J'ai découvert l'univers de Bernard Minier tout récemment avec son ouvrage intitulé Sœurs. Cette première m'avait donné le goût d'explorer son œuvre. Je le fais avec cet ouvrage. Il confirme l'ancrage régional de la zone de compétence de son héros. Il y ajoute en prime cette fois l'ancrage dans l'actualité. Ouvrage très contemporain si l'on en juge par l'allusion récurrente à ce masque bleu sur le nez qui nous a étouffé pendant de longs mois mais que l'on garde encore à portée de main. Allusion au récent deuxième confinement dans cet ouvrage avec le lot de problèmes qui ont assailli tant de professionnels dont les tenanciers de bistrots et de restaurants qui ont très souvent leur rôle dans les polars.
Voilà un ouvrage qui ratisse large dans les maux de notre société moderne dont,
non le moindre, celui de l'insécurité. Le sujet nourrit le débat politique à
chaque élection, opposant les tenants de la ligne répressive à ceux de
l'éducative. le seul point commun les accordant étant le manque de moyens pour
mener à bien leurs actions.
La chasse est
donc dans cet ouvrage une chasse au délinquant. Une chasse à mort, orchestrée
avec une mise en scène destinée à frapper les esprits. Une chasse à laquelle se
livre un groupuscule de justiciers autoproclamés déplorant le laxisme de la
justice de ce pays, au constat du nombre de délinquants laissés en liberté pour
toutes les raisons que l'on peut imaginer, parmi lesquelles surement la
surpopulation carcérale.
Martin Servaz, le policier toulousain de Minier, a pris
du grade, de la maturité et acquis une notoriété qui en font de lui à la fois
un sujet d'admiration et une cible. La hiérarchie ne pardonne rien à ceux qui
ont placé haut la barre des résultats. Elle leur demande toujours plus. le
pouvoir politique quant à lui ne fait pas de sentiments. Il veut des résultats
qui servent ses ambitions. Pas de vagues surtout. C'est dans ce contexte que le
déjà célèbre commandant de Minier exécute
son rôle d'équilibriste entre vie professionnelle et vie privée. Vie privée
difficile à préserver quand on passe ses nuits traquer les truands. Vie privée
qui peut être point de faiblesse quand les truands se sentent pris dans les
serres du limier toulousain. On sait où trouver ta famille, Commandant !
Roman qui extrapole dans les problèmes de société. Peut-être un peu trop
d'ailleurs, parcourant la planète des grands maux de l'humanité. En
justification des menées transgressives de cette faction rigoriste qui
monopolise toute l'énergie du commandant et de son groupe d'enquête. Commandant
se reprochant parfois l'égoïsme de sa personne face à la détresse des
populations dans le besoin. Mais Martin Servaz reste inflexible au service de
la mission. Les tentatives de corruption n'ont pas de prise sur sa conscience
professionnelle, même lorsqu'il déplore être chaussé de semelles de plomb par
la paperasserie qu'impose son métier et l'énergie qu'il doit dépenser pour voir
finalement un avocat balayer d'un effet de manche des journées et des nuits de
traque d'un criminel notoire, pour vice de procédure.
L'épilogue de cet ouvrage est un peu trop convenu pour ce flic qui peine à
stabiliser sa vie sentimentale. La chasse n'en
reste pas moins un roman immersif pour son lecteur. Il partage les nuits
blanches et les casse-têtes de son flic sur la brèche 24/24. le rythme est
soutenu à l'initiative du commandant qui ne s'en laisse pas compter, stimulé
par une hiérarchie pressante comme il se doit. Les rebondissements sont
cependant assez prévisibles. On apprécie dans cette écriture le réalisme d'un
quotidien surchargé, le langage coloré du jargon argotique du milieu, le style
qui fait courir les yeux. Cela reste du très bon polar qui nous rappelle à lui
quand on a réussi à le poser. Il nous reprend alors très vite dans son intrigue
bien ficelée.