Dans ce second tome de la saga Inch'Allah, Les incursions romanesques sont anecdotiques. Cet ouvrage se présente en effet plus sous forme d'un rappel à l'histoire que d'un roman et le talent de conteur de Gilbert Sinoué s'y trouve contraint par l'implication de l'historien.
Natif de la région, en Egypte, de cette époque qui a connu l'arrivée au pouvoir
de Nasser, Gilbert
Sinoué est tout indiqué pour ce rôle. En promoteur du rapprochement
des grandes religions monothéistes, il aime se souvenir, avec une certaine
nostalgie, de l'époque où l'Egypte était un modèle de coexistence pacifique de
toutes les communautés.
Dans le cri des pierres, comme dans l'ensemble de son œuvre, Gilbert Sinoué fait
œuvre d'une grande impartialité dans l'évocation des rivalités qui opposent les
protagonistes de ce conflit entre juifs et arabes. Au gré des alternances
d'intervention au sein des chapitres, il déploie une scrupuleuse application à
faire valoir les arguments de chacun des partis. On lui pardonnera toutefois,
dans cet ouvrage, quelques traits de subjectivité qui ne font que trahir son
attachement à son pays d'origine et de ce qu'il a pu représenter pour son idéal
philosophique.
Chacun des belligérants du conflit du Moyen-Orient s'attache à prouver sa
légitimité à occuper la terre de Palestine. La démarche donne lieu à un
concours de rétrospective historique, aussi loin que les archives l'autorisent,
prolongées par l'interprétation puis par l'imaginaire, dans lequel les
protagonistes revendiquent tour à tour l'antériorité de leur présence sur ce
sol. C'est la clé d'un conflit dont la mèche a été allumée par la déclaration
Balfour en 1917.
Gilbert
Sinoué connaît bien l'histoire, les mentalité et psychologie des
peuples du Moyen-Orient. Il retrace avec dextérité leur parcours tumultueux et
regrette avec beaucoup d'amertume les faux espoirs nés du discours d'Anouar el
Sadate à la Knesset en 1977.
Mais quand la fiction prend le pas sur la réalité sous la plume de l'auteur,
c'est pour lui donner l'occasion d'échafauder une utopie qu'il voudrait
universelle : un roman d'amour entre un juif, Avram Bronstein, et une
palestinienne, Joumana Nabulsi. La tentation est trop forte pour lui de prouver
que l'amour peut venir à bout des querelles politiques et des conflits qui en
découlent. Ce couple symbolise le vœu si cher à Gilbert Sinoué de
voir Juifs et Palestiniens cohabiter sur une terre qu'ils revendiquent l'un et
l'autre. Au jour où il met un point final à ce deuxième tome, la solitude de ce
couple dans le paysage politique et dans la société civile exprime tout son
regret de voir ce conflit se perpétuer sans perspective d'issue heureuse.
Gageons qu'il aimerait mettre en chantier un troisième tome avec l'espoir pour
fil conducteur.