Selon la loi de notre pays la légitime défense ne peut se concevoir que
proportionnée et simultanée de l'agression subie. Dès l'instant où elle
l'exerce en temps décalé, Mathilde Collignon devient justiciable. C'est son
procès que nous vivons dans cet ouvrage.
S'il est un lieu éminemment secret, c'est bien la salle de délibéré d'une cour
d'assise. Sa porte en est gardée tout le temps que dure la séance de délibéré.
le silence sur les débats est imposé par la loi à chacun des jurés ad vitam
aeternam. Même et surtout à l'égard des proches. Ils auront prêté serment.
Avec cet ouvrage Mathieu Menegaux nous
ouvre ce saint des saint et nous rend auditeur du délibéré du procès de
Mathilde Collignon. Il nous instruit par la même occasion sur les règles qui
régissent cette procédure si codifiée, si particulière, à laquelle tout un
chacun peut se voir convier à partir du moment où il est inscrit sur les listes
électorales. Un huis clos qui n'est pas sans rappeler le film de Sidney Lumet :
Douze Hommes en colère.
Au-delà du rôle pédagogique très intéressant que revêt la forme de cet ouvrage,
il ouvre le débat sur ce sentiment légitime d'une victime lorsqu'elle réalise
que ses agresseurs ne seront pas sanctionnés. L'analyse des sentiments et
réactions de chacun des jurés est fort bien restituée, notamment selon qu'ils
sont homme ou femme, mais aussi citoyens ordinaires désignés comme jurés ou
magistrats. Ils forment ce jury d'assise lequel ne sortira de la salle de
délibéré que lorsqu'il aura répondu aux questions retenues lors de l'audience,
avec les règles de majorité qui s'attachent à chaque type de question :
Coupable ou non des chefs d'accusation retenus ? Quelle sentence dans la limite
de ce que prévoit le Code Pénal ?
Même s'ils forment un collège de justice réuni dans la même pièce, chacun se
retrouve finalement seul avec sa conscience. La même solitude gagne l'accusée
dans l'attente du délibéré. Elle était une bonne mère de famille, une
professionnelle reconnue dans son métier, aimée et respectée de tous. Et
maintenant elle attend de savoir si elle va voir grandir ses filles. Les voir
arrachées à son amour de mère. Privées de ses gestes d'affection du quotidien.
Pour combien de temps. Quelle part de leurs jeunes années sera occultée de sa
mémoire.
Un ouvrage qui, subtilement organisé en chapitres alternés, prend une tournure
de thriller psychologique. C'est profitable et absolument passionnant.
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Ouvrages par genre
vendredi 15 avril 2022
Femmes en colère ~~~~ Mathieu Menegaux
jeudi 14 avril 2022
Agrippine ~~~~ Virginie Girod
Voilà un ouvrage qui, autant que la biographie qu'il
dresse, fait le point sur tout ce qui a été publié à propos de cet étonnant
personnage qu'a été Agrippine, la mère de Néron.
Et voilà encore que je présente encore une femme relativement à un homme. Mais
dans ce cas c'est un peu obligatoire. Car à l'époque où vécut cette femme
ambitieuse et courageuse, ses semblables du deuxième sexe n'avaient pas voix au
chapitre en matière de politique et gouvernance. Loin s'en faut, quelles que fussent
leurs qualités et capacités. Pourtant dans les deux domaines précités,
Agrippine pouvait en remontrer à beaucoup de ses congénères masculins.
Si je devais traduire en trois mots l'impression que me laisse cet ouvrage
de Virginie
Girod, ce serait objectivité, exhaustivité et crédibilité. Tout cela
évidemment dument soupesé relativement à ma culture en histoire qui si elle se
targue d'une réelle appétence en la matière est sans commune mesure avec ce que
me confirme ce second ouvrage que je lis de la main de Virginie Girod.
Dans le rapport sexiste qui de tous temps a opposé homme et femme avec la
relation de domination que l'on sait depuis que la faute originelle a été
attribuée à cette dernière, Virginie Girod fait la part des choses
avec, à mes yeux, une grande objectivité entre l'intelligence et la possibilité
laissée à celui ou celle qui en était doué de la faire valoir. On ne trompera
personne en affirmant pour ce qui est du faire valoir que nos consœurs ont eu à
contourner l'obstacle en faisant plus largement usage de leur charme. Qualité
physique dont, selon Virginie Girod, Agrippine a eu à user avec plus de
modération que ce que l'histoire a bien voulu colporter. L'objectivité est une
disposition d'esprit d'autant plus difficile à soutenir qu'il est illusoire de
prétendre juger une époque avec les critères psycho sociaux et moraux d'une
autre. Dans la Rome Antique une femme aussi intelligente qu'elle fût ne pouvait
faire valoir cette qualité en la transposant en décisions et actions que par le
truchement d'un homme. Pour Agrippine cet homme ce fut Néron, son fils. Les
autres, ses époux en particulier, n'ayant été que des marches pour accéder au
pouvoir. Néron, né Lucius Domitius Ahenobarbus, fut malheureusement pour elle
un mauvais levier pour faire valoir son intelligence politique. Mauvais au
point de provoquer sa perte de la plus cruelle façon.
L'exhaustivité que j'évoque n'a rien à voir avec l'épaisseur d'un ouvrage qui
ne négligerait aucun détail de la vie de son sujet. L'exhaustivité je la trouve
dans la somme considérable de notes, tables, organigrammes généalogiques et
références ajoutés par l'auteure en fin d'ouvrage, lesquels témoignent de
l'étendue des connaissances de cette dernière dans sa discipline, du formidable
travail de documentation mené à bien, de l'inventaire historiographique
foisonnant ayant trait à cette femme hors du commun.
Cette objectivité, ce formidable travail d'étude et de construction de son
ouvrage présentent à mes yeux d'amateur de la discipline une grande crédibilité
dans chacune des allégations qui construisent cet ouvrage. Cette
crédibilité, Virginie Girod la doit à l'analyse critique fouillée
qu'elle fait des sources laissées à notre connaissance par l'érosion du temps.
Il y a celles des contemporains d'Agrippine : Pline l'ancien, Sénèque, celles des
historiens décalés mais ayant eu peu ou prou accès aux archives du palais
: Suétone,
Tacite, Don Cassius, et tous ceux plus tardifs qui n'ont fait qu'exploiter et
interpréter les premiers. Profitant au fil des siècles de l'avancée des
recherches et progrès dans les sciences afférentes : archéologique,
numismatique, épigraphique, ethnographique, neuro sciences et tant d'autres.
L'analyse critique qu'elle fait des différentes sources prenant en compte le
contexte dans lequel les auteurs rédigeaient leurs ouvrages, tel un Suétone qui
voulait plaire à son mentor Hadrien, un empereur de la dynastie succédant aux
julio-claudiens, les antonins ou encore un Tacite « qui se montrait un
impitoyable moraliste » vis-à-vis de femmes lorsqu'elles sortaient de leur rôle
décoratif.
C'est donc mis en confiance par ces qualités que j'attribue aux deux premiers
ouvrages que je lis de la main de Virginie Girod que je vais faire
connaissance avec Théodora, l'impératrice de Byzance qui a fait ses premières
armes dans le plus vieux métier du monde.
vendredi 8 avril 2022
Les oiseaux chanteurs ~~~~ Christy Lefteri
Voilà un ouvrage qui, autant que la biographie qu'il dresse, fait le point sur tout ce qui a été publié à propos de cet étonnant personnage qu'a été Agrippine, la mère de Néron.
Et voilà encore que je présente encore une femme relativement à un homme. Mais
dans ce cas c'est un peu obligatoire. Car à l'époque où vécut cette femme
ambitieuse et courageuse, ses semblables du deuxième sexe n'avaient pas voix au
chapitre en matière de politique et gouvernance. Loin s'en faut, quelles que fussent
leurs qualités et capacités. Pourtant dans les deux domaines précités,
Agrippine pouvait en remontrer à beaucoup de ses congénères masculins.
Si je devais traduire en trois mots l'impression que me laisse cet ouvrage
de Virginie
Girod, ce serait objectivité, exhaustivité et crédibilité. Tout cela
évidemment dument soupesé relativement à ma culture en histoire qui si elle se
targue d'une réelle appétence en la matière est sans commune mesure avec ce que
me confirme ce second ouvrage que je lis de la main de Virginie Girod.
Dans le rapport sexiste qui de tous temps a opposé homme et femme avec la
relation de domination que l'on sait depuis que la faute originelle a été
attribuée à cette dernière, Virginie Girod fait la part des choses
avec, à mes yeux, une grande objectivité entre l'intelligence et la possibilité
laissée à celui ou celle qui en était doué de la faire valoir. On ne trompera
personne en affirmant pour ce qui est du faire valoir que nos consœurs ont eu à
contourner l'obstacle en faisant plus largement usage de leur charme. Qualité
physique dont, selon Virginie Girod, Agrippine a eu à user avec plus de
modération que ce que l'histoire a bien voulu colporter. L'objectivité est une
disposition d'esprit d'autant plus difficile à soutenir qu'il est illusoire de
prétendre juger une époque avec les critères psycho sociaux et moraux d'une
autre. Dans la Rome Antique une femme aussi intelligente qu'elle fût ne pouvait
faire valoir cette qualité en la transposant en décisions et actions que par le
truchement d'un homme. Pour Agrippine cet homme ce fut Néron, son fils. Les
autres, ses époux en particulier, n'ayant été que des marches pour accéder au
pouvoir. Néron, né Lucius Domitius Ahenobarbus, fut malheureusement pour elle
un mauvais levier pour faire valoir son intelligence politique. Mauvais au
point de provoquer sa perte de la plus cruelle façon.
L'exhaustivité que j'évoque n'a rien à voir avec l'épaisseur d'un ouvrage qui
ne négligerait aucun détail de la vie de son sujet. L'exhaustivité je la trouve
dans la somme considérable de notes, tables, organigrammes généalogiques et
références ajoutés par l'auteure en fin d'ouvrage, lesquels témoignent de
l'étendue des connaissances de cette dernière dans sa discipline, du formidable
travail de documentation mené à bien, de l'inventaire historiographique
foisonnant ayant trait à cette femme hors du commun.
Cette objectivité, ce formidable travail d'étude et de construction de son
ouvrage présentent à mes yeux d'amateur de la discipline une grande crédibilité
dans chacune des allégations qui construisent cet ouvrage. Cette
crédibilité, Virginie Girod la doit à l'analyse critique fouillée
qu'elle fait des sources laissées à notre connaissance par l'érosion du temps.
Il y a celles des contemporains d'Agrippine : Pline l'ancien, Sénèque, celles des
historiens décalés mais ayant eu peu ou prou accès aux archives du palais
: Suétone,
Tacite, Don Cassius, et tous ceux plus tardifs qui n'ont fait qu'exploiter et
interpréter les premiers. Profitant au fil des siècles de l'avancée des
recherches et progrès dans les sciences afférentes : archéologique,
numismatique, épigraphique, ethnographique, neuro sciences et tant d'autres.
L'analyse critique qu'elle fait des différentes sources prenant en compte le
contexte dans lequel les auteurs rédigeaient leurs ouvrages, tel un Suétone qui
voulait plaire à son mentor Hadrien, un empereur de la dynastie succédant aux
julio-claudiens, les antonins ou encore un Tacite « qui se montrait un
impitoyable moraliste » vis-à-vis de femmes lorsqu'elles sortaient de leur rôle
décoratif.
C'est donc mis en confiance par ces qualités que j'attribue aux deux premiers
ouvrages que je lis de la main de Virginie Girod que je vais faire
connaissance avec Théodora, l'impératrice de Byzance qui a fait ses premières
armes dans le plus vieux métier du monde.
samedi 2 avril 2022
La véritable vie des douze Césars ~~~~ Virginie Girod
Par les temps qui courent, voilà une citation qu’il y a urgence de replacer dans son contexte : … « Il escompte bien rester préfet du prétoire sous le principat de Caligula. »
Nous sommes dans la Rome au temps des Julio-Claudiens, puis des Flaviens. Ceux que l’histoire retiendra sur la liste dressée par Suétone (*) dans son ouvrage biographique La vie des douze Césars. Ouvrage que Virginie Girod a décidé de revisiter au point d’intituler son ouvrage La « véritable » vie des douze Césars.
Car l’éminente historienne, bien contemporaine de nous autres lecteurs de ce temps d’un autre Macron, a appris à connaître ce secrétaire d’Hadrien, en particulier pour son goût du trivial. Un goût quelque peu imposé par le contexte dans lequel il rédige ses écrits, rangés à l’époque dans l’art mineur de la biographie nous dit-elle. Elle imagine que lesdites biographies, si elles ne sont pas sujettes à caution, sont moins soucieuses du rôle historique de ses sujets que de leurs frasques. Un de ses confrères historien du 19ème siècle, Alexis Pierron, ira jusqu’à qualifier Suétone de « colporteur d'histoires d'antichambre ».
La motivation de Virginie Girod est donc là : ajouter le qualificatif véritable au titre de l’ouvrage de Suétone et tenter de corriger cette tendance à l’errance entre vices et travers des Césars, à faire fi de leur rôle politique. Sans négliger le formidable apport pour les historiens du futur qu’est l’œuvre de Suétone ni le contexte dans lequel il écrit, Virginie Girod justifie en avant-propos bénéficier à la fois des avancées dans la connaissance historique et des neurosciences entre autres, mais se défend de juger une époque avec les acquis des millénaires en termes de morale, d’esprit de justice, d’avancée sociale mais aussi d’empathie, dernière qualité qui eut pu figurer source de faiblesse dans une époque de violences psychologique et physique.
Comment comprendre en effet qu’on puisse se débarrasser du « princeps », premier citoyen de l’empire, intermédiaire entre les dieux et les hommes, parce que grisé par son pouvoir il avait sombré dans la folie paranoïaque, était devenu incontrôlable par des contre-pouvoirs muselés, voire inexistants. Comment comprendre aussi que le grand César, qui n’était quant à lui pas empereur puisque sous le régime d’une république laquelle n’avait de ce régime plus que le nom, s’était vu honoré du titre, car c’en était un, de dictateur à vie, s’étant vu confier tous les pouvoirs par le Sénat. Comment comprendre encore que le suicide soit institué en porte de sortie honorable et restaure sa noblesse à un empereur qui avait perdu sa crédibilité aux yeux de ses sujets. Comment comprendre enfin que l’on puisse créer une succession patrilinéaire du pouvoir en adoptant son successeur, comme on le ferait d’un enfant, y compris à titre posthume.
Les temps ont bien changé. Les mœurs, les croyances et les valeurs qui vont avec. Ces dernières ayant pratiquement disparu, les croyances se focalisant en une croyance unique, ou pas, désormais. Les Césars étaient loin d’être exempts des travers dont Suétone faisait ses choux gras pour plaire à son maître du moment, l’empereur Hadrien, nous confirme Virginie Girod. Elle réussit à nous faire comprendre avec cet ouvrage rationnel, foisonnant, qui se veut aussi objectif que l’autorisent les avancées dans la connaissance de l’époque, en quoi leur personnalité et leurs actes étaient en harmonie avec le contexte d’une Rome onirique. Il faut l’avoir étudiée comme l’a fait cette spécialiste de l’antiquité pour comprendre à quel point le pouvoir corrompt les puissants et fascine ses spectateurs, qui voudraient peut-être leur ressembler.
J’aime l’histoire. Et quand elle est bien écrite, je suis
comblé. Cet ouvrage de Virginie Girod remplit les conditions pour me faire plébisciter
le formidable travail d’étude qu’il a fallu pour sa gestation.
A écrire La véritable histoire des douze césars, il faut s’attendre à une lecture critique des sources, à usage du conditionnel quand elles font naître le doute. Virginie Girod le fait avec une intelligence qui inspire le respect, un naturel qui fait recevoir ses allégations comme une évidence. Elle nous adresse un fort bel ouvrage propre à entretenir notre intérêt pour ceux « qui incarnent les figures paroxystiques de nos passions ».
(*) Suétone (70-122 apr. J.C.) haut fonctionnaire romain, membre de l'ordre équestre, auteur de nombreux ouvrages dont la Vie des douze Césars qui rassemble les biographies de Jules César à Domitien en passant chronologiquement par Octave (Auguste), Tibère, Caligula, Claude, Néron, Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus.
mardi 15 mars 2022
La tente rouge ~~~~ Anita Diamant
Il était une lettre ~~~~ Kathryn Hughes
samedi 12 mars 2022
La tableau du maître flamand ~~~~ Arturo Perez-Reverte
Julia est restauratrice de tableaux. Elle se voit
confier, en préparation de sa vente, la célèbre toile d'un maître flamand du
XVIème siècle : la partie d'échecs. Ses travaux lui font découvrir, dissimulée
sous les couches de peintures et vernis anciens, une inscription latine
soumettant une énigme concernant la mort d'un des trois personnages représentés
sur la toile. Présentée sous la forme d'une question concernant la prise d'un
cavalier, elle se persuade que cette énigme se résout par le calcul des combinaisons
offertes aux joueurs. Avec son ami et confident César l'antiquaire elle fait
appel à un joueur expert pour élucider le mystère.
La vente du tableau donne lieu à des conflits d'intérêt opposant les parties
prenantes, famille du propriétaire, galerie d'art, commissaire-priseur. Deux
personnes de l'entourage de Julia sont assassinées. Un mimétisme machiavélique
suggère à l'assassin de faire valoir
ses identités et motivations au travers d'une énigme se superposant à celle de
la toile du maître flamand.
Ce roman qui s'engage dans une forme d'enquête rétrospective sur la base de
l'énigme proposée par le maître flamand devient thriller contemporain avec une
montée en puissance très lente de l'intensité dramatique. La peur gagne Julia.
Elle se persuade d'être la prochaine victime du meurtrier sans comprendre la
raison de cet acharnement autour d'elle.
Arturo Perez-Reverte échafaude
un roman érudit quant aux domaines dans lesquels il intègre son intrigue, en
particulier le monde de l'art pictural, son histoire et ses techniques. Point
n'est besoin par ailleurs d'être joueur patenté pour se prendre au jeu de ces énigmes
qui s'imbriquent au travers des siècles. L'idée est intéressante.Pourtant l'émergence du fait divers contemporain dans l'enquête sur l'énigme
proposée par la toile du maître flamand est très artificielle et ouvre
inévitablement sur un dénouement pour le moins tiré par les cheveux.
C'est dommage d'une part parce qu'on se laisse volontiers prendre au jeu de l'enquête initiale laquelle fait appel à l'histoire et à la technique des échecs, d'autre part parce que la documentation est fouillée et le socle historique appréciable. C'est donc un thriller intéressant par l'intérêt qu'il suscite au départ, la qualité de son écriture et sa culture, ces dernières n'étant pas forcément des attributs du genre, mais un thriller qui fait long feu avec un dénouement assez décevant.
Citation
Le joueur d'échecs lut à haute voix :
- La phrase que j'écris en ce moment est celle que vous lisez en ce moment... - Il regarda Belmonte, surpris.
- Oui, et puis ?
- C'est tout. J'ai écrit cette phrase il y a une minute et demi et vous venez de la lire, il n'y a que quarante secondes. En d'autres termes, mon écriture et votre lecture correspondent à des moments différents. Mais sur le papier, ce moment et ce moment sont indubitablement le même moment... Donc la phrase est à la fois vraie et fausse ... Ou est-ce le concept de temps que nous laissons de côté ? ... N'est-ce pas un bon exemple de paradoxe ?
vendredi 11 mars 2022
Le miracle Spinoza ~~~~ Frédéric Lenoir
Évoquant son ouvrage majeur alors en préparation,
L'Ethique, édité finalement à titre posthume, Spinoza écrivait lui-même, dans
une lettre adressée à son ami Henry Oldenburg, qu'il avait délibérément choisi
un mode d'exposition de ses pensées qui en rendrait la lecture aride. Le titre
complet de son ouvrage se libelle d'ailleurs ainsi : L'Ethique démontrée selon
la méthode géométrique.
Me voilà conforté dans mon intention de faire connaissance
avec le personnage et sa philosophie avec l'aide d'un "traducteur".
Quelqu'un qui me rendrait accessible la pensée du célèbre philosophe, lequel
jouit en ce début de siècle d'un engouement nouveau auprès de la part de ses
congénères contemporains, mais pas seulement.
D'aucuns expliquent cet engouement d'une part par le fait que Spinoza affichait
des pensées très en avance sur son temps, au point de trouver de nos jours un
écho singulier dans les milieux intellectuels et politiques. Il affichait un
courant de pensée progressiste, tolérant, sachant se démarquer avec prudence,
donc intelligence, des modèles imposés par un pouvoir politique autocratique,
dont on sait qu'en son temps il était fermement contraint par le religieux.
L'autre aspect de ses textes qui le rend lisible aujourd'hui est plus
inattendu. Le mode de raisonnement et de construction de ceux-ci, selon un
principe interactif de renvois à de multiple références étayant la
démonstration du philosophe, se prêterait particulièrement à la modélisation
informatique. C'est le principe du lien hypertexte que l'on pratique
abondamment et inconsciemment de nos jours en parcourant les pages web,
lesquelles ont évidemment fleuri que lors de ces dernières décennies. Le
Magazine littéraire de décembre 2017 publiait un article sur cette analogie
constructive qui attendait le clic de souris pour naviguer de pages en volumes
hébergés de par le monde, se substituant au contenant physique forcément plus
lourd à manipuler.
C'est donc avec le Miracle Spinoza de Frédéric Lenoir que je me suis ouvert à
celui qui a eu le cran de s'opposer à l'intelligentsia de son temps peu encline
à la contradiction. Un temps où l'opposition de conscience pouvait avoir des
conséquences pour le moins brûlantes. Du cran il fallait en avoir au XVIIème
siècle pour fondre Dieu dans la Nature, laquelle pour le coup prend la
majuscule. Prôner immanence contre transcendance. Du cran pour n'accepter que
ce qui aura été démontré par le raisonnement, y compris s'il faut restreindre
le champ de ses certitudes, mais surtout refuser de se faire dicter des
croyances. Autre similitude avec notre époque contemporaine qui ne reconnaît
plus d'autorité statutaire, réclamant à quiconque veut s'imposer de faire ses
preuves.
Reconnaissons bien pourtant que, presque quatre siècles après que Spinoza nous
a montré le chemin, la raison qui commande de ne pas écouter ses passions pour
accéder au bonheur n'a pas encore gagné le combat. Loin s'en faut. Dans une
société devenue consumériste, à l'intoxication commerciale agressive, le
décodage algorithmique de la pensée du grand philosophe ne suffira pas à nous
faire trouver la joie dans le dénuement, la béatitude dans la détermination
intime. L'intelligence ne suffit donc pas au raisonnement. Il lui faut ce supplément
d'âme pour faire comprendre à cette entité de matière spirituelle, qu'on ne
peut appeler créature puisque Dieu est part d'elle comme de toute chose,
théorie du monisme chère à Spinoza, qu'elle est en train de scier la branche
sur laquelle elle est assise.
Dans le genre développement personnel, Frédéric Lenoir m'a donc aidé à monter
quelques marches depuis les sous-sols obscurs de mon ignorance. Son ouvrage
salué par les plus éminents est à la portée de tous. Je l'en remercie d'autant
plus que je me reconnais assez bien dans la traduction qu'il nous fait de la
philosophie du grand penseur déterminé mais pacifique. de là à la décrypter
dans le texte ? Persévérance et longueur de temps entretiennent bien des
espérances. Je lis encore et toujours.
mardi 8 mars 2022
Extérieur monde ~~~~ Olivier Rolin
Je me suis accroché jusqu'à ce que je lise à la page 115, de la part de l'auteur lui-même, Olivier Rolin : "je sens que je perds des lecteurs". Là, effectivement, j'ai lâché prise. En terme scientifique : le module de la force centrifuge a dépassé celui de la force centripète. Le lecteur-électron de la galaxie librairie-de-quartier que je suis a été éjecté, Extérieur monde.
Objectif atteint, ne resteront que les plus forts, les vrais, ceux qui sont
capables de s'accrocher au noyau de la planète Rolin, de rester concentré dans
la tourmente. Je me suis accroché à tout ce qui pouvait passer à ma portée.
Mais non. Il a eu raison de moi. Je ne suis pas de taille à suivre le
globe-trotter dans ses pérégrinations extraites en fouillis des soixante
carnets d'une vie de sédentaire de l'instabilité.
Après la page 115, j'ai papillonné. J'ai certes retrouvé quelques situations et
paysages connus au hasard, page 227. Sarajevo. J'ai un peu bougé moi-aussi,
mais je n'ai pas été jusqu'à lire Les Misérables au Pôle nord. En fait je
n'aime pas me faire brinquebaler. Je préfère tenir le volant.
J'ai eu encore quelques tressaillements nerveux, mais quand on m'a demandé ce
que je lisais, et que je n'ai su dire si j'étais au Soudan, à la Terre de feu,
dans une librairie de Shanghai ou les bras d'une colombienne, alors là j'ai expiré.
Depuis les cieux où j'ai retrouvé le calme, j'adresse mes plus vifs regrets aux
Éditions Gallimard et à Babelio, les remercie vivement pour m'avoir adressé cet
ouvrage dans le cadre de l'opération masse critique. Je fais quand même le
serment d'y revenir, mais à petite dose. J'aurai alors l'impression de tenir le
volant.
Enfin chapeau quand même. Je confirme, le monde est trop petit pour lui. Extérieur
monde.
Les foulards rouges ~~~~ Frédéric H. Fajardies
Le roman historique, pour autant qu'il soit crédible dans sa restitution du contexte dans lequel il incorpore son intrigue, est une façon d'aborder l'histoire de manière moins scolaire. La fiction servant de liant aux faits historiques qu'elle agglomère pour forger son intrigue.
Les
foulards rouges de Frédéric H.
Fajardie nous implique dans une page de l'histoire qui fit en son
temps douter de la longévité du règne du dauphin devenu roi à l'âge de cinq
ans. Il fut au final le règne le plus long de notre histoire. Sous la
gouvernance de la régente Anne d'Autriche sa mère et de l'homme fort du
royaume, le cardinal Mazarin, Louis XIV commençait son règne en un royaume
alors englué dans la plus grande confusion. Ce trouble est resté dans
l'histoire sous le vocable de Fronde. Terme qui dissimulait mal une guerre
civile larvée.
Et si l'histoire pouvait manquer de gloire et rengaine d'amour, le roman de
Fajardie l'en augmente à satiété. Au point de forcer le trait à couvrir de
renommée un héros devenu sous sa plume invincible, le comte de Nissac, tout
empanaché de rouge et de blanc sur son fidèle destrier noir, héros confondu
d'amour pour la plus belle femme de la capitale, il va de soi. Au point
d'outrepasser la barrière de la condition, le comte succombant aux charmes
d'une roturière. Et fort de cette passion irrépressible, la plus fine lame du
pays se bat à un contre multitude sans jamais faillir, se réclamant du service
du cardinal, se stimulant de son sentiment tout neuf.
La guerre étant la continuation de la politique par d'autres moyens selon Clausewitz,
si péripéties politiques et guerrières ne suffisaient pas à sublimer notre
héros, Fajardie l'implique dans une énigme policière lorsque ce qu'on appellera
plus tard un psychopathe tueur en série s'ingénie à écorcher vives de jolies
femmes. En exutoire sans doute à de vieilles frustrations lesquelles renvoient
comme souvent à une enfance lésée en son quota minimal d'amour pour construire
la personne. La dénonciation sera délicate, le tueur est de haute naissance.
Gageons qu'en ces temps de privilèges dans une société très cloisonnée la
justice n'y trouve pas tout à fait son compte.
Notre héros invincible, suffisamment pourvu en cicatrices de guerre attestant
de sa bravoure, s'entoure d'acolytes à la Vidocq, rescapés de justesse des
rigueurs des galères, formant une équipée improbable et crainte comme le diable
sous l'anonymat de son foulard rouge. Equipée laquelle intervient avec le plus
grand succès aux faveurs du premier ministre cardinal pour que vive ce roi
naissant à l'histoire. Un roi qui restera dans nos manuels affublé de l'astre
solaire en qualificatif.
A une époque où l'on chevauchait sus à l'ennemi en dentelle, se battait en duel
en faisant des phrases apprêtées, ennoblies de force passés du subjonctif,
c'est la restitution de cette langue sophistiquée, au point d'en devenir
précieuse dans la bouche des « bien-nés », qui donne sa saveur à cet ouvrage.
La langue d'époque mise en oeuvre dans cet ouvrage ne souffre d'aucun
anachronisme de langage. Elle nous rappelle à une grammaire que notre temps
oublieux de ses racines martyrise à souhait, la sacrifiant sur l'autel de
l'audimat à grand renfort d'onomatopées et anglicismes dont les locuteurs
modernes impénitents ignorent jusqu'au sens premier.
S'il ne cautionne pas le scenario d'un super héros échappant toutes les
chausse-trappes que ses ennemis lui placent sous ses pas, l'amateur d'histoire
sera quand même comblé par cet ouvrage pour ce qu'il semble fidèle aux faits
historiques que sa mémoire aura sauvegardés de ses lointaines universités.
Bonne mise en situation en ces temps d'ancien régime servie par une belle
langue, en contrepoids d'une fiction un peu trop édulcorée. Mais le rythme est
enlevé et l'ouvrage n'est pas pesant à lire.
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