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mardi 13 juillet 2021

L'épopée vaudoise : Tome 2 - Les larmes du Luberon ~~~~ Hubert Leconte

 


Ils avaient quitté les vallées alpines, pourchassés qu'ils étaient par l'église de Rome. Elle avait fait d'eux des hérétiques. En cette première moitié du XVIème siècle les Vaudois avaient trouvé en Provence quelques décennies de répit à la traque dont ils étaient l'objet. Mais s'ils espéraient vivre leur foi en paix c'était sans compter sur l'obstination d'une église qui n'avait pas renoncé à purger cet abcès que représentait à ses yeux leur communauté.

Mais en dépit du pouvoir considérable qui était le sien en son temps de monopole sur les consciences, l'Église n'avait pas les moyens militaires d'éradiquer la dissidence. Elle souhaitait en outre dans sa grande perversité s'exonérer des crimes que ne manquerait pas de provoquer la reconquête des consciences à sa seule dévotion. Elle devait donc avoir recours au bras séculier pour combattre les Vaudois dont la doctrine prêchant la pureté des évangiles s'était propagée. C'était surtout une façon de faire oublier le commanditaire et endosser au pouvoir temporel la responsabilité des dommages. Il fallait donc convaincre François 1er que ce qu'elle qualifiait de déviance constituait un vrai danger pour le royaume. L'argument était le risque de scission qui pouvait faire basculer la Provence dans les bras de son ennemi juré, Charles Quint. François 1er n'avait-il pas déjà goûté de ses geôles après sa défaire de Pavie.

Convaincu par les sbires du Pape de la nécessité de leur éradication, François 1er profita du transit de ses troupes vers le port de Marseille pour lancer une grande offensive contre les Vaudois. Cela donna lieu à l'un des plus grands massacres qu'ait connu la communauté vaudoise dans cette partie de la Provence, aujourd'hui lieu de villégiature de fortunés : le Luberon. Les disciples de Pierre Valdo en ce pays, où ils pensaient pouvoir jouir du fruit de leur labeur et vivre dans la paix des évangiles furent passés au fil de l'épée sans distinction de sexe ni d'âge. Non sans avoir imposé les derniers outrages à tout ce qui pouvait assouvir les bas instincts de soudards qui pour la plupart étaient d'ailleurs mercenaires loués aux possessions du Saint empire romain germanique. La justice du roi était passée. Reste que cette page dramatique de l'histoire de la Provence et de l'épopée vaudoise est à mettre au crédit de celle qui prêchait charité, tolérance, pauvreté et chasteté, se gardant bien de l'appliquer à elle-même, celle qui revendiquait la majuscule quand on l'évoquait : la sainte Église catholique romaine.

Hubert Leconte nous fait vivre tout au long de cet édifiant ouvrage à la fois les espoirs et le climat de peur permanente dans lequel demeuraient les Vaudois. Il met en oeuvre en parallèle dans son écriture un surprenant lyrisme poétique destiné à glorifier la belle nature qui sert de décor à cette tragédie, et à évoquer aussi l'amour que les Vaudois vouaient à la terre nourricière. Une beauté qui en ce temps se payait au prix fort tant la tâche était rude pour tirer subsistance de ces collines arides. Nous apprécions mal en nos jours fort heureusement plus serein quant à la liberté de conscience le climat de peur régnant au quotidien et faisant de ceux qui osaient promouvoir une doctrine rivale de l'officielle des gibiers traqués. Nous apprécions mal la force d'une foi chevillée à l'âme en ces temps où tout s'expliquait en Dieu et par Dieu, selon un discours imposé par celle qui n'admettait ni contradiction ni concurrence en la matière.

Communion avec la nature, solidarité confessionnelle, dans ce superbe ouvrage fort bien documenté Hubert Leconte nous rappelle à ces données d'un quotidien fait de labeur, de foi mais surtout de peur. Cela donne ce splendide ouvrage, deuxième tome de l'épopée vaudoise à une époque où régnait la loi du plus fort.

"Selon que vous serez puisant ou misérable les jugements de cour vous rendrons ou blanc ou noir." La fable aurait pu s'appliquer aux Vaudois malades quant à eux d'une peste qui n'était rien d'autre que leur fidélité à la parole première des évangiles. Peste que leur sincérité, que leur foi.