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Ouvrages par genre
mardi 24 octobre 2023
L'as de coeur ~~~~ Morgane Moncomble
mardi 3 octobre 2023
L'Odyssée de Pénélope ~~~~ Margaret Atwood
Quand on parle d’Odyssée, on pense immédiatement au périple
d’Ulysse de retour de la guerre de Troie. A croire que Margaret Atwood en avait
soupé de ce point de vue par trop masculin. Elle nous soumet ce périple mythique
avec un autre regard, celui de Pénélope bien sûr. Mais pour que les femmes
aient droit à la parole dans cette épopée choisit-elle l’artifice, si ce n’est
la précaution, de le faire d’outre-tombe. Qui plus est au 21ème
siècle, allant jusqu’à faire tenir un procès en reconnaissance de mérite,
recommandant en outre aux magistrats et avocats, bien modernes ceux-là, de se
garder de tout anachronisme et tenir compte des données du moment, celles d’il
y a trois ou quatre mille ans. Epoque bénie pour la fantasmagorie mythologique au
cours de laquelle les dieux régnaient en maître depuis l’Olympe.
Il s’agît-là bien entendu d’une démarche féministe. L’auteure
allant jusqu’à faire dire à Pénélope, en guise de mise en garde adressée à son
lecteur du 21ème siècle, de ne pas considérer sa théorie comme
« un ramassis de foutaises féministe sans fondement. » Ecornant au
passage la gent masculine, toutes époques confondues, prévenant son lectorat,
fût-il masculin, qu’il « est toujours imprudent de s’interposer entre un
homme et l’idée qu’il se fait de sa propre intelligence. »
Margaret Atwood se garde bien toutefois de faire du point de
vue féminin, depuis Ithaque donc dans l’attente du retour du héros, un monde
idéal pavé de nobles sentiments. On connaît le stratagème que Pénélope mit en
œuvre pour surseoir aux appétits de ses prétendants, briguant en fait le trône
on l’aura compris, on découvre la vie domestique du palais. Entre Anticlée, la
belle-mère, Euryclée, la nourrice, celle que Laërte considérait comme une
seconde mère pour son fils, les douze servantes versatiles quant à leur
fidélité, et enfin Télémaque le rejeton indocile, cette vie donc n’avait rien
d’une sinécure pour Pénélope, fût-elle reine. Augmentant d’autant son mérite à
attendre chastement son époux. Contrarié qu’il fût quant à lui dans son voyage
retour par le courroux de Poséidon, les entraves de la nymphe Calypso, et
autres égarements fomentés par Circé, le chant des sirènes et consort.
« Dans les Chants on raconte que…, on insiste sur
…, si vous croyez pareille chimère » vous serez un lecteur bien naïf
nous fait entendre Pénélope depuis les rivages célestes où s’alanguissent les
âmes. « Je me sens l’obligation de faire le point sur les calomnies dont
je fais l’objet depuis deux ou trois mille ans. Toutes ces histoires sont
totalement fausses. » Voilà qui remet les pendules à l’heure. Voilà donc
la raison pour laquelle est intenté ce procès, en réparation de tant de siècles
de suprématie masculine.
L’idée est originale. La mise en scène au demeurant fort judicieuse
ne nous semble nullement incongrue. On l’aura compris, le procédé est inusité et
le propos non dénué d’humour pour restituer à qui de droit les mérites du
succès de la plus célèbre épopée du monde. Ecrit de main d’homme, à la gloire
des seuls hommes, le plus vieux texte du monde qui ne fait de la femme que l’enjeu
d’un conflit ou le jouet d’une convoitise méritait sa correction. Voilà qui est
fait de la main de Margaret Atwood.
Et toi lecteur du 21ème siècle, ne perçois ni légèreté ni futilité dans cette mise au point. Ce n’est pas Margaret Atwood qui te le dit, c’est Pénélope. De l’expérience de ses trois mille ans d’observation du monde elle s’autorise une recommandation à ton adresse, celle de ne pas regarder avec mépris le monde antique tel qu’il t’est livré par l’histoire car « Je me rends compte que le monde d’aujourd’hui est aussi dangereux que celui que j’ai connu, sauf que la misère et la souffrance sont plus répandues. Quant à la nature humaine, elle est plus vulgaire que jamais. » L’auteure de la Servante écarlate, romancière dystopique, conserve avec cet ouvrage un regard désabusé sur ce que l’homme fait de son passage sur terre.
mercredi 20 septembre 2023
Ce qu'ils n'ont pu nous prendre ~~~~ Ruta Sepetys
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L’écriture de Ruta Sepetys, au travers de son formidable
Hôtel Castellana, m’avait donné le goût d’approfondir ma connaissance de cette
auteure et de son œuvre.
Elle semble s’être focalisée sur les régimes tyranniques. Le
second ouvrage de sa main que je viens de refermer traite d’une période qui est
chère à son cœur puisqu’il s’agit de la main mise par Staline sur le pays
d’origine de sa famille : la Lituanie. Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre
est son premier roman.
A la lecture de celui-ci, j’ai éprouvé une légère déception.
Je l’ai trouvé en dessous d’Hôtel Castellana en termes d’écriture. Moins abouti
dans sa construction, l’inclusion de la fiction dans les événements historiques,
bien que l’auteure paraisse néanmoins plus impliquée personnellement. On
ressent à cette lecture une grande compassion pour toutes ces personnes sans distinction
d’âge, de sexe et de condition qui ont eu à subir les affres de la déportation
en Sibérie, et pour cause.
S’il n’y avait pas, comme ce fut le cas pour la solution
finale mise en œuvre par les nazis, « d’industrialisation » de la
mort, les conditions de détention dans le froid intense, la faim, les maladies évidemment
non soignées, l’épuisement par le travail aboutissaient au même résultat. Ruta
Sepetys met l’accent sur l’indifférence des gardiens, qui avaient eux leur
confort sous les yeux des détenus, quant à la souffrance et la déchéance
physique de ces derniers. Aux conditions de vie terribles, l’isolement total
dans les immensités sibériennes, le sentiment d’oubli du reste du monde et l’incertitude
complète de l’avenir participaient grandement à anéantir psychologiquement les
détenus. Ruta Sepetys le rend très bien.
Cet ouvrage est bâti sur la base de témoignages souvent indirects, les rescapés ayant eux aussi presque tous disparu à l’époque où elle met son ouvrage en chantier. Cela reste toutefois un excellent roman de rappel à la mémoire de ces pauvres anonymes broyés par un système totalitaire inhumain. Ce genre d’ouvrage a toujours sa justification et plus encore lorsque la mémoire directe s’efface.
La croix et le croissant ~~~~ François Taillandier
« L'homme, sitôt sorti de ses routines habituelles et
exposé à la nuit et à la solitude, est peu de chose, ou plutôt n'est
rien. »
Cette citation empruntée à Marguerite Yourcenar dans
Archives du nord exprime avec à-propos ce que des hommes, êtres de chair et de
sang, ont ressenti quand, aux origines de l’édition, il leur a été demandé de
laisser à la postérité la trace écrite du passage sur terre de leurs
commanditaires. Des puissants bien sûr, pas des gueux. Des puissants tellement
imbus d’eux-mêmes qu’ils voulaient que leur mort ne soit pas une mort aux yeux
des générations à venir. Survivre par l’écrit. Leur vie fût-elle couverte
d’opprobre et de sang. François taillandier tient son propos à l’époque des
rois dits fainéants. Epoque qui vit à l’Orient l’émergence de la foi musulmane.
L’histoire des hommes se lirait donc sur ces supports qui deviendront des
livres. Ecrits de main d’homme, bien avant l’imprimerie.
Mais qu’est-ce que l’homme à l’échelle de l’éternité :
rien. Marguerite Yourcenar le scande et répète à l’envi. Encore cet homme ne
sait-il même pas ce qu’il fait sur terre. Ce qu’il était avant. Ce qu’il
devient après. Et il passe sa vie à se vautrer dans le luxe et la luxure, à se
livrer à des bassesses qui de peu le rabaissent encore. A s’entredéchirer avec
ses congénères pour des peccadilles qu’il n’emportera pas au-delà de sa vie,
n’en déplaise aux pharaons. Il passe en fait sa vie à se distraire de l’idée de
la mort.
Alors quoi ?
Alors Dieu ! Oui, Dieu !
L’homme est trop petit à l’échelle de l’univers, à l’échelle
du temps, trop vil à l’échelle du mystère qui préside à cet obscur éclair de
conscience qu’est sa vie. Instant au cours duquel un esprit est venu se
contraindre dans un corps de chair et de sang.
Alors Dieu ?
Oui Dieu ! Hors de toutes échelles de temps et
d’espace. Hors de toute convoitise, de joie, de peine, de naissance et de mort.
Dieu éternel. Être sans substance. Non-être donc. Non-être qui dépasse toute
vie sur terre depuis l’amibe sortie de l’océan jusqu’à cet être vaniteux pétri
de concupiscence en même temps que de peur qui se fait appeler homme. Dieu est
la réponse à l’insignifiance. Alors plutôt que raconter l’homme, fût-il roi sur
terre, autant prôner ce dépassement de tout, cette transcendance : Dieu.
Ecrire ce que des hommes qui se sont dits messagers de Dieu,
récepteurs de la parole divine, prophètes, écrire ce que l’instance supérieure,
mystérieuse, inaccessible, invisible leur a dit. Puisqu’Il s’est rendu audible à
eux. Ce que les hommes, ceux qui se disent grands, voulaient faire transcrire
de leur vulgarité dans autant d’ouvrages du même niveau sera avantageusement
remplacé par la parole divine dans un seul ouvrage. Le LIVRE.
La croix et le croissant de François Taillandier nous dit la
gesticulation de la créature intelligente, et pourtant bouffie de défauts, pour
s’élever, dépasser sa si courte existence, si médiocre existence et trouver le
salut. En Dieu !
Mais même en cette intention les hommes n’ont pas trouvé de
collusion. Le LIVRE est devenu multiple. Et encore en est-il pour clamer que la
parole divine ne peut être écrite. Elle ne peut être entendue que par des élus
et colportée par le Verbe.
Pauvre homme, pris entre la Croix et le Croissant, et peut
être encore d’autres symboles de religions, celles-là moins extraverties. Plus
confidentielles, moins belliqueuses, ne revendiquant pas le monopole. Pauvre
homme qui n’a pas entendu le message d’amour que prêchent toutes ces religions qui
se revendiquent du Livre, en même temps qu’elles le foulent aux pieds.
Formidable ouverture sur ces notions de désarroi de l’homme
en sa condition que celle de François Taillandier. Pauvre homme en quête de
dépassement des bornes de sa vie. Dépassement qu’il a trouvé en Dieu.
Dépassement qu’il a transcrit dans le Livre pour associer sa pauvre existence à
celle de son créateur. Et survivre ainsi avec lui dans l’éternité.
J’ai retrouvé avec délectation la hauteur de vue de cet
auteur sur la condition de l’homme livré au mystère de la vie. Approche que j’avais découverte avec
L’Ecriture du monde et que je m’impose de suivre dans le troisième volet de cette
trilogie tant elle comble mon appétit de cette écriture érudite tout en restant
accessible, sur ces questions que l’on qualifie de fondamentales.
Veiller sur Elle ~~~~ Jean-Baptiste Andréa
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Qui est cette Elle sur qui il faut veiller ? Elle, a poussé
Mimo à se cloîtrer dans un monastère, sans toutefois y prononcer des vœux. Sous
la plume de Jean-Baptiste
Andréa, il nous conte sa vie ses dernières heures venues. Mimo, c'est
Michelangelo Vitaliani. Il a deux handicaps dans la vie. Celui d'être né dans
une famille pauvre, mais surtout celui d'être différent. Il est de si petite
taille qu'on le traite de nain. Mais il a un atout énorme. Celui de son art. Il
est un sculpteur au talent inouï. Au point de rivaliser avec l'autre
Michelangelo, le grand, l'auteur de la Pietà qui trône en la basilique
Saint-Pierre du Vatican à Rome.
Elle, ce pourrait être Viola. Elle est la fille de la grande et richissime
famille Orsini de laquelle sont issus plusieurs papes. Mais comment un nain,
qui plus est de basse extraction, pourrait-il seulement lever les yeux sur
pareille descendance. Aussi fantasque fût-elle ? N'a-t-elle pas l'idée de voler
avec une aile de sa fabrication.
C'est pourtant ce qui arrive. Parlera-t-on d'idylle entre ces deux personnages
? Pareille union abonderait à l'expression du mariage de la carpe et du lapin.
Mais une idylle quand même, oui. En forme d'amitié amoureuse. Parfois orageuse,
mais toujours fidèle. Une de celle qui ne trouve d'assouvissement que dans
l'espoir. Espoir d'on ne sait quoi. Sans cesse relégué, aussi fuyant que la
ligne d'horizon.
A moins que l'assouvissement de cette idylle, ce ne soit cette sculpture, cette
caresse au marbre pur qui a façonné un visage si doux. Le visage de la Vierge,
si parfait qu'il est sacrilège aux yeux de l'Eglise. A la mémoire du
grand Michel-Ange.
La Pietà de Mimo fait de l'ombre à celle du maître. Aussi a-t-elle a été
confinée en un lieu que très peu connaissent.
Mimo, Viola, un amour qui a trouvé son accomplissement, son triomphe dans
l'immobilité d'un visage aux traits divins. Un visage de marbre. Un visage à la
beauté céleste, inaltérable. Comme l'amour quand il n'a pas été corrompu par
les bassesses de la vie terrestre.
Un roman à la puissance romanesque prodigieuse, porté par une écriture aussi
fluide que les traits du visage de la Pietà. Celle de Mimo.
Ramuntcho ~~~~ Pierre Loti
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Pierre
Loti l'écrivain voyageur a jeté l'ancre au Pays Basque. Pays dont il
tombe amoureux, pas seulement pour ses paysages, mais aussi pour ses habitants
dont il apprécie le caractère bien trempé. Il les apprécie au point d'y fonder
une seconde famille avec une femme du cru qui lui donnera quatre garçons dont
un certain Raymond. Qui en basque se dit Ramuntcho.
Au pays basque il y reviendra régulièrement. Il y fit l'acquisition d'une
maison sur les rives de la Bidassoa dans laquelle il a voulu vivre ses derniers
jours. Son engouement pour cette contrée lui a inspiré ce roman, Ramuntcho. Plus
que dans tout autre il dévoile sa sensibilité propre.
L'énergie romanesque de son ouvrage s'en trouve enrichi d'une prose aux élans
poétiques. Sa plume s'alanguit dans des envolées mélancoliques à rendre jaloux
les romantiques. Mais l'amoureux contemplatif reste un être lucide. Il ne perd
de vue que la vie n'a rien d'un tapis de rose. Que les amours et les amitiés
sont souvent contrariées par les événements, les codes moraux, les
intérêts. Ramuntcho,
le contrebandier qui ne craint pas les douaniers, le joueur de pelote qui fait
l'admiration de tous en fera l'amère expérience.
Le regard de Gracieuse – on appréciera le choix du prénom - la belle qui avait
conquis le coeur de Ramuntcho,
s'éteint doucement dans l'ombre d'un couvent dans lequel l'a fait enfermer sa
mère. Jusqu'au dernier chapitre on brûle de savoir si Ramuntcho réveillera
ce regard et attisera à nouveau son bonheur du souffle de l'amour.
Pierre Loti est
un poète éveillé dont le réalisme teinte les oeuvres d'austérité. Son acuité
dans la perception du monde le retient de dresser un tableau idyllique de la
vie. Ses amertumes lui donnent l'occasion de donner quelques coups de griffes à
la religion qui pour le coup est plus une prison qu'un secours.
Chacun de ses personnages dévoile un peu plus son auteur. L'homme d'action
quelque peu fantasque qui s'enflamme pour un lieu, une personne, sans cesse
attiré par des ailleurs espérés plus doux, n'en finit pas de se chercher. le
bonheur lui file entre les doigts comme le sable des plages. Autant que lui a
pu filer sur les mers d'un bout à l'autre du monde, s'attachant à une
japonaise, une turque, une basque, un matelot breton.
Si peu à son épouse légitime. Ramuntcho n'est
pas d'elle. Mais le roman est touchant.
jeudi 7 septembre 2023
Le dernier bain ~~~~ Gwenaële Robert
Charlotte Corday n'était pas la seule à vouloir faire disparaître Marat. Dans l'entonnoir qui filtre les intentions, les hasards et les circonstances pour les focaliser vers un dénouement, la jeune et belle aristocrate fut celle qui y parvint. Il faut dire qu'à ses qualités physiques elle adjoignait détermination et courage.
dimanche 27 août 2023
Fragonard, l'invention du bonheur ~~~~ Sophie Chauveau
On peut reprocher beaucoup de chose à Internet, au rang
desquelles celle de voler des heures de lecture aux surfers impénitents, mais
lorsqu'on lit la biographie d'un artiste peintre comme je viens de le faire
avec celle de Fragonard par Sophie Chauveau,
on bénit cette technologie moderne de nous donner accès à la visualisation des œuvres
de l'artiste.
Les biographies d'artistes ont quelque chose de plus que les autres. Cette même
chose qui fait d'eux des êtres inspirés, capables de capter des ondes destinées
à eux seuls et les rendre accessibles à autrui. Ça s'appelle le talent. A leur
préjudice ils sont souvent des précurseurs dans les courants de leur art et ne
trouvent malheureusement de popularité qu'à titre posthume.
Tel ne fut pas le cas de Fragonard. Il a vécu de son art. Avec d'autant plus
d'intelligence que son époque fut parmi les plus troubles de l'histoire. La
guillotine de la Terreur n'était-elle pas implantée sous ses fenêtres, ou
presque.
Tout cela nous est conté avec luxe de détails par Sophie Chauveau.
Au point d'appesantir son ouvrage de quelques longueurs. Mais l'œuvre
considérable de Fragonard ne pouvait que susciter l'épanchement devant pareil
talent. Elle qui s'est faite spécialiste des biographies d'artistes a voulu
donner corps à son ouvrage et justifier le titre qu'elle lui a conféré :
l'invention du bonheur. Bel ouvrage qui peut nous rendre qu'admiratif du
travail de recherche et documentation de son auteure.
La fille du faiseur de rois ~~~~ Philippa Gregory
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On l’aura compris avec les titres des ouvrages qu’elle a produits, dont celui-ci, la parole est aux femmes sous la plume de Philippa Gregory. Ce n’est que justice, bien tardive se dira-t-on, parvenus que nous sommes au 21eme siècle. Justice rétrospective si l’on peut dire. Bien qu’à y regarder de plus près, et Philippa Gregory nous y aide, si leur pouvoir n’était pas institué elles n’en étaient pas dépourvues pour autant. Il suffit de lire La fille du faiseur de rois pour s’en convaincre. Mais un pouvoir par influence n’est pas un vrai pouvoir, convenons-en.
Philippa Gregory s’est faite spécialiste de cette époque de l’histoire de la Grande Bretagne qui ne nous dit pas grand-chose à nous autres Français, de cette époque que quelques siècles plus tard les historiens se sont plu à désigner sous l’expression de Guerre des deux roses, friands qu’ils sont d’étiquettes lyriques, voire épiques. Période évoquant la lutte entre grandes familles, les Lancastre et les York, qui, bien qu’ayant des liens de parenté se disputaient âprement le pouvoir. Eternelle avidité qui pousse les hommes à se livrer des guerres sans merci, où l’on n’hésite pas à faire alliance avec son ennemi d’hier, dont on vient au passage de tuer la progéniture, quand les intérêts y décèlent une voie d’accès au trône. Période de l’histoire de nos deux pays qui nous confirme s’il en était besoin que nos amis anglais étaient bien nos ennemis héréditaires. Louis XI n’était pas le dernier à jeter de l’huile sur le feu. Mais surtout gardons tout cela à l’imparfait.
Sans revenir sur le contenu de cet ouvrage qui n’intéressera que l’amateur d’histoire, c’est la façon dont elle est traitée par Philippa Gregory qui a nourri ma satisfaction au fil des pages. C’est pour moi une formidable découverte que cette auteure britannique. Elle a une superbe façon d’écrire l’histoire, mais surtout de combler les lacunes que les sources de cette époque nous ont laissées. Sources d’autant plus indigentes quand il s’agit du rôle des femmes avouons-le. La romance se glisse naturellement entre les faits historiques sans les bousculer ni les trahir le moins du monde, au point de faire une parfaite symbiose entre le réel et l’imaginaire. Une touche de poésie chevaleresque rehausse l’intrigue et compense ce que les comportements ont pu injecter de méprisable dans leurs intentions et actions.
L’autre atout de cette écriture est de faire preuve d’objectivité. Dans ce qu’elle imagine de l’influence des femmes sur le cours de l’histoire, Philippa Gregory n’en dresse pas non plus un tableau idyllique. Il suffit pour s’en convaincre de lire à longueur d’ouvrage les manœuvres de la reine Elisabeth, épouse du roi Edouard IV, d’une part, et de la prétendante Anne de Neville, épouse du futur Richard III, pour se convaincre de la cruauté du combat qu’elles se sont livré à seule fin de parvenir à la consécration suprême et mettre en œuvre à leur tour le népotisme propre à installer et gratifier leurs proches.
Superbe façon d’évoquer la condition de la femme en ces
temps reculés. Superbe façon de construire un roman historique et redonner la
parole qui manque à nos livres d’histoire. Ouvrage jouissant d’un style agréable
à lire, parfaitement maîtrisé, sûr de son impact, que la traduction ne semble
pas avoir affaibli.
samedi 26 août 2023
Les mystères de Marseille ~~~~ Emile Zola
Tout ceci nous est expliqué dans les trois préfaces à l’ouvrage que comporte cette édition d’Archi Poche dont il faut saluer l’idée de remettre cet ouvrage sur l’étal des libraires : celle de Roger Martin qui intègre l’ouvrage dans le contexte de l’œuvre de Zola, puis deux de l’auteur lui-même. La première à la sortie de l’ouvrage en 1867. Il y évoque la genèse de l’ouvrage, son travail de recherche. La seconde en 1884 donc, dans laquelle il se montre très critique avec ce qui est devenu à ses yeux un exercice de jeunesse pour le moins perfectible. Il ne cache pas avoir produit un ouvrage alimentaire. A 27 ans Zola vivotait et tirait le diable par la queue. Aussi n’a-t-il pas hésité lorsqu’on lui a demandé d’écrire un feuilleton à paraître dans le Messager de Provence, un journal d’Aix-en-Provence, ce qui deviendra quelques mois plus tard la première édition des Mystères de Marseille.
« Les Mystères de Marseille rentrent pour moi dans cette besogne courante, à laquelle je me trouvais condamné. Pourquoi en rougirais-je ? Ils m’ont donné du pain à un moment les plus désespéré de mon existence. Malgré leur médiocrité irréparable, je leur en ai gardé une gratitude. »
Mais quand Zola fait du médiocre, selon lui bien sûr, cela reste consommable aux yeux du quidam moyen, au rang desquels je me place, me frottant de temps à autre aux grands du monde littéraire. La belle langue est déjà là au bout de la plume. Rendue désuète de nos jours par le seul fait du martyre que nous lui faisons subir au quotidien. Et Zola, en digne représentant du courant naturaliste, donne avec Les mystères de Marseille un avant-goût du talent à venir, de la dimension sociale de son œuvre bien ancrée dans son époque. Les personnages sont là, dans leur rusticité le plus souvent, ballotés par les péripéties de l’histoire, la grande, prêts à faire cette histoire s’il le faut aussi pour émerger de leur maigre condition. Jusqu’à faire tomber les cloisons qui les contiennent dans des classes sociales à l’avenir fermé.
C’est ce que montre déjà cet ouvrage avec les émeutes de Marseille qui ont prolongé en province la révolution de 1848 en la capitale, avec la destitution de Louis-Philippe à la clé. Et quand cette Province c’est Marseille, il y a quelque chose en plus dans ces événements. Quelque chose que Zola connaît pour avoir séjourné tout près, à Aix-en-Provence. Il y a la ferveur du sang chaud des Provençaux que cet observateur de la vie des hommes a su transcrire avec le talent qui fit son succès. C’est déjà une belle fresque de la société de son temps, même si ce maître du réalisme osant déjà quelques pointes d’idéalisme populaire affirme avoir mis quatre fois moins de temps pour écrire une page des Mystères de Marseille qu’une de Thérèse Raquin.
Votre
roman que vous taxez de médiocrité m’a bien plu monsieur Zola. Pour avoir vécu
à Marseille j’ai pu y situer les décors de l’intrigue. J’y ai appris les noms
de rue aujourd’hui rebaptisées, avec moins de bonheur. Je me suis plu dans
cette romance aux noms chantant sur fonds de concert de cigales. Je me suis plu
à lire ce talent qui germe en ces pages et dont le rapport vous a permis d’éclater
à la face du monde avec le reste de votre œuvre.