Bien sûr que le nom de Winston Churchill parle à nombre
d'entre nous. D'aucun pourra l'associer au Royaume-Uni, à la seconde guerre
mondiale, à une silhouette trapue, gros cigare à la bouche, et au fameux V de
la victoire figuré avec les deux doigts d'une main dont on lui attribue la
paternité.
Mais qui sait, ou se rappelle, qu'il a été un artiste peintre non dénué de
talent et que ses écrits lui ont valu le prix Nobel de littérature en 1953.
Etonnant personnage dont il serait vain de tenter de faire le portrait en
quelques mots quand une biographie y suffit à peine, aussi bien faite
soit-elle, comme celle de Sophie Doudet. Qui n'aurait de goût pour ce genre
historico-littéraire pourrait ne lire que le dernier chapitre intitulé "le
grand artiste". Car cette appellation convient au demeurant fort bien à ce
personnage comme l'histoire n'en produit que très peu. Sans doute faut-il aussi
que les circonstances soient exceptionnelles, pour faire émerger de la grande
masse anonyme du commun des mortels une personnalité de ce gabarit. Notre
époque en manque cruellement.
Winston Churchill a d'autant plus de mérite à son action qu'il l'a conduite
dans le plus pur respect des règles de la démocratie, quand les contemporains
de son époque contre lesquels il luttait ne s'empêtraient pas de l'obligation
de la reconnaissance des peuples : Hitler, Mussolini, Staline, Franco.
Artiste il a été à plus d'un titre, car on peut appliquer ce qualificatif à nombre
de ses talents, à commencer par celui d'orateur, galvanisé par l'exercice de ce
talent en public et non devant une caméra qui efface les réactions de
l'auditoire. Artiste de la formule, de l'humour, d'une piquante répartie dont
nombre de ses contradicteurs ont fait les frais. Et faudra-t-il lui adjoindre
un talent de visionnaire, car figurez-vous que Churchill, confiant qu'il était
dans la force insulaire de son pays, était partisan d'une Europe unie, mais en
dehors de la Grande Bretagne. Bluffant non ?
Mais surtout, surtout, il faut admirer la force de caractère hors du commun du
personnage, jamais aussi performant que lorsqu'il est dans la difficulté, seul
contre tous. Seul même contre Dieu, pour lui arracher autant de sursis dans sa
vie, au point de le prolonger jusqu'à 90 ans, alors que son rythme et son
régime de vie auraient condamné un être faible à brève échéance.
Pas étonnant qu'il ait ferraillé contre un De Gaulle, autre géant dans
l'épreuve, après l'avoir accueilli à Londres avec ces mots : "Vous êtes
tout seul – eh bien je vous reconnais tout seul".
Quel personnage, quel mec dirait-on aujourd'hui, fort bien dépeint par Sophie
Doudet dans cet ouvrage chez Folio biographies.