant d'évidences, et pourtant, qui les entend ? Un roman dans lequel filtre la déception, l'inquiétude.
vendredi 6 mai 2016
Charly 9 ~~~~ Jean Teulé
J'avoue avoir du mal avec l'écriture de Jean Teulé. Elle me bouscule, me perturbe y compris dans l'acte de lire. Je comprends bien que c'est délibéré de sa part. Avec Charly 9, il entre de plain-pied dans le registre historique. Il saute à pieds joints dans le plat de la grande histoire.
Je crois y déceler une intention de désacralisation de l'Histoire. Ne
tire-telle pas ses lettres de noblesse du respect que l'on s'impose envers nos
ascendants, du seul fait qu'ils ne sont plus. Je vois dans le style de Jean
Teulé une forme d'anti conformisme dans sa relation à cette discipline. Sa
manière de l'aborder est tout sauf factuelle et chronologique. Elle est comme
un éclat de rire pendant un enterrement. Cela dérange les affligés. Ne méprise
en aucun cas le défunt. de toute façon ce dernier s'en moque.
Jean Teulé reste, accessoirement, fidèle au fait historique. Son style n'en
constitue nullement une remise en question. Il échafaude simplement une autre
approche de la relation du conteur à son auditoire. Il veut aborder l'histoire
avec un état d'esprit différent. La désinvolture en est un. N'est-ce pas Charly
?
Il y a chez lui une forme d'anticipation rétroactive que n'auraient pas
dédaignée les révolutionnaires de 1789. Il envisage une remise en question de
la légitimité du pouvoir royal selon la conception de l'ancien régime. Ne se
réclame-t-elle pas de droit divin dans son fondement ? Excusez du peu.
Selon Jean Teulé le droit divin ne fait pas le roi. le grand ordonnateur des
choses de ce monde peut aussi se tromper. Mais oui ! Charles IX n'était pas
fait pour être monarque. Il n'en avait ni l'âge ni le caractère. Il était
surtout, même adulte, trop influencé par sa mère. Et comme avec tout être qui
ne se gouverne pas par lui-même les choses ne sont ni simples ni claires. A ce
niveau de pouvoir, l'indétermination se solde dans l'horreur. Une tâche de sang
parmi d'autres dans les pages de nos livres d'histoire, certes bien marquée
quand même : la Saint-Barthélemy.
L'humour est une autre façon de traiter le sordide. La moquerie une autre façon
de plaindre. L'ironie une autre façon de blâmer. Jean Teulé bouscule
l'establishment historiographique avec sa maestria dans l'art de surprendre.
Cela peut déconcerter. Cela peut séduire. Mais pourquoi pas !
dimanche 24 avril 2016
Berezina ~~~~ Sylvain Tesson
Je suis encore engourdi par le froid à la fermeture de cet ouvrage. Mais J'ai aimé la formule. Récit d'aventure sur fonds de commémoration historique d'un événement que l'on préfère effacer notre mémoire collective.
C'est oublier dans tout ça les êtres humains perdus dans l'immensité glaciale, lacérés par le blizzard, tenaillés par la faim, harcelés par les cosaques, ne trouvant nul autre refuge que les griffes du général hiver dans leur retraite honteuse. C'est cette perspective à l'issue fatale que Sylvain Tesson tente d'appréhender en refaisant le parcours de la retraite de Russie de 1812. Elle a laissé dans notre vocabulaire cette expression imagée symbole d'une déroute monumentale : Berezina. Il a voulu s'imprégner du paysage, se frotter aux frimas pour s'approcher de l'état d'esprit qui a pu tomber sur les têtes de ces soldats aux uniformes autrefois chamarrés devenus des pauvres hères promis à la mort.
Sylvain Tesson y fait le parallèle entre la mentalité qui pouvait animer les contemporains de 1812, galvanisés par l'empereur, au point d'aller mourir dans ses folles équipées guerrières, tout en lui conservant étonnamment leur vénération, et celle de notre époque, pour une question : pareille équipée serait-elle envisageable de nos jours ?
Mais il pose une autre question en corollaire. Que serions-nous capables de supporter qui approche les souffrances endurées par nos ancêtres ? Nous qui n'acceptons plus les lois de la nature, nous qui sommes prompts à protester et à nous plaindre dès que notre confort est écorné un tant soit peu.
Voilà un ouvrage qui ne se donne pas de prétention philosophique mais qui pourrait quand même en afficher. Il est en outre plaisant à lire avec l'humour froid de son auteur, pas autant que le climat des steppes russes, mais bien piquant quand même. J'ai beaucoup aimé.
dimanche 20 mars 2016
Grossir le ciel ~~~~ Franck Bouysse
C'est bien vrai qu'il est difficile de le lâcher ce livre. Il s'est accroché à mon souvenir chaque fois que je l'ai posé. Gus, son héros, m'attendait sur la table du salon, du bureau, m'appelait dès que distrait de sa vie par la mienne. Ne me délaisse pas au hasard de tes occupations. Laisse-moi te raconter la suite. Je n'ai personne à qui parler. Autant que ce soit toi. Tu ne sais pas encore pourquoi.
Pourquoi quoi ?
Pourquoi, la solitude ! Celle qui me colle à la peau, comme seul le destin sait
la façonner. Gluante et opiniâtre. Son matériau c'est la rancoeur. La rancoeur d'une enfance sans caresse, sans sourire, sans consolation, depuis
que la mémé est partie. Une enfance coincée entre des parents qui ne se
rencontraient que dans la sauvagerie des pulsions du père. Ça lui a coûté la
vie au père, d'ailleurs. Embroché à la fourche, en plein rut. Appelons les
choses par leur nom. Ce n'était rien d'autre.
A la solitude au milieu des adultes a succédé la solitude tout court. Cette
mutation a d'abord été la bienvenue dans ce paysage de ressentiments. Puis à la
longue, Gus a bien tenté de s'en distraire. Il s'est entiché d'Anna, la fille
de la ferme d'à côté. Mais il n'a reçu que mépris pour toute réponse de sa
convoitise. Alors il est resté chez lui et l'amour, il l'a trouvé ailleurs.
Dans le regard de Mars, son chien. Il s'en est satisfait. Car Gus, c'est tout
sauf un tordu. Il aurait pourtant pu le devenir, avec l'enfance sans amour qu'a
été la sienne. Il est seulement désenchanté.
Et passent les jours dans la rude campagne cévenole. Quand de rares visiteurs
s'aventurent vers sa ferme, aux Doges, en quête de son suffrage, fussent-ils
banquier, acheteur de ses terres ou évangéliste, c'est peine perdue s'ils lui
parlent d'avenir.
Lorsque Abel, le voisin, un solitaire lui aussi, s'est manifesté pour nouer des
relations d'entre-aide, soi-disant, Gus y est allé sur la pointe des pieds,
incrédule et maladroit, mais armé de prudence. Il est bizarre ce vieux.
Cet ouvrage n'est pas un roman du terroir. Son credo n'est pas celui de la
nostalgie du bon vieux temps, tableau noir et encre violette. Il ne s'alanguit
pas de la patine qui adoucit les meubles au toucher, les gens au caractère. Ce
n'est pas non plus un roman à suspense. Il ne dévoile pas à la dernière page la
solution de l'énigme qu'il a soulevée à la première. Son intérêt n'est pas dans
son mystère. Son intérêt, c'est le bouillonnement qui perturbe le coeur de Gus.
Car il a un coeur cet ours.
Je me suis plu à relire les citations que les uns et les autres avaient
publiées sur Babelio. Je me suis confirmé dans le fait que cette écriture sans
artifice est de celle qui parle au coeur, sans en avoir l'air. Car des phrases
joliment tournées, il y en a. Elles ont retenu l'attention de nombre de
lecteurs.
Grossir
le ciel est un ouvrage prenant. Il dépeint des personnages épineux,
plus vrais que nature. Des caractères forgés par l'aridité du pays. Il instaure
un climat énigmatique autour d'un personnage attachant. On devient méfiant avec
lui. On craint le tournant de chaque page. Il faut dire que la vie ne lui a pas
fait de cadeau.
Et puis, qu'est ce que ça veut dire ce titre un peu curieux, Grossir le
ciel ? Espoir ou désespoir ?
Faites-vous votre propre idée, vous ne serez pas déçu.
mercredi 24 février 2016
Si c'est un homme ~~~~ Primo Lévi
Les mots, les miens, ceux d'un lecteur libre et bien nourri, seront
impuissants, et peut-être même indécents.
Lisez les siens !
vendredi 19 février 2016
Le rapport Brodeck ~~~~ Philippe Claudel
"La guerre ravage et révèle." C'est la
réflexion que fait Brodeck au maire de son village en citant une poésie
ancienne. Il faut dire qu'il en sait quelque chose sur la nature humaine,
Brodeck, lui qui est revenu d'où on ne revenait pas. Mais peut-être ne s'en
est-il pas sorti lui-même sans remords. Lui dont l'innocence a dû s'humilier
pour survivre. "Moi, j'ai choisi de vivre, et ma punition, c'est ma
vie", quand tant d'autres ne sont pas revenus de l'enfer.
Et lorsque la paix retrouvée, un inconnu se présente au village, avec
l'intention d'y séjourner, les interrogations vont bon train. D'autant qu'il
semble plutôt perspicace pour ausculter les consciences, cet inconnu, sans
toutefois être très causant. Une présence étrangère silencieuse, ça fait naître
l'inquiétude et courir les rumeurs. La population du village pourrait bien en
avoir sur la conscience justement, au lendemain de la guerre.
Aussi, lorsque comme un seul homme, la population du village lui aura réglé son
compte à cet étranger embarrassant, c'est à Brodeck, le seul à avoir fait des
études, que le maire du village demandera de rédiger le rapport. Peut-être
aussi pour l'impliquer, car il n'a pas participé à la folie meurtrière. Un document
que le maire veut suffisamment complaisant pour ne rien expliquer.
C'est avec un style qui fait de cet ouvrage une grande allégorie que Philippe
Claudel dresse une fresque de la nature humaine, capable de faire de gens
ordinaires des monstres. Que ce soit en circonstances de guerre ou non. Mais à
l'instar de Romain Gary, il ne blâme pas les hommes. Qui est le vrai
responsable ? "Dieu? Mais alors, s'Il existe, s'Il existe vraiment, qu'Il
se cache. Qu'Il pose Ses deux mains sur Sa tête, et qu'Il la courbe …
aujourd'hui, je sais qu'Il n'est pas digne de la plupart d'entre nous, et que
si la créature a pu engendrer l'horreur, c'est uniquement parce son Créateur
lui en a soufflé la recette?"
jeudi 11 février 2016
L'arbre du pays Toraja ~~~~ Philippe Claudel
Une
âme plane dans l'infini de l'espace et du temps. Elle s'installe un jour dans
une enveloppe charnelle. le temps d'une vie, l'intemporelle se contraint
alors au rythme d'une horloge biologique. Devient conscience. Se tourmente de
questions. Sur l'avant, l'après, le pourquoi. Puis s'arrête un jour le tic-tac
du temps et retourne à son infini. N'est-ce que cela la vie ?
Les peurs, les douleurs des autres nous ramènent aux nôtres. Au chagrin de la
perte de son ami, un auteur scénariste se plaît à imaginer que le livre dans
lequel il évoquera son souvenir va se refermer sur son esprit, l'inclure à
jamais dans son texte et le faire monter peu à peu vers les cieux. Comme le
fait le peuple Toraja des enfants morts en bas âge, en plaçant leur corps dans
une cavité d'un arbre majestueux. Il les emporte alors vers le ciel au rythme
lent de sa croissance ligneuse.
Un texte fort. Conceptuel. Une élévation. Un texte qui dédramatise la mort.
mardi 9 février 2016
Education européenne ~~~~ Romain Gary
Lorsque Romain Gary prend la plume pour écrire ce qui deviendra son premier roman édité sous ce nom, il ne connaît pas encore l'issue de cette guerre qui écrase son pays natal sous la botte des feldgrau de l'Allemagne nazie. L'Europe est plongée dans la dévastation. Pourtant, lui n'accable pas l'espèce humaine. Il est convaincu que l'homme, fût-il allemand, n'est pas responsable de son malheur : "Mon Dieu, est-ce vraiment Toi qui tire les ficelles. Comment peux-Tu ? Comment peux-Tu ? "
Au comble de la détresse, Romain Gary condamne
la guerre à sa manière. Il ne s'épanche pas sur le sort des victimes. Ne
Console ni ne plaint. Il ne vilipende pas non plus les traitres et les
bourreaux. Il use du subterfuge de la déraison pour les engloutir dans le grand
tourbillon du ridicule. Tel sergent décore de sa croix de fer la neige pour
saluer son rôle dans le sort des batailles. Tel général soviétique se fait
tirer l'oreille pas son petit caporal de père. Tels soldats allemands
chevauchent des troncs d'arbres dans un ballet nautique délirant sur la Volga.
1943 ! L'issue de la guerre n'est
pas encore envisagée. Quand sa ville natale est le théâtre des exactions qui
banalisent la mort, Il lance ce "cri désespéré qui semble clamer d'avance
la certitude de l'échec, la vanité de toute tentative, le deuil fatal de tout
espoir humain."
La Bataille de Stalingrad sera
peut-être un tournant. C'est la première fois que l'armée allemande est tenue
en échec. Janek a alors 15 ans, son père l'a mis à l'abri dans une cache
souterraine. Les événements le dépassent, mais les épreuves le rattrapent et
lui volent sa jeunesse. Une maturité venue trop vite le jette dans l'action. Il
rejoint un groupe de partisans qui se cache au coeur de la forêt.
"Education
européenne, pour lui ce sont les bombes, les massacres, les otages
fusillés, les hommes obligés de vivre dans des trous, comme des bêtes…".
C'est cet énorme gâchis que Romain Gary dénonce.
Mais il le dit et le répète : "Ce n'est pas la faute des hommes. C'est la
faute à Dieu."
1943 ! Il faut se mettre dans la
peau de cet homme, auteur au succès encore en devenir, qui a choisi de
combattre avec les Forces françaises libres. Alors que le bout du tunnel n'est
pas en vue, il prend la plume pour crier l'absurdité de la guerre, tout en
rejetant le défaitisme. N'a-t-il pas choisi la lutte, en contradiction avec ses
convictions humanistes.
A contre-courant du
catastrophisme général, il se force à envisager un sursaut de sagesse. C'est
pour cela que Janek rencontre l'amour au coeur de l'hiver et de la misère, au
fond de son trou dans la forêt, quand un sac de pommes de terre est une manne
tombée du ciel. C'est pour cela qu'il arrache Zosia à son commerce infâme qui
lui fait vendre son corps à l'ennemi pour la bonne cause.
Roman noir écrit au plus profond de la guerre, mais roman d'espoir quand même. La raison des hommes triomphera de la déraison dans laquelle les plonge son Créateur. La démence déploie ses ailes dans des chapitres qui tirent en longueur. Mais n'est-ce pas cela cette guerre qui n'en finit pas et qui ne peut être qu'oeuvre de folie. Ne sommes-nous pas 1943 ?
dimanche 24 janvier 2016
Orgueil et préjugés ~~~~ Jane Austen
Le regard de convoitise des hommes est la parure favorite
des jeunes filles en espoir de séduction. Car de séduction il est beaucoup
question dans cet ouvrage de Jane Austen. La famille Bennet a cinq filles à
marier. Mais au temps des classes sociales très cloisonnées, la société
anglaise du 18ème siècle, l'amour devait se ranger derrière des contingences
bien moins romantiques avant d'espérer unir deux cœurs qui avaient trouvé leur
connivence.
Je vais avouer que les regards furtifs et autres minauderies, qu'impose aux
jeunes filles leur appartenance au sexe dit faible dans le difficile exercice
de séduction amoureuse, ne font pas partie de mes thèmes de prédilection. Je
m'empresse de moduler mon propos en affirmant que ce je viens de lire dans
l'œuvre de Jane Austen lui ôte son enrobage de futilité au grand profit de
l'excellence de la langue. C'est ce qui m'a fait apprécier cet ouvrage au-delà
de mes attentes.
Que reste-t-il de nos jours de l'art de la conversation ? Que reste-t-il de
l'art épistolaire ? Il faut entendre par là l'habileté à structurer des propos
pour développer des idées, des intentions, défendre un avis, les énoncer dans
des phrases construites selon une logique qui fait comprendre leur intention.
Mais surtout en faisant usage de mots choisis arrangés par des tournures
grammaticales savantes propres à en faire un art justement. Cette pratique pour
être mutuellement consentie suppose aussi l'échange par la faculté d'écoute de
celui qui reçoit, la faculté de conception et d'élaboration de celui qui
énonce. Chez les contemporains de Jane Austen, de l'une et l'autre disciplines,
on pouvait bien parler d'art. C'est devenu au 21ème siècle une grande
régression.
Cet ouvrage de Jane Austen est une œuvre directement issue de cette capacité
de l'élite de l'époque à développer des écrits, des conversations parce que
seule à avoir accès à la culture, à la connaissance.
Car la contrepartie est qu'il fallait bien naître en ce temps-là où l'on
distinguait ouvertement la bonne société du reste du peuple. Distinction
assortie de notions fort peu bienveillantes que faisait volontiers ressortir
cette élite en affichant avec arrogance ses rang, position sociale, importance.
Autant de notions à connotation discriminatoire du seul fait de la naissance.
Dommage.
Orgueil et préjugés, c'est une formidable étude des mœurs d'un lieu et d'une
époque. C'est aussi un formidable exercice de syntaxe et de sémantique dans
lequel on a plaisir à retrouver le sens originel de nombre de mots que
l'érosion du temps a dénaturé. Il faut de nos jours forcément adjoindre des
superlatifs au moindre qualificatif pour tenter de lui redonner le poids de sa
signification originelle. C'est ce qui fait que nos langues européennes sont
devenues des langues d'onomatopées.
Orgueil et préjugés a d'abord été pour moi ce plaisir de lire une langue d'une
grande richesse, avant d'en dégager une morale, puisqu'il s'agit bien de cela,
et au delà de l'aventure romanesque qui annonce le 19ème siècle naissant.
Quand on réalise que les lignes que l'on a sous les yeux sont celles écrites de
la main d'une contemporaine des mœurs qu'elle décrit, on se félicite de savoir
leur contenu intact de toute analyse rétrospective forcément altérée par la
connaissance du lendemain.
Ce savoir parler, ce savoir écrire sont une jouissance pour qui a un peu
d'amour pour sa propre langue.