Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire

samedi 6 novembre 2021

Les dieux ont soif ~~~~ Anatole France


Le peuple vient de passer du joug de l'autocratie au leurre de la liberté

Les dieux ont soif. Est-il besoin de compléter la phrase pour préciser que c'est de sang dont les dieux veulent s'abreuver. le peuple transférant au mystique sa propre soif de voir tomber les têtes. Nous sommes sous la Terreur, ultime soubresaut du séisme qui vient de mettre à bas la monarchie. Et lorsque la terreur prend la majuscule elle s'attache à cette période qui a marqué l'histoire en lettres de sang, plus qu'en espoir de justice. Les comptes sont loin d'être soldés. Le peuple vient de passer du joug de l'autocratie au leurre de la liberté. Ce fol espoir a été dérobé par les appétits de pouvoir que fait naître la place laissée vacante.

La veuve rouge a son compte de suppliciés

Anatole France destine à son lecteur une fresque de cette année noire peinte au travers du vécu des petites gens. Ils viennent de tirer un trait sur ce qui s'appellera dorénavant l'Ancien Régime. Louis XVI est passé sous le rasoir national. Marie-Antoinette le suivra de peu. C'est dans ce tumulte qu'Évariste Gamelin, jeune peintre désargenté, est devenu pour satisfaire son idéal républicain juré au tribunal révolutionnaire. En cette période de décomposition de la société il siège tous les jours. Peu de peines intermédiaires résultent de ces débats expéditifs. La veuve rouge a son compte de suppliciés. Les badauds apprennent le patriotisme, prennent conscience de frontières menacées et sont assoiffés de voir tomber les ennemis de la révolution. Ils étaient peu regardant quant à la culpabilité de qui on livrait à leur vindicte.

Évariste Gamelin en arrive à se détester lui-même

Pris dans l'engrenage funeste de la politique, dont il faut bien avouer que les prises de position étaient éminemment versatiles et donc risquées, Évariste Gamelin en arrive à se détester lui-même et s'imagine ne plus être digne de l'amour des siens : sa mère sa fiancée qui lui vouent pourtant une admiration sans faille. Il est gagné au drame cornélien qui oppose son idéal républicain épris de rigueur, même s'il faut qu'elle soit sanglante, à sa sensibilité sentimentale et artistique.

nul ne savait plus dès lors à quel saint se vouer

Anatole France fait preuve d'une connaissance détaillée fort documentée - si l'on en juge par les dossier, chronologie et notes en fin d'ouvrage - de cette période dérèglée pour nous livrer un ouvrage dont l'intensité dramatique est à la hauteur du trouble qui régnait. On perçoit fort bien dans ces pages le doute qui avait envahi les esprits des petites gens au point que nul ne savait plus dès lors à quel saint se vouer pour assouvir cet appétit d'égalité et de justice qui les tenaillait, petites gens d'un peuple devenu souverain à son corps défendant. Pas plus les saints de l'église devenus parias en leur compétence que ceux à l'hystérie vengeresse nouvellement promus sur l'autel de la République ne parvenaient à apaiser les cœurs. Belle écriture aux élans épiques que celle d'Anatole France dans ce roman qui a aussi valeur de livre d'histoire tant les références sont nombreuses et authentiques.


samedi 30 octobre 2021

La chambre des dupes ~~~~ Camille Pascal

 






Camille Pascal


Ayant beaucoup aimé la lecture de son premier ouvrage L’été des quatre rois, j’ai adopté La chambre des dupes sans hésiter. Quelques trois années du règne de Louis XV y font tout le contexte de ce nouvel ouvrage de Camille Pascal. Quelques trois années au terme desquelles le souverain tomba gravement malade au point de se voir condamné par ses médecins et accablé de sanction divine par l’Église, lui reprochant sa conduite avec celle qui était devenue sa maîtresse en titre, Marie-Anne de Mailly-Nesles, marquise de la Tournelle, faite par sa faveur duchesse de Châteauroux, ville où elle ne mit jamais les pieds mais dont elle percevait les revenus.

 Si l’on juge une époque de l’histoire, celle dont il question dans cet ouvrage en particulier, avec les acquis d’aujourd’hui, on se félicitera que le rouleau compresseur de la grande révolution soit passé sur ce que les historiens ont rangé sous l’étiquète « Ancien Régime », ce temps de la monarchie qui a prévalu depuis François 1er jusqu’à cette fameuse nuit du 4 août 1789, retenue comme la date de l’abolition des privilèges. On peut étudier, expliquer, mais pas juger. Auquel cas serions-nous peut-être aussi l’objet d’une duperie, au même titre que ceux qui n’ont pas cru en la sincérité de l’amour que Louis XV portait à sa favorite, ceux encore, les hauts dignitaires de l’Église, qui avaient cru en la sincérité de son repentir à l’article de la mort, ceux enfin qui imagineraient que les pulsions de la chair puissent épargner les hauts dignitaires d’un pays au motif qu’ils doivent exemplarité à leurs administrés.

Il est vrai que nous autres lecteurs du XXIème siècle pourrions être outrés du comportement de ces gens qui, s’étant arrogé le pouvoir sous légitimation de droit divin et se revendiquant ipso facto de haute naissance, affichèrent tant de dédain à l’égard du petit peuple et ne lui tenaient de considération qu’en qualité de contribuable. Ce serait oublier qu’au titre de roi, Louis XV s’était vu, au début de son règne en tout cas et relevant de la maladie qui l’avait cloué au lit à Metz, qualifier de bien-aimé. Il fut acclamé spontanément par le petit peuple à son retour aux affaires. Petites gens qui n’ignoraient pourtant rien du faste et la luxure dans lequel se vautraient son souverain et sa cour alors qu’eux-mêmes peinaient à remplir leur assiette au quotidien.

Nos yeux d’aujourd’hui nous font nous offusquer sur le mérite dont a pu se prévaloir la noblesse à être bien née. Mérite d’en avoir aucun donc puisqu’elle n’y était pour rien. La providence ayant pourvu à son succès. En ces temps d’ignorance ou tout s’expliquait en Lui et par Lui, les contemporains des monarchies successives y voyaient donc forcément la main de Dieu. Et dans le cursus médical le prêtre, en qualité de médecin de l’âme, importait tout autant que ces messieurs de la faculté dont les soins se limitaient pratiquement à faire des saignées.

Le roi n'était pas si mal qu'il en était lui-même persuadé, et il espérait que cette comédie se terminerait bientôt. Les médecins n'étaient que des sots patentés, les princes des idiots titrés et les prêtres de faiseurs de contes.

Voici donc un fort bel ouvrage qui rappelle un monarque à sa condition de mortel et le met à l’épreuve de sa conscience lorsque sa vie est menacée. Les luttes d’influence sont âpres au chevet du prestigieux malade, on peut aimer son souverain et ne pas perdre pour autant le sens des réalités quant à la sauvegarde de ses intérêts, que chacun dira acquis de haute lutte.

Cet ouvrage a confirmé à mes yeux le plaisir que m’avait procuré le premier ouvrage que j’avais lu de la main de Camille Pascal. Les faits relatés, étant tous authentiques, font de cet ouvrage un véritable livre d’histoire lequel se lit pourtant comme un roman car rehaussé d’une écriture immersive qu’aucun anachronisme de langage ne vient entacher. Le style raffiné, avec le soupçon de dédain qui convient dans la bouche des possédants, restitue à merveille les dialogues qui avaient cours au sein de cette société dite sophistiquée au point d’en paraître précieux, et toutefois non dépourvu de verdeur. Formidable travail de rédaction qui témoigne d’un égal travail de documentation et d’une connaissance approfondie des us et coutumes en vigueur dans cette société aux cloisons étanches entre classes. Les privilèges cela se préserve d’une vigilance permanente et pointilleuse, cela se défend bec et ongles. C’est encore une fois un superbe ouvrage de la main de Camille Pascal qui a fait mon bonheur de lecteur et amateur d’histoire. Je dirigerai quant à moi ma vigilance sur ses productions futures.

Le docteur Vernage appelé à son chevet la gronda de son indiscipline et lui rappela que la complexion des femmes n'était pas de nature à supporter les inquiétudes de la politique, et  encore moins le fardeau des affaires de l'Etat, surtout lorsqu'elles étaient indisposées.

mardi 26 octobre 2021

Berthe Morisot - le secret de la femme en noir~~~~Dominique Bona

 


On peut légitimement se demander pourquoi écrire une nouvelle biographie quand sept existent déjà sur le personnage choisi. Il faut être à mon sens persuadé d'apporter quelque chose de nouveau à la connaissance du sujet en question. Si ce n'est un fait, au moins un aspect resté inexploré de la personnalité. Quelque chose que la sensibilité de l'auteur mettra à jour. Dominique Bona n'avait-elle pas trouvé dans les précédentes biographies de Berthe Morisot l'éclaircissement du mystère que le regard de celle-ci oppose à ses contemplateurs. Car c'est à n'en pas douter ce regard à la fois insondable et mélancolique qui a intrigué Dominique Bona. Regard profond, désarmant, qu'Edouard Manet a si bien reproduit chaque fois que Berthe Morisot lui a servi de modèle.

Les artistes ont tous leur part d'ombre. du fond de laquelle ils vont puiser cette limpidité que fait jaillir leur inspiration. le talent consistant à abreuver les autres à cette source confidentielle. Berthe Morisot, artiste secrète s'il en est, n'exprimait jamais mieux ses intentions que dans sa peinture. Surement pas dans le bavardage, défaut bien féminin dont elle a été préservée selon Dominique Bona. Son art dévoilait à son entourage ce qu'en femme introvertie son cœur n'exprimait qu'avec circonspection.

Elle avait en son temps le double handicap d'être une artiste avant-gardiste dans un courant pictural, l'impressionnisme, qu'il était tout autant, et d'être une femme. Au XIXème siècle la femme était vouée à la frivolité et n'existait que lorsqu'elles devenaient mère de ses enfants. Berthe Morisot n'a pas dévié du chemin qu'elle s'était tracé. Elle a voulu être femme pour elle-même, et ne séduire que par son art. Exprimer ainsi ce que sa nature profonde ne savait dire qu'au bout de ses pinceaux. Femme et artiste au XIXème siècle, deux raisons de disparaître qui lui ont donné deux raisons d'exister.

Le mot mystérieux est celui qui revient le plus souvent dans les pages de Dominique Bona à l'écriture très agréable. Berthe Morisot augmentait le mystère du féminin d'un autre, celui de l'observatrice taciturne du monde qui l'avait vu naître et avec lequel elle ne communiquait bien qu'avec son art. Les confidents en paroles et en écrits étaient rares à cette femme dont le détachement aux choses du monde pouvait paraître froideur : sa sœur Edma, le poète Mallarmé, sa fille Julie. La femme inspirée par une muse qu'elle partageait sans doute avec celui qui l'a le mieux figée sur la toile, Edouard Manet, n'aura de cesse de vouloir s'en démarquer, se singulariser, mettant en œuvre une « peinture tantôt aérienne, tantôt aquatique, qui ne tient à la terre que par un fil. » le réalisme a vécu, Berthe Morisot veut peindre le mouvement, donne du flou au trait et ouvre la porte à l'abstrait.

C'est avec une grande acuité et une forme de communion que Dominique Bona scrute ce regard et tente de découvrir qui était la femme dissimulée derrière l'artiste ô combien prolifique. Elle avait fait métier de sa passion. Dans la chaleur énigmatique de ce regard merveilleusement restituée par Edouard Manet, elle cherche les reflets dorés qui dévoileront le secret de la femme en noir, sous-titre de son ouvrage, au regard tout aussi noir tourné vers son intérieur, dans une pudeur ténébreuse et fière. Superbe biographie d'une artiste dont Manet vantera la « beauté du diable », énigmatique sans doute parce que de sa personne émanait tous les antagonismes, chaleur du regard-froideur au contact, incommodant à qui aurait voulu lire à livre ouvert dans un visage fermé à la lecture des émotions.

Cette biographie de Dominique Bona n'en est pas une de plus. Elle en est une autre. Une approche différente d'un personnage par sa sensibilité et non pas par la chronologie des événements de sa vie. Une femme cherche à en comprendre une autre dans son époque, son environnement affectif, son obsession de peindre. Un travail de documentation fouillé autant que le regard est sondé pour décoder un personnage plus cérébral que sensuel. Beau document qui établit un rapport entre femmes, une autrice et son sujet, artiste à qui sans doute le bonheur a toujours échappé dans le douloureux accomplissement de la femme-artiste.


mercredi 20 octobre 2021

Luca~~~~Franck Thilliez


Sharko et son équipe ont migré vers le nouveau 36. Le numéro a été conservé, l’adresse a changé. Le mythique quai des orfèvres a vécu. La Crim est désormais installée au 36 rue du Bastion, aux Batignolles.

La mutation pèse lourd dans les esprits. Les flics de la Crim ont aussi leur nostalgie. Le 36, l’ancien, le vrai, c’était quelque chose. Les glorieux anciens hantaient les murs. Les truands célèbres aussi. Au Bastion ni les premiers ni les seconds n’auront le code d’accès pour franchir les sas et se rappeler à la connaissance des petits nouveaux. Tout est hyper sécurisé : caméras, badges, portiques, lecteur d’empreintes, le Bastion est un concentré de technologies modernes. Fini la cavalcade dans le célèbre grand escalier de PJ, cinq étages que flics et truands ont arpentés pendant des décennies, il faut désormais prendre l’ascenseur. Seulement voilà, Sharko, les nouvelles technologies c’est pas son truc !

Et pourtant avec la nouvelle affaire qui lui tombe sur le dos, il va falloir qu’il s’y colle aux nouvelles technologies. Un fou furieux, un fortiche en ce domaine justement va leur en faire baver. Sharko n’aime pas ça. Les gens qui trafiquent les corps pour en faire des êtres numériques encore moins, mi-homme mi-robot, ça assombrit l’horizon déjà gris du paysage en chantier qu’il a sous les fenêtres de son nouveau bureau. Lui ce qu’il sait faire c’est se confronter à la part humaine de la nature du même nom. L’homme augmenté, l’homme 2.0, ça lui file le bourdon.

Luca, c’est une affaire dont les prolongements et les rebondissements n’en finissent pas. Les cadavres n’ont pas dit leur dernier mot. Les machines les font parler même quand ils sont morts. Les biohackers jouent les apprentis sorciers : intelligence artificielle, accroissement des capacités humaines, manipulations de la vie en éprouvette, conquête de l’immortalité. Sharko est précipité dans le monde des transhumanistes. Des fêlés qui lui volent ses nuits. Qui lui font regarder ses enfants avec la crainte de les voir happés par le monde de violence qu’il côtoie tous les jours, de leur voler l’espoir de nature qui a déjà disparu du paysage des Batignolles, de les priver de sa présence quand des fous lui font arpenter la ville jour et nuit. Déformation professionnelle qu’il partage désormais avec la mère des jumeaux, Lucie Hennebelle sa compagne et collègue dans le travail.

Frank Thilliez m’a encore volé une part de liberté. Son polar m’est resté collé aux mains. Difficile de m’en défaire. Je reste admiratif de cette capacité à bâtir une intrigue complexe sans perdre le fil dans l’écheveau et la mettre en page. J’allais dire admiratif de l’imagination, mais peut être tout cela n’est-il pas totalement imaginaire. Peut-être sommes-nous déjà phagocytés par la grande bulle de données, que quelques labos dans le monde travaillent déjà à faire de l’homme, corps et esprit, un matériau ductile, façonnable à volonté pour devenir ce que l’on attend de lui : un consommateur docile. Dormez en paix bonnes gens les GAFA veillent sur vous. Vous leur êtes très chers. Ils travaillent à prolonger la vie du consommateur que vous êtes. Et peut-être même mieux. Ils travaillent à faire de vous un être virtuel qui consommera même lorsque votre corps sera réduit en poussière. Le rêve, non ?


vendredi 15 octobre 2021

Une femme à Berlin~~~~Martha Hillers



Une femme à Berlin est le journal tenu par une femme retenue dans la capitale allemande dans les derniers mois de la seconde guerre mondiale alors que les troupes russes y font leur entrée. Kurt W. Marek, qui a été le premier éditeur de ce journal, évoque la froideur du témoignage qu'il avait eu sous les yeux.

Pensez donc ! Tenir un journal sous les bombardements, terrée dans la peur et la promiscuité des caves nauséabondes, le poursuivre quand son autrice est elle-même l'objet de viols par les vainqueurs du moment, bien décidés à faire endurer au peuple allemand ce qu'eux-mêmes avaient enduré. Poursuivre l'écriture de ce journal quand elle-même est sujette aux privations, la faim commandant au corps et à l'esprit, le faire dans pareilles conditions ne pouvait être possible qu'avec la ferme détermination de faire savoir et d'ouvrir son coeur à la postérité. Il fallait pour cela conserver un véritable détachement avec les événements et y trouver ce qu'elle dit elle-même - page 373 éditions Folio - « le seul fait d'écrire me demande déjà un effort, mais c'est une consolation dans ma solitude, une sorte de conversation, d'occasion de déverser tout ce que j'ai sur le cœur. »

Et s'il était encore nécessaire de redonner un peu de chaleur à ce témoignage pour l'alléger du ton journalistique qui est le sien, je citerai ce passage qui lui redonne une part d'humanité : « le plus triste pour une femme seule, c'est que chaque fois qu'elle trouve une sorte de vie de famille, elle dérange au bout d'un certain temps, elle est de trop, déplaît à l'un parce qu'elle plaît à l'autre, et qu'à la fin on l'expulse pour avoir la paix. Voilà tout de même quelques larmes qui viennent souiller ma page. »

Quelle force et volonté a-t-il fallu à cette femme, alors qu'elle venait de se faire violer dans les escaliers de son immeuble par deux brutes assoiffées de vengeance, pour vaincre sa honte, sa détresse, la haine de ses agresseurs mais aussi de ceux qui n'ont rien fait pour la secourir, quelle détermination a-t-il fallu à cette femme pour prendre son cahier, son crayon et écrire : « Je me suis redressée en prenant appui sur la marche, j'ai rassemblé mes affaires, me suis glissée le long du mur jusqu'à la porte de la cave. Sur ces entrefaites, on l'avait verrouillée de l'intérieur. Et moi : Ouvrez-moi, je suis seule, ils sont partis … Bande de salopards ! Deux fois violées, et vous claquez la porte et vous me laissez croupir là comme un tas de merde ! »

Page 337 : « Jamais, jamais un écrivain n'aurait l'idée d'inventer une chose pareille » Difficile à la fermeture de cet ouvrage d'écrire autre chose que ce qu'elle a écrit elle-même, en voulant garder l'anonymat. C'est pour cela que dans cette chronique, je ne ferai que citer trois autres passages qui m'ont particulièrement marqué :

Page 233 : « … je me demande ce qui parviendrait encore à me toucher, à m'émouvoir vraiment aujourd'hui ou demain. »

Page 310 : « Occasion de plus de constater que, quand tout s'écroule, ce sont les femmes qui tiennent le mieux le coup, et qu'elles n'attrapent pas aussi vite le vertige. »

Page 77 : « Dans les guerres d'antan, les hommes pouvaient se prévaloir du privilège de donner la mort et de la recevoir au nom de la patrie. Aujourd'hui, nous les femmes, nous partageons ce privilège. Et cela nous transforme, nous confère plus d'aplomb. A la fin de cette guerre-ci, à côté des nombreuses défaites, il y aura aussi la défaite des hommes en tant que sexe. »

Comment un tel détachement est-il possible, alors que toutes celles qui ont subi pareil sort s'enferme dans le silence de la dépression ? le viol n'était-il qu'une péripétie de la guerre, un dédommagement payé par les femmes au vainqueur en compensation des dommages subis par ce dernier du fait de celui qui était à l'origine de tout cela et que le peuple allemand a adoubé ?

Page 211 : « Et tout ça, nous le devons au Führer ».

Une femme à Berlin est un ouvrage à part. Parce que peu de témoins de tragédies comme celle-là ont eu la force de le noter dans des carnets au jour le jour. Même après le pire. Parce que cette femme témoigne sans s'exonérer, faisant partie du peuple allemand, d'une part de responsabilité de cette guerre, s'étant laissé embarquer sans en mesurer la portée par celui qui en était l'initiateur. Parce que cette femme conserve tout au long de son récit la plus grande pudeur et ne cherche surtout pas l'apitoiement. Parce que cette femme n'a pas voulu faire de ce journal une source de revenu. C'est un témoignage « gratuit » des horreurs de la guerre, laissé à la postérité. La postérité étant ces hommes et femmes qui constituent l'humanité, libres à eux d'en tirer les enseignements qu'ils jugeront bon de faire. Mais rien n'étant gratuit en ce bas-monde, c'est un témoignage qu'elle a payé avec ses souffrances et sa dignité.


mercredi 6 octobre 2021

Balzac et la petite tailleuse chinoise ~~~~ Dia Sijie

 


C'est un ouvrage très autobiographique que nous adresse Dai Sijie avec Balzac et la petite tailleuse chinoise. Il a bien connu cette période de l'histoire de la Chine restée inscrite sous le nom de révolution culturelle. Il en a été la victime. Période catastrophique pour le pays qui a connu la fermeture de ses universités et l'exil de ses intellectuels - catégorie de la population qualifiée de bourgeoise et ennemie de la révolution - vers les campagnes pour leur rééducation par le prolétariat paysan.

On comprend alors que ce narrateur intervenant à la première personne et dont on ne connaîtra pas le nom ne peut être que l'auteur lui-même. Dans le dénuement qui leur fut imposé, à lui et son ami Luo, comme à tous ceux qui ont subi cette humiliation, ce qui leur pesait le plus n'était pas tant la dépossession de leurs biens que la privation de l'accès à la culture. Culture occidentale en particulier, jugée perverse et contraire à l'esprit d'une révolution engagée sous la vigilance des gardes rouges.

Aussi, lorsqu'ils apprennent qu'un exilé comme eux a réussi à soustraire à la vigilance de leurs rééducateurs une valise contenant des ouvrages d'auteurs classiques, dont Balzac, cette dernière devient un graal à conquérir. Cette perspective leur donne toutes les hardiesses pour étancher ce qui était devenu une soif irrépressible : lire. Lire autre chose que la littérature autorisée à dominante politique, au premier rang de laquelle le petit livre rouge de Mao. Ils sont prêts à toutes les ruses pour y parvenir, avec la pleine conscience des risques qu'ils prennent à la transgression de l'interdit. La révolution culturelle a fait son lot de victimes dont le nombre est à l'échelle de la population chinoise.

Les deux amis n'ont plus qu'une obsession : s'abreuver à cette source qu'est à leurs yeux la valise contenant les livres interdits. Et en partager le bienfait avec celle qui a conquis leur coeur : la petite tailleuse chinoise. Dai Sijie fait alors de cet ouvrage une forme de conte qui donne une certaine légèreté à l'entreprise de nos deux jeunes assoiffés, même si l'insouciance devient inconscience. Lire les auteurs classiques devient pour eux comme une respiration, une bouffée d'oxygène qui vient éclaircir ce brouillard d'obscurantisme que le système répressif a répandu sur le pays.

J'ai reconnu l'écriture moderne et accessible qui m'avait conquis avec L'évangile selon Yong Sheng du même auteur. Elle évoque sans ambages cette période sombre de l'histoire de la Chine. Une écriture sage, sans violence, qui ne sombre pas dans le discours politique pour dire le désarroi de l'opprimé mais fait comprendre que l'accès à la connaissance est une nourriture tout aussi essentielle que celle qui remplit l'estomac. Un bien bel ouvrage.


jeudi 30 septembre 2021

Le jeune homme au bras fantôme~~~~Hélène Bonafous-Murat

 




Dans le roman historique l'imagination est un liant qui agglomère les faits que l'histoire a laissés à notre connaissance. Au gré de l'auteur de donner à son intrigue la tournure que ne contrediront pas ces derniers. Hélène Bonafous-Murat se livre à cet exercice avec bonheur dans ce second roman historique de son cru. J'avais particulièrement apprécié La Caravane du Pape de sa main, le jeune homme au bras fantôme confirme le succès à mes yeux, tenant cette fois son intrigue entre deuxième république et second empire.

Dans ce roman au titre bien inspiré si le point de départ de l'intrigue est fidèle à un fait avéré, ainsi que l'autrice le précise en note de fin, il prend une tournure résolument plus optimiste que celle de la vie réelle de son héros. Après l'abattement qui n'a pas manqué de réduire le jeune homme amputé d'un bras lors d'une répression aveugle des troupes du Préfet, la chance aidant, ce dernier parvient à se construire vies professionnelle et affective porteuses d'espoir. L'espoir en ces temps de classes très cloisonnées étant surtout fruits du labeur et de volonté, voire aussi de malice. La chance étant dûment contingentée par les codes sociaux et moraux en vigueur.

La force de pareille œuvre est sa capacité à transporter son lecteur en des temps et lieux qu'il n'a pu qu'effleurer selon son assiduité en classe d'histoire. La mise en ambiance et situation est réussie avec cet ouvrage. Il dresse une fresque fidèle d'une Europe en pleine révolution industrielle avec ses acteurs de progrès mais aussi ses profiteurs et laissés pour compte. Un roman qui sent le cuir, l'encre d'imprimerie, les petites boutiques au comptoir en bois et fonds d'ateliers obscurs où l'on ne comptait pas ses heures pour boucler les fins de mois.

Au jeune homme au bras fantôme - jolie formule pour éluder le triste sort du manchot - il fallait une bonne dose d'intuition et de volonté pour espérer survivre et se construire un avenir. Hélène Bonafous-Murat a fait ce pari, cela donne une belle dynamique au roman sur fond de lutte des classes et espoir en le progrès industriel dans notre France du XIXème siècle. Un roman historique intéressant et crédible dont l'écriture n'est en rien empesée par les us et coutumes de l'époque. Une belle réussite.


samedi 11 septembre 2021

La redoutable veuve Mozart ~~~~ Isabelle Duquesnoy



 
J'ai décidemment un faible pour le style d'Isabelle Duquesnoy. J'aime sa spontanéité, sa verdeur dans le langage. Cela confère affirmation et truculence à ses personnages, de ceux qui ne se laissent pas marcher sur les pieds. Encore faut-il que je fasse la part des choses entre sa propre écriture et les propos qu'elle leur prête. Mais certainement les choisit-elle sachant les voir s'imposer à leur entourage par la seule force du verbe.

Ascendant qu'elle a exercé en premier lieu sur les deux fils qui lui sont restés des six enfants qu'elle avait mis au monde. Au point de les étouffer à les vouloir perpétuer le génie de leur père. « Voilà des années que tu me fais ployer devant le spectre de mon père, que tu compares ma musique à la sienne, que tu relèves sur mon visage les traces de sa figure » lui jeta à la figure le cadet de ses enfants survivants, excédé qu'il fut par la pression que lui appliquait sa mère.

Question caractère, avec la veuve Mozart on est servi. le personnage n'envoie pas dire par autrui ce qu'il a sur le coeur. Elle a survécu cinquante ans à son époux adulé. Celui dont elle revendiquait la jalouse propriété en en parlant jamais autrement qu'en l'appelant « Mon Mozart ». Surtout lorsqu'elle se heurtait à sa belle-famille, sans doute méprisante de l'alliance qui ne permit pas à Wolgang de mettre un pied dans la haute société. Constanze a consacré sa vie à entretenir sa mémoire et beaucoup plus que cela même, à lui bâtir la popularité que ses contemporains lui avaient boudée. Qui pourrait croire, connaissant aujourd'hui la renommée de ce génie de la musique, que Mozart est mort endetté jusqu'au cou.

Mozart serait-il tombé dans l'oubli si son épouse n'avait consacré le restant de ses jours à remuer ciel et terre pour faire valoir son génie. « Vienne ouvre ses bras mais ne le referme jamais. » Mozart a été inhumé à la fosse commune. Et remuer la terre Constanze l'a fait, des nuits entières à creuser le sol pour exhumer les restes de « son Mozart » et lui donner la sépulture qu'à ses yeux il méritait.

L'opiniâtre mère n'a jamais baissé les bras pour faire éclater le génie de son époux trop tôt disparu à trente-cinq ans. Elle a laissé en héritage à ses enfants, outre l'aisance financière qu'elle avait eu l'intelligence de constituer, la gloire d'un compositeur dont le talent est de nos jours une évidence. Des statues, des noms de places et de rues, une fondation, des festivals, un Mozart joué par les plus grands tant qu'il y aura des pianos et des violons : « La popularité universelle de Mozart, c'est moi » pouvait-elle se glorifier. À juste titre.

On se convainc à la lecture de cet ouvrage que cet acharnement n'était pas appropriation. Tant Constanze était imprégnée du génie de son époux et déçue de l'avoir vu partir dans la quasi indifférence de ses contemporains. Sans doute en seule motivation qu'il n'était pas noble. Les seuls dont on pouvait orner la sépulture de croix et plaque. Mozart à la fosse commune. Qui pourrait l'envisager aujourd'hui ? Époque maudite où les honneurs étaient dictés par le mérite d'être « bien né ». Quel beau mérite !

Constanze a consacré sa vie à rendre justice à celui qu'elle n'avait pas aimé pour son seul talent. Isabelle Duquesnoy nous apprend la sincérité de son amour pour l'homme. Elle nous dresse le portrait d'un homme simple, lui aussi original, facétieux et tout entier versé à son art.

Cet ouvrage m'a comblé. J'aime la façon qu'a cette auteure de nous embarquer dans le tourbillon d'une femme de caractère, une femme amoureuse, décidée à faire rendre gorge à ses pleutres de Viennois qui avaient dédaigné son époux de son vivant jusqu'à le laisser enterrer comme un gueux. Autant que son génie, c'est justice qu'elle voulait rendre à son époux. C'est le cadeau qu'elle fit à la postérité. Cadeau à ses inconditionnels de tous les temps qui de noblesse ne reconnaissent que celle du talent.


mardi 7 septembre 2021

Là où chantent les écrevisses ~~~~ Delia Owens

Voilà un ouvrage qui jouit d'une cote exceptionnelle sur Babelio et pas seulement. Il n'est ni plus ni moins que deuxième des meilleures ventes en poche après son succès en édition originale. Il ne m'a cependant pas touché à hauteur de cette cote, sans toutefois me déplaire. de la même façon que les amitiés ne se transmettent pas, l'engouement inconditionnel ne m'a pas gagné. Il y a entre un ouvrage et un lecteur une alchimie complexe qui s'apparente à l'inclination entre les êtres. J'ai bien peur que les lecteurs aient donné leur satisfécit en forme de soutien à la jeune fille abandonnée et rejetée par tous, plutôt qu'à la qualité de l'ouvrage proprement dite. Une forme de compassion orchestrée en rachat du comportement d'une société indigne. L'intrigue y est à mon goût très artificiellement construite et proche du naufrage dans le pathétique dégoulinant, en tout cas dans sa première partie. La phase qui concerne l'enquête sur la mort de Chase Andrews, l'accusation, le procès et l'épilogue sauvent l'ouvrage du misérabilisme définitif. La chute est surprenante et a quelque peu racheté l'ouvrage à mes yeux.

C'est le propre du genre romanesque que de s'affranchir du crédible pour se focaliser sur l'essentiel : la stimulation des émotions. Mais à trop vouloir en faire on aboutit à l'effet contraire, au risque de perdre en empathie pour un personnage lequel attire sur lui, il faut bien le reconnaître, tous les malheurs de la vie terrestre. L'auteure en fait une victime expiatoire de la forfaiture des autres, sans évidemment la moindre part de responsabilité de l'infortune qu'elle endosse à son corps défendant.

Mais à trop piétiner l'innocence, faisant de Kya une sauvageonne recluse en sa cabane avec la sollicitude des seuls animaux du marais, l'auteure s'est rendue compte à un moment qu'il fallait justifier le mauvais sort qui lui était réservé. Elle tente alors un rétro pédalage à faire admettre au lecteur qu'une mère puisse abandonner ses enfants répondant ainsi à une sourde prédisposition de toute espèce à transmettre ses gènes coûte que coûte, y compris en sacrifiant une génération. C'est assez indigeste.

La vie de la pauvre Kya est une surenchère d'atteinte à l'intégrité affective de la toute jeune fille, histoire de bien enfoncer le clou de la commisération : abandon, solitude, rejet, trahison amoureuse et pour finir, accusation de meurtre. Acharnement opiniâtre du sort. Heureusement que le bon Jumping est là pour éclaircir le tableau. Sauf que dans cette Amérique raciste des années 60 il est noir et ma foi fort démuni pour défendre le cas de la jeune Kya auprès de ses congénères blancs. le tableau resterait désespérément sombre si ce n'était quelques coups de baguette magique qui promeuvent la sauvageonne en naturaliste, artiste, auteur de renom.

La deuxième partie est plus crédible parce que moins nécessairement sordide. le suspense reprend ses droits. La justice suit son cours. L'avocat est vertueux et compétent. Avec la tenue d'un procès à l'américaine - objection votre honneur la question est tendancieuse et propre à orienter la réponse du témoin. Objection rejetée, poursuivez monsieur l'avocat général – le réalisme reprend ses droits. Anxiété de l'attente du verdict.

Alors bien sûr, il y a l'ode à la nature. Unanimement saluée à juste titre. C'est le côté terre nourricière savamment dépeint. Joliment dépeint. La poésie est au rendez-vous. Il contrebalance efficacement la dérive artificielle de l'intrigue. C'est la vie du marais. Avec Kya on hume les senteurs, on entend les bruissements animaux, le clapotis de l'eau, on ressent humidité et fraîcheur de l'aube. On voit le soleil percer les brumes sur le marais. La faune s'éveille. Les nocturnes se terrent jusqu'à la nuit prochaine. On se perd dans le marais avec délice, quand on est sûr de passer la nuit à l'abri. On fait confiance à la jeune Kya pour nous conduire à ses lieux d'intérêt, de fuite, de dissimulation, d'observation, de communion avec la nature. C'est le bon aspect du roman. Il est réussi. Il est inspirant.

Un roman de valeur inégale selon moi. Il perd à mes yeux une partie de son âme à vouloir forcer le trait de l'émouvant. La jeune Kya devient un bouc émissaire de commisération, elle y perd en humanité. C'est dommage parce que l'aspect communion avec la nature est plutôt réussi.


jeudi 2 septembre 2021

Une chambre à soi~~~~Virginia Woolf



Nous y voilà ! Enfin presque. En 1928 Virginia Woolf prédit que « dans cent ans les femmes auront cessé d'être un sexe protégé ». Protégé, à comprendre d'après ce que je viens de lire dans le sens de dominé. Je n'en suis guère étonné. Après Simone de BeauvoirBenoîte Groult, je poursuis mon parcours de découverte du combat féministe. Dernière expression que j'ai envie de convertir en combat égalitaire. Tant celles précitées n'ont eu de cesse de vouloir gommer la différenciation sexuelle pour que la femme trouve dans la société la juste place qui lui est due. Abolir toute hiérarchie de genre et devenir des égales. Ni plus ni moins.

C'est donc un espoir que formule Virginia Woolf dans Une Chambre à soi. Un espoir qui se dévoile au creux de ce pamphlet, lequel délivre aussi son lot de ressentiments. Un espoir timide et fragile comme la flamme d'une bougie dans le vent. C'est tout naturellement en sa qualité de femme de lettre que Virginia Woolf se penche sur le sort de la femme au travers du prisme de la production littéraire. Au XIXème siècle les femmes commencent seulement à se faire connaître en littérature. Bien sûr il y a eu au cours des siècles précédents des Jane AustenGeorge Eliot, Anne Finch, et autres sœurs Brontë pour ce qui est de la littérature britannique, mais Virginia Woolf clame haut et fort que le talent qu'elles ont déployé eut été décuplé si ces dames avaient disposé d'une chambre à soi. Expression choisie pour décrire les difficultés qu'ont eu ces auteures à faire éclater leur génie, tant les conditions matérielles, de temps mais surtout de solitude indispensable pour accueillir le fluide pur de l'inspiration leur étaient comptées. Jane Austen écrivait dans la pièce commune et cachait ses manuscrits à la vue des importuns. Se faire éditer était une autre difficulté. À l'indifférence, au mépris se substituait cette fois l'hostilité de la gente masculine qui maîtrisait le monde de l'édition. Virginia Woolf propose de relire Jane Austen en scrutant ces pans de talent qui ont été contraints. Allant jusqu'à conclure « Que pouvait-elle faire d'autre que mourir jeune, déformée et contrariée. »

Ce qui lui fait extrapoler que, la moitié du genre humain ayant été décrétée inférieure par nature, la femme de classe moyenne n'existe pas dans l'histoire. Citant Périclès pérorant que « la gloire pour une femme est que l'on ne parle pas d'elle. » C'est donc à une acrimonie rétrospective à laquelle se livre Virginia Woolf, s'inscrivant à la liste de celle qui ont eu le cran de critiquer le sort qui leur était réservé, parfois au prix de leur vie. Olympe de Gouge : « si une femme peut monter à l'échafaud, elle doit avoir le droit de monter à la tribune. »

Une lueur d'espoir donc dans l'esprit de Virginia Woolf lorsqu'elle écrit Une chambre à soi en ce tout début de XXème siècle. Y sommes-nous donc en 2021 ? Sur les 94 ouvrages dont Babelio dresse la liste pour cette rentrée littéraire, j'en ai compté 40 qui sont l'œuvre de femmes. 40 qui ont donc trouvé une chambre à soi pour s'isoler et donner libre cours à leur talent. Gageons qu'à la rentrée littéraire de 2029 on s'approche de la parité dans le domaine de l'édition. L'espoir de Virginia Woolf semble avoir été visionnaire en tout cas pour le temps nécessaire au rétablissement de l'équilibre. Quant aux domaines de la parité en politique, de l'égalité des salaires dans le milieu professionnel, de la répartition des tâches ménagères dans le couple, ce sont là d'autres sujets qu'il conviendra d'aborder après la rentrée littéraire de 2029. Une chose après l'autre. (Hum, hum...!)