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mercredi 1 juin 2022

Les oubliés ~~~~ John Grisham


 

Dans les couloirs de la mort aux USA, il est des condamnés qui sont victimes d'erreur judiciaire. Cullen Post, avocat et ancien pasteur de l'église épiscopale, a décidé de vouer sa vie à ces oubliés. Oubliés parce que la justice n'aime pas se renier. Une fois le verdict rendu, il est plus confortable pour l'institution d'attendre que les recours s'épuisent et que la sentence s'exécute. Lui faire reconnaître ses fourvoiements est un chemin semé d'embuches, souvent lourd de menace.

Lorsque Cullen Post s'est convaincu de l'innocence de Quincy Miller condamné pour le meurtre d'un avocat en vue. Avec la petite association qu'il dirige il déploiera toute son énergie à faire admettre l'erreur judiciaire. Dût-il se mettre en danger face à ceux qu'il dérangera tant dans la police corrompue que dans les cartels de la drogue.

Avec l'excellente traduction de Dominique Defert, grâce à qui les idiômes américains ont trouvé leur juste transposition dans notre langue, je découvre l'écriture de John Grisham. Elle est accessible et agréable pour traiter de ce sujet si lourd. Un roman aux confins du polar qui nous fait découvrir les arcanes du système judiciaire américain, les écueils de la corruption et le chemin chaotique et incertain qu'est la sauvegarde d'un innocent. Ce roman est passionnant. Je n'hésiterai pas à lire un autre Grisham.


mardi 31 mai 2022

L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux ~~~~ Nicholas Evans



J'ai longtemps hésité à lire cet ouvrage. J'avais trop peur de me rendre spectateur de séances de thérapie douce entre l'homme et l'animal. Mais je me suis rendu compte à la lecture de cet ouvrage qu'il est aussi et surtout une histoire d'amour et que l'homme qui murmure à l'oreille des chevaux sait aussi le faire à celle des dames. Et que la sauvegarde de l'animal blessé pourrait bien mettre en péril celle d'un ménage jusque-là harmonieux.

La morale de l'Amérique puritaine saura-t-elle faire valoir ses droits ? Je connais désormais le dénouement de ce roman que j'ai apprécié dans toutes ses pages. J'ai désormais hâte de rattraper mon retard et voir ce que le cinéma a fait de son adaptation avec Robert Redford, séducteur s'il en est.

 

L'amour au temps du choléra ~~~~ Gabriel Garcia Marquez


L'amour au temps du choléra aurait pu s'intituler l'amour à l'épreuve du temps. Car c'est bien longueur de temps que nous fait vivre Gabriel Garcia Marquez avec ce roman d'une incroyable densité romanesque. L'amour serait-il lui aussi une maladie, comme le choléra, une menace sur la vie des gens.

Amour à l'épreuve du temps, mais aussi du qu'en-dira-t-on. Quand d'aucuns voudraient prétendre qu'à partir d'un certain âge l'amour devient indécent. Amour à l'épreuve de l'assiduité du lecteur aussi, de la part d'un auteur qui veut le faire s'imprégner de l'alanguissement du soupirant éconduit. Il faudra au lecteur à la fois affronter la vie d'un couple légitime livré à son quotidien dont on sait combien il est un tue-l'amour et endurer l'attente résignée d'un amoureux qui ronge son frein.

Mais le style est là pour soutenir l'intérêt quand les événements se font désirer pour relancer l'intrigue. L'écriture de l'auteur nobelisé est là avec toute sa puissance au service de l'oeuvre romanesque. Une écriture sûre de son fait, érudite tout en restant accessible. Une écriture d'une remarquable précision qui dissèque les caractères, analyse les émotions et livre au lecteur l'intimité de ses personnages ainsi mise à nue. Véritable effeuillage psychique qui dévoile leur palette sentimentale à l'épreuve des codes moraux d'une société dans son époque. Comme un écorché de psychologie humaine pour nous faire endurer une vie d'asservissement à la passion.

Avec L'amour au temps du choléra on n'est pas aux confins du fantastique comme dans Cent ans de solitude, on est au plus profond de l'être, à tenter de palper ce secret qui fait qu'une personne s'éprend d'une autre. Amour indifférent à l'érosion du temps. Attendant son heure, même si dans la bonne société en ce début de XXème siècle il fait détourner le regard lorsqu'il s'expose dans la grande maturité. L'alanguissement ne décourage pas son lecteur lorsqu'il est soutenu par la formidable écriture de Gabriel Garcia Marquez.


mardi 3 mai 2022

Alexandre le Grand ~~~~ Joël Schmitt


 

Douze ans de règne seulement. Et pourtant une trace indélébile dans l'histoire. Au point d'inspirer tout ce que la terre a compté d'affamés de pouvoir après lui, à vouloir eux-aussi graver leur nom dans l'histoire.

Certes, il n'y est pas allé de main morte. Douze ans de règne qui ont été douze ans de conquêtes. Loin vers l'orient qu'aucune carte ne répertoriait alors. Connaissant pourtant l'existence de l'Inde qu'il convoitait, avec sa côte sur l'Océan indien et l'ouverture sur un autre monde. Mais une certaine forme d'intelligence stratégique lui a fait comprendre que c'était trop. En tout cas trop tôt. Son sens supérieur de maîtrise des peuples lui a fait entendre qu'il fallait consolider son pouvoir sur les contrées conquises à marche forcée et rabattre les prétentions de ceux laissés derrière lui à la gouvernance de provinces et montrant déjà quelques signes d'indépendance.

Alexandre (356 - 323 av. J.-C), fils de Philippe II de Macédoine est devenu Alexandre le grand et le restera tant que l’Histoire colportera aux hommes les épopées de leurs ancêtres. Tant qu'il y aura des historiens tel Joël Schmidt pour nous en faire bénéficier. Avec la précision avec laquelle il le fait. C'est ce qui m'a interpelé dans cet ouvrage.

J'ai le souvenir récent de la biographie de Théodora par Virginie Girod laquelle ne comptait pratiquement que sur un auteur contemporain, Procope de Césarée, pour témoigner de la vie de cette femme politique devenue à cause de ce manque de témoins fiables autant légendaire qu'historiquement attestée. Elle vécut pourtant quelques huit siècles après Alexandre de Macédoine. Et comparativement, la vie d'Alexandre le grand est relatée dans un détail foisonnant par pléthore de témoignages que Joël Schmidt a rassemblés dans cet ouvrage des plus complet.

Encore que, en parlant de témoignages, faut-il préciser que les originaux ayant disparu pour la plupart, ceux-ci sont relatés par des propos et rapports décalés, de ceux-là même qui sont de nature à forger des mythes. Il n'en reste pas moins que nombre de contemporains d'Alexandre – Ptolémée 1er, l'un de ses principaux généraux, Aristobule de Cassandreias, historien, Callisthène son historiographe officiel, Clitarque d'Alexandrie, historien et rhéteur – pour ne citer qu'eux, ont écrit sur celui qu'ils portaient aux nues. On peut donc affirmer que s'agissant d'un conquérant exceptionnel, non seulement de bravoure guerrière mais aussi d'intelligence politique, Alexandre le Grand a certainement été mieux servi par ses contemporains en termes de réputation que Théodora. Elle avait en effet le double tort d'être de basse extraction et femme se mêlant de politique en une époque où son sexe ne l'eut prédestiné qu'à la perpétuation d'une lignée monarchique et au plaisir des yeux, si ce n'est aux plaisirs tout courts.

C'est un ouvrage étonnamment précis et complet que nous adresse Joël Schmidt sur la vie de ce monarque qui n'aura pas usé sa culotte sur son trône macédonien, tant il fut à poursuivre et finalement déchoir Darius III, le dernier roi de l'empire perse, et à maîtriser ses peuplades affiliées. Alexandre le grand doit son qualificatif mythique aussi bien à son érudition, son sens stratégique et politique qu'à sa grandeur d'âme et sa qualité de meneur d'hommes et parfois aussi sa cruauté de despote. Bien convaincu qu'il était que toute bonne gestion des affaires humaines sait faire usage de la carotte autant que du bâton. C'est ce que nous laisse bien comprendre Joël Schmidt. La question étant de savoir quelle longévité eut pu être celle d'un empire aussi vaste sous la férule d'un homme à l'ambition hypertrophiée si la maladie ne l'avait emporté à trente trois ans. Une biographie qui est une véritable cavalcade dans le grand orient dont on à peine à imaginer qu'elle pût se faire au pas du fantassin.

Ceux qui l'ont voulu pour modèle ont pu se rendre compte que n'est pas Alexandre qui veut. A jouer sur la partition qui va de la plus grande rigueur à la plus intelligente magnanimité. Chef de guerre incarné, à se battre au premier rang et galvaniser ses troupes puis régenter les pays conquis et fonder nombre de cités dont la plus célèbre, Alexandrie, abritera la grande bibliothèque de l'Antiquité à l'initiative de son fidèle Ptolémée, récompensé et devenu roi d'Egypte. Belle façon de rendre hommage à conquérant mentor qui était aussi un érudit.


dimanche 24 avril 2022

Lettres a Lucilius ~~~~ Sénèque



 « Que d'objets nous achetons parce que d'autres les ont achetés, parce qu'on les voit chez tout le monde ou presque ! L'une des causes de nos malheurs est que nous vivons en prenant exemple sur autrui : nous ne nous réglons pas sur la Raison, mais nous laissons détourner par les usages. »

A lire cette citation on se dit qu'il s'agit d'une réflexion de quelque observateur bien contemporain de nos coutumes consuméristes. Il faut alors que je détrompe le lecteur de ces lignes en lui dévoiler que cette citation est tirée de la lettre CXXIII, que Sénèque adressa à son ami Lucilius dans les années 60 (tout court) de notre ère. Peu de temps avant que son élève pour le moins turbulent, le bien Nommé Néron, empereur de Rome de 54 à 68 après JC, ne lui suggère de se suicider.

Cette citation, que deux millénaires nous séparent de son auteur, nous fait dire que peu de choses ont changé en ce bas monde depuis qu'il est peuplé de bipèdes investis par l'intelligence. Intelligents peut-être, mais quand même pas suffisamment accessibles à la Raison, qui pour le coup sous le stylet de Sénèque prend la majuscule tant elle est haussée au pinacle du comportement intellectuel. Faculté de l'Être pensant prônée par le philosophe pour faire contrepoids à celle prônée par le dévot : la Croyance.

Raison contre Croyance, pour une finalité toutefois identique : venir au secours de l'Être pensant contre l'obsession de sa finitude. Apprivoiser l'idée de la mort. L'idée, nous dit Sénèque, étant plus assassine que la mort elle-même. Figurez-vous, nous dit-il, qu'il en est qui se donnent la mort pour se libérer de l'idée de la mort. Un comble.

A lire des textes de philosophes antiques, les éminents qui ont pignons sur rue en la matière tel Sénèque, il faut s'attendre à aborder ces questions essentielles telles que, outre la plus fondamentale de toutes qu'est la vie et son issue, le bonheur, les plaisirs terrestres, le rationnel et l'irrationnel, le vice et la vertu, l'amitié, la sagesse, la maladie, la douleur, et tant d'autres réflexions que Sénèque adressa à son ami Lucilius dans ses lettres dont les copies sont miraculeusement parvenues jusqu'à nous, et certaines retranscrites dans cet ouvrage de la collection Agora chez Pocket.

Même si « la philosophie n'est point un art fait pour plaire à la foule » selon Sénèque dans sa lettre XVI, son discours est empreint de simplicité dans le langage et accessible au vulgaire, dont je suis un digne représentant, grâce la traduction qui nous est offerte par cette collection. Il est bien clair que sans ce travail de latiniste patenté, mes universités dissipées me rendraient la parole du célèbre rhéteur inabordable. Il est bien clair aussi que pour les disciples d'Epicure que nous sommes devenus par facilité de préférence au discours du sage lequel veut nous éloigner des plaisirs du corps, le discours d'un Sénèque peut sembler rébarbatif. Mais l'âge venant et l'idée de la fin obsédant conduisent les uns à se rapprocher de l'autel du mystique, les autres à avoir recours à la Raison.

Il est quand même un sujet sur lequel on ne le suivra pas le grand Sénèque, lequel a joint le geste à la parole, quand il nous dit qu'il vaut mieux se donner une fin honorable plutôt que de vivre dans la mésestime de soi. Une chose que l'on doit ajouter au crédit de notre époque, outre les crèmes anti rides pour satisfaire notre narcissisme, est le recours aux psychologue et anti dépresseurs, à défaut du philosophe plus culpabilisant à notre goût, pour nous aider à supporter nos humeurs chagrines. Autre temps autre mœurs même si « que d'objets nous achetons parce que d'autres les ont achetés. » etc… etc…

mardi 15 mars 2022

La tente rouge ~~~~ Anita Diamant


Est-ce la réécriture d'une page de l'Ancien Testament que nous propose Anita Diamant ? A-t-elle voulu en finir avec le silence assourdissant des femmes dans les textes bibliques ? Anita Diamant ne veut-elle plus que les femmes existent en tant que fille de…, soeur de…, épouse de… ? le temps est venu depuis la Genèse qui à Eve impute la faute originelle, depuis que la parole des hommes s'est substituée à celle de Dieu dans la Bible, le temps est venu pour que le rôle de la femme dépasse le cercle de la famille et apparaisse enfin en société, où depuis l'aube des temps ne se trouvent que des hommes.

La tente rouge n'est pas seulement le lieu où la fille devient femme, où la femme devient mère, La Tente rouge est le siège d'un secret. Secret inaccessible à la constitution physiologique et mentale de son congénère mâle, ce fameux « continent noir » dont certains attribuent la paternité de l'expression à Freud, en évocation de ce jardin réservé qu'est la féminité. Secret que l'homme a voulu circonscrire, de peur qu'il ne rivalise avec sa condition propre. La masculinité ne faisant l'objet d'aucune mention tant elle est évidente.

Pour sortir du cercle restreint dans lequel a voulu l'enfermer son congénère mâle, Anita Diamant a choisi de donner la parole à l'une d'elle : Dina. Elle est bien sûr fille de…, soeur de…, mais quand elle a voulu devenir la femme de…, de celui qu'elle avait osé choisir par amour faisant ainsi valoir son droit au bonheur, il s'en est trouvé dans sa propre famille pour la rabaisser à son statut imposé d'être obéissant et silencieux. Anita Diamant a donc choisi de réhabiliter la personne qui a vécu en son corps de femme. C'est sa mémoire qui intervient dans cet ouvrage.

Ainsi affranchie par ce procédé narratif des contingences terrestres et des lois dictées par l'autre sexe, libérée des peurs et des convoitises, la mémoire de Dina nous dit ce qu'a été sa vie et celles de ses consœurs en ces temps bibliques alors que la nature humaine vivait en symbiose avec la nature tout court. Invoquant dieux et déesses qu'elles concevaient à la mesure de leurs peurs et leurs espérances, en cette époque non encore assujettie au monopole d'un seul dieu. N'imaginant pas encore être libérées de la tutelle de ceux qui les réduisaient au rôle de mère de leur progéniture, de préférence mâle.

En cette période de l'histoire de l'humanité où s'écrit de qui deviendra le Livre, préparant les esprits au sexisme des textes bibliques, faisant table rase d'une mythologie somme toute plus favorable au genre féminin – ce ne sont ni Athéna ni Héra et autres consœurs de l'Olympe qui le contrediront – même si ce n'est pas la Bible des femmes que nous propose Anita Diamant c'est en tout cas le point de vue féminin qu'elle fait émerger de la tente rouge, dans laquelle elles ne sont ni impures ni blâmables. Une façon de combattre la subjectivité historique instituée en parole divine. Redonner aux femmes leur histoire. Redonner les femmes à l'Histoire.

La tente rouge est à n'en pas douter un ouvrage qui trouve aujourd'hui un écho singulier, lui conférant valeur intemporelle. Il a fait sa popularité de bouche à oreille et convaincu nombre de lecteurs dont on ne dit pas combien étaient des lectrices. Je me suis glissé dans ce nombre et me suis satisfait de cette initiative, de son originalité, y faisant intervenir le point de vue rétrospectif de celles dont l'influence dans le cours de l'histoire est occultée. De peur sans doute de s'entendre confirmer que c'est elles qui construisent le monde quand son congénère mâle n'a de cesse de le mettre à mal.

Il était une lettre ~~~~ Kathryn Hughes


Plus ambassadrice qu'avocate de la cause féminine, Kathryn Hughes construit un roman dans lequel elle fait se croiser les destinées de deux femmes auxquelles le bonheur s'est trop longtemps refusé. Deux époques, deux générations, deux souffrances.

A la veille de la seconde guerre mondiale il est encore déshonorant pour une famille d'apprendre la grossesse d'une de ses filles hors mariage. Y compris si le responsable de cet état, puisqu'il faut l'appeler ainsi dans pareil contexte, veut assumer sa charge nouvelle de père. En intention en tout cas pour ce qui concerne l'intrigue de ce roman. Christina, fille d'une famille de Manchester dont le père est un médecin respecté, ayant fauté sera donc écartée par lui de sa famille. Son enfant confié à l'adoption à l'âge de trois ans auprès d'une famille américaine, aux grands chagrin et désespoir de sa mère.

Dans les années soixante-dix, Tina, jeune épouse sans enfant, trouve cette lettre dans laquelle un homme déclare à son amante vouloir être un bon mari et un bon père. Tina s'interroge sur le devenir de cette lettre qui semble n'être pas parvenue à destination. Elle-même sous la coupe d'un mari violent et manipulateur trouve dans cette lettre matière à se divertir de sa propre souffrance. Autant que la tyrannie de son mari le lui autorise, elle se met au défi de trouver les correspondants que cette lettre semble ne pas avoir réunis.

Ni accusateur ni empesé de mièvrerie, cet ouvrage se veut évocateur de deux situations de souffrance de femmes livrées à l'hégémonie du sexe dit fort au détriment de sa congénère. L'une et l'autre, que presque deux générations séparent, doivent assumer seules la culpabilité d'une dérive ou d'un déboire amoureux. La première, une grossesse hors mariage, la seconde, l'échec d'une union pervertie par le vice alcoolique. Cette dernière imaginant réunir deux coeurs sincères qu'un accroc du destin a tenus éloignés. Cherchant inconsciemment apaisement à son propre déboire conjugal dans la réparation au bénéfice d'autrui d'un mauvais coup du sort.

Bien écrit, bien construit, ce roman dépourvu d'acrimonie donne le ton juste. Sans le décrire concrètement il veut ramener le curseur de la culpabilité de l'échec de parcours amoureux vers son véritable responsable. Rétablir un équilibre corrompu depuis la nuit des temps, époque où le rapport au monde dépendait de la force physique. Roman féministe qui ne dit pas son nom mais le fait bien comprendre, à juste raison. Kathryn Hughes porte une belle parole de femme dans un roman dont on a trop envie d'évoquer le dénouement. Mais gardons-nous bien de divulgacher comme disent nos cousins canadiens. Bien qu'en relisant le prologue on se dit qu'il y a du bonheur à se repasser la fameuse morale de Candide, à cultiver notre jardin.


 

vendredi 11 mars 2022

Le miracle Spinoza ~~~~ Frédéric Lenoir

 

Évoquant son ouvrage majeur alors en préparation, L'Ethique, édité finalement à titre posthume, Spinoza écrivait lui-même, dans une lettre adressée à son ami Henry Oldenburg, qu'il avait délibérément choisi un mode d'exposition de ses pensées qui en rendrait la lecture aride. Le titre complet de son ouvrage se libelle d'ailleurs ainsi : L'Ethique démontrée selon la méthode géométrique.

Me voilà conforté dans mon intention de faire connaissance avec le personnage et sa philosophie avec l'aide d'un "traducteur". Quelqu'un qui me rendrait accessible la pensée du célèbre philosophe, lequel jouit en ce début de siècle d'un engouement nouveau auprès de la part de ses congénères contemporains, mais pas seulement.

D'aucuns expliquent cet engouement d'une part par le fait que Spinoza affichait des pensées très en avance sur son temps, au point de trouver de nos jours un écho singulier dans les milieux intellectuels et politiques. Il affichait un courant de pensée progressiste, tolérant, sachant se démarquer avec prudence, donc intelligence, des modèles imposés par un pouvoir politique autocratique, dont on sait qu'en son temps il était fermement contraint par le religieux.

L'autre aspect de ses textes qui le rend lisible aujourd'hui est plus inattendu. Le mode de raisonnement et de construction de ceux-ci, selon un principe interactif de renvois à de multiple références étayant la démonstration du philosophe, se prêterait particulièrement à la modélisation informatique. C'est le principe du lien hypertexte que l'on pratique abondamment et inconsciemment de nos jours en parcourant les pages web, lesquelles ont évidemment fleuri que lors de ces dernières décennies. Le Magazine littéraire de décembre 2017 publiait un article sur cette analogie constructive qui attendait le clic de souris pour naviguer de pages en volumes hébergés de par le monde, se substituant au contenant physique forcément plus lourd à manipuler.

C'est donc avec le Miracle Spinoza de Frédéric Lenoir que je me suis ouvert à celui qui a eu le cran de s'opposer à l'intelligentsia de son temps peu encline à la contradiction. Un temps où l'opposition de conscience pouvait avoir des conséquences pour le moins brûlantes. Du cran il fallait en avoir au XVIIème siècle pour fondre Dieu dans la Nature, laquelle pour le coup prend la majuscule. Prôner immanence contre transcendance. Du cran pour n'accepter que ce qui aura été démontré par le raisonnement, y compris s'il faut restreindre le champ de ses certitudes, mais surtout refuser de se faire dicter des croyances. Autre similitude avec notre époque contemporaine qui ne reconnaît plus d'autorité statutaire, réclamant à quiconque veut s'imposer de faire ses preuves.

Reconnaissons bien pourtant que, presque quatre siècles après que Spinoza nous a montré le chemin, la raison qui commande de ne pas écouter ses passions pour accéder au bonheur n'a pas encore gagné le combat. Loin s'en faut. Dans une société devenue consumériste, à l'intoxication commerciale agressive, le décodage algorithmique de la pensée du grand philosophe ne suffira pas à nous faire trouver la joie dans le dénuement, la béatitude dans la détermination intime. L'intelligence ne suffit donc pas au raisonnement. Il lui faut ce supplément d'âme pour faire comprendre à cette entité de matière spirituelle, qu'on ne peut appeler créature puisque Dieu est part d'elle comme de toute chose, théorie du monisme chère à Spinoza, qu'elle est en train de scier la branche sur laquelle elle est assise.

Dans le genre développement personnel, Frédéric Lenoir m'a donc aidé à monter quelques marches depuis les sous-sols obscurs de mon ignorance. Son ouvrage salué par les plus éminents est à la portée de tous. Je l'en remercie d'autant plus que je me reconnais assez bien dans la traduction qu'il nous fait de la philosophie du grand penseur déterminé mais pacifique. de là à la décrypter dans le texte ? Persévérance et longueur de temps entretiennent bien des espérances. Je lis encore et toujours.

 

jeudi 24 février 2022

Les miracles du bazar Namiya ~~~~ Keigo Higashino



La porte qui donne accès au bazar Namiya n'est pas seulement une frontière entre l'intérieur et l'extérieur. Elle l'est aussi entre deux époques. Des époques suffisamment proches pour être contenues dans l'espace-temps d'une vie, tout en étant suffisamment éloignées pour confronter l'ingénuité de la jeunesse à l'expérience de la maturité. Mais pas seulement.

Car l'intérieur du bazar connaît l'avenir. Ce qu'il adviendra des personnes que la jeunesse remplit d'incertitude et de doute au point de la faire hésiter quant à une décision à prendre, une attitude à adopter. Oui mais voilà, comment faire connaître son avenir à une personne qui se heurte à l'indécision, aux états d'âme sans passer pour un illuminé.

Son propriétaire s'identifiant à l'établissement aux yeux de ceux qui le sollicitent, c'est tout l'art de l'argumentation mise en oeuvre par le bazar Namiya au moyen d'échange de lettres que son pouvoir de compression du temps rend instantané. Son art consistant à travestir en sagesse de vieux philosophe ce qu'il connaît de l'avenir afin de ne pas surprendre ou effrayer son correspondant, voire passer pour un charlatan.

Libre à celui qui le lit de faire ce qu'il entend de sa vie. Il aura été prévenu. L'âge venu il tirera les conclusions de ses actes. La boîte aux lettres magique lui sera ouverte trente-trois ans après la mort de l'initiateur du concept pour confier au bazar, supposé alors déserté, la suite qu'il aura réservée aux conseils prodigués. Même si son locataire n'est plus le même. Les murs conservent cette mémoire et la transmette à ses occupants, fussent-ils alors de jeunes squatters en rupture de ban devenus à leur tour par la magie du lieu et à leur corps défendant des conseilleurs d'occasion.

Entrelacs de parcours de vie, croisement des générations, les destins se télescopent au carrefour du bazar Namiya. Il semble y avoir un lieu commun avec un foyer de jeunes dans sa proximité, lesquels ne sont pas les derniers à s'interroger sur leur place dans un Japon en mutation entre les années 80 et nos jours. Nous voici avec ce roman versé dans un conte philosophique aux frontières du fantastique, dans une nébuleuse temporelle où coexistent les époques d'une vie de part et d'autre d'une simple porte. C'est à la fois captivant et attendrissant. Je me suis fait prendre dans les filets de ce roman-échappatoire-au-quotidien, me demandant où il pouvait bien me conduire. Mais que l'on se rassure, la vie reste la vie et non un conte de fée. Cette compression du temps a d'autant plus de crédibilité qu'elle est source de leçon de vie. Un délicieux moment de lecture.

samedi 12 février 2022

Il était deux fois ~~~~ Franck Thilliez

 



A plusieurs reprises dans cet ouvrage il est fait référence à un autre du même auteur : le manuscrit inachevéIl était deux fois est une forme de suite de ce dernier qui en dépit des épisodes d'amnésie frappant ses héros nous dévoile ni plus ni moins que la vraie fin du Manuscrit inachevé, celle de la main de Caleb Taskman lui-même. On se souvient que l'épilogue du Manuscrit inachevé était de la main de son fils Jean-Luc, les dernières pages ayant disparu à la mort du célèbre auteur de polar, au grand damne de son éditeur.

Avec les troubles de la mémoire, il en est une autre constante entre ces deux romans, plus morbide celle-là, qui est le dépeçage des corps. Et sans surprise, les jeunes filles n'ont pas le beau rôle dans ces funestes intrigues. Leurs beautés insouciantes sont des proies tout désignées pour les détraqués qui peuplent les pages des thrillers version Franck Thilliez. Mais là malheureusement il n'a rien inventé. On aimerait que ce ne soit qu'œuvre d'imagination d'auteur, mais si Thilliez en a beaucoup d'imagination la réalité lui suggère trop souvent les scénarii les plus sordides.

La famille torturée par la disparition de leur enfant est cette fois-ci celle d'un gendarme. Les facultés et compétences du professionnel de l'enquête qu'il est seront ainsi mises à contribution pour le compte des sentiments qu'il porte à sa famille. Pareilles circonstances lui font prendre conscience que son métier a bouffé sa vie de famille. Il se reproche un peu tard de ne pas avoir été suffisamment démonstratif dans l'affection qu'il porte à femme et enfant. Cette enquête l'impliquant personnellement, il devra quitter l'institution et déployer ses forces et ténacité à rechercher sa fille sans désarmer des années durant. Ce sera la preuve d'amour tardive qu'il se fera à sa fille disparue. Son accident de mémoire complique les choses, il devra refaire connaissance avec lui-même et en observateur extérieur de sa propre vie faire le point sur son sort : passé qu'il faut redécouvrir, présent voué à la quête, avenir de solitude à n'en pas douter, son mariage n'ayant pas résisté aux épreuves. Cette période de sa vie occultée par l'amnésie viendra inévitablement corser les recherches. Cela deviendra une enquête dans l'enquête. Au lecteur de recoller les morceaux. Mais faisons confiance à Thilliez pour lui compliquer la tâche.

Les palindromes se rappellent à nous dans cet ouvrage avec toujours le même mystère quant à leur signification et raison d'être dans l'intrigue. Est-ce une ouverture vers un prochain tome qui permettrait de mettre la main sur un personnage à qui la vraie fin dévoilée a permis de se faire la belle ? Il y a beaucoup de dualités dans ces ouvrages auxquelles nous ouvre le titre de celui-ci. M'est avis qu'à l'heure où j'écris ces lignes le cerveau de Franck Thilliez, qui ne doit pas souvent être au repos, échafaude déjà une nouvelle conspiration entre malfrats et détraqués pour mettre notre sagacité de lecteurs à contribution.

Excellent polar que celui-ci. Il distille son épilogue au compte-gouttes au fil des chapitres. Cela ne présente pas le côté artificiel de ceux qui sortent le coupable du chapeau à la dernière page. C'est fort en névroses et en abjection. La morale n'y trouve pas forcément son compte, pas plus que la justice pour le coeur de parents privé de leur enfant dans d'horribles conditions. Il y a quand même une bonne dose d'accablement dans ces romans. Le happy end ne semble pas être une vertu chez Thilliez.


lundi 24 janvier 2022

Le manuscrit inachevé ~~~~ Franck Thilliez

 


Thilliez, commence à m'énerver grave celui-là. Non content de me voler ma liberté quand j'suis dans ses bouquins, à peine j'ai terminé le manuscrit qu'est pas fini qu'y faut que j'y r'tourne. J'aime bien avoir tout compris quand j'ferme un polar. Mais là ça va pas. Déjà que j'y ai passé une partie de la nuit. C'est dimanche, bon sang. On va aller s'aérer.

Faut dire que j'en ai marre de ces mecs qui soignent leur mal-être en bousillant la vie de jeunes beautés. Y paraît que ça existe. Si en plus faut remettre le nez dedans pour tout piger. Il a pas l'air de s'en douter le gars Thilliez, mais j'suis comme tout le monde, j'ai une PAL qui prend du ventre. Faut que j'envoie du bois comme y disent chez les fabricants de papier.

Alors je vais vous la faire courte. Les palindromes, moi j'ai tout compris. Un palindrome c'est un truc qui se lit pareil dans les deux sens. Et bien le gars Thilliez, y vous dit rien d'autre que ça. Son bouquin c'est comme les palindromes, faut le lire dans l'autre sens. Un aller retour pour tout comprendre. Et encore c'est pas sûr. Il abuse quand même !

« Hé toi là-bas, la vaisselle tu y penses ?
- Ouais, ouais, j'y pense, mais j'ai un métier moi ! J'suis lecteur de Thilliez, et j'peux te dire que c'est pas une scène de cure.
- Une sinécure tu veux dire sans doute ?
- Si tu veux mais veut pas me lâcher avec son bouquin. »

Bon, vous avez compris qu'y en a qui confonde pas présence avec travail comme … enfin s'cusez moi ! Faut donc que j'y aille.

Ha, au fait, j'vais vous donner un tuyau quand même avant de quitter l'antenne, si vous aussi vous êtes à la peine pour piger son truc au gars Thilliez - parce que chez moi y'a pas que les miroirs qui réfléchissent : la première et la dernière phrase, tout est dedans. Il suffit de faire comme Vic. Si vous avez suivi c'est le flic hypermnésique. C'est lui qui a décodé les lettres du tueur. Suffit de faire comme lui pour savoir qui a franchi le garde-corps à la fin. J'dis ça, c'est pour vous soulager des questions qui tournent encore dans vot tête en r'posant le bouquin.

Mais Y'a quand même un truc qui m'a tracassé tout au long du bouquin, c'est que quand un hypermnésique rencontre un amnésique, est-ce que ça remet l'aiguille au nord de la boussole et qu'ça expliquerait tout ? Parce qu'au point final, l'aiguille de ma boussole à moi elle affiche le nord à l'ouest. Et ça, pouvez comprendre que ça me perturbe. M'énerve le gars Thilliez.

Ouais parce quand même, y'est allé un peu fort avec les lettrés comme moi. C'est l'histoire d'un romancier qui écrit un bouquin sur une romancière qui se dit romancier, elle a pris un pseudo, un bouquin qu'y termine même pas d'ailleurs, que son fils est obligé de faire pour lui alors qu'y savait même pas ce que son père avait dans la tête. Et tout ça dans le bouquin de Thilliez qu'est quand même le mec qui raconte tout ça dans son bouquin à lui au final, qu'est pas un final d'ailleurs parce qu'à la fin de cette histoire on sait plus qui a dit quoi, qui a fait quoi. Enfin pauv' gamines quand même. Parce que là non plus y'est pas allé de main mort le gars Thilliez. Avec lui j'voudrais pas être légiste. Pas étonnant que quand j'arrive au bout, j'y retrouve pas mes p'tits. J'y vois double. Si vous voyez ce que je veux dire.

Cette fois faut que je vous laisse. Y'a des circonstances où la présence ça suffit pas. Faut payer d'sa personne. Bon où j'en étais ? MammaM c'est le chien, Noyon c'est en Picardie, le FNAEG c'est ce foutu fichier dans lequel y s'ont collé mes empreintes….

vendredi 17 décembre 2021

Les Lys pourpres ~~~~ Karin Hann



Véritable ouvrage d’histoire tant la romance est documentée et construite à partir de faits avérés, Les Lys pourpres est une forme de plaidoyer pour une reine souvent critiquée en partie pour son rôle dans le massacre de la Saint-Barthélemy. Il traite de la période où Catherine deMédicis était dauphine du royaume, puisque épouse du futur roi Henri II, puis reine avec l’accession de ce dernier au trône dans la succession de son père François 1er. L’ouvrage s’arrête lors de la disparition d’Henri II, mortellement blessé lors d’un tournoi en 1559. Décédé en dépit des « soins » d’Ambroise Paré dont l’évocation dans cet ouvrage donne quelques frissons dans le dos. Il est vrai que nous sommes devenus délicats en notre temps de refus de la douleur.

Jusqu’à la mort de son royal époux, Catherine de Médicis n’a pu jouer qu’un rôle de figurante dans la vie de la cour, reléguée qu’elle fut dans les pensées de celui-ci qui lui préférait Diane de Poitiers, pourtant de vingt ans son aînée. C’est cette période de la vie de Catherine de Médicis que Karin Hann a choisi d’évoquer dans ce roman très bien mené à mon goût, citant en bas de page ou en annexe toutes les références historiques. 23 ans à avaler des couleuvres pour cette femme intelligente et fort cultivée avec ce mari qui négligeait, voire la rabaissait y compris publiquement, au profit de celle qui le consola de sa captivité en otage de Charles Quint. Karin Hann met en exergue la sincérité de ses sentiments non seulement à l’égard d’un époux ingrat mais aussi de son pays d’accueil.

Karin Hann s’est attachée à démontrer le pouvoir qu’était celui des favorites, Anne de Pisseleu auprès de François 1er puis Diane de Poitiers auprès Henri II, sur leur souverain, le poids de leur influence politique et l’âpreté à préserver leur position au bénéfice de leur enrichissement personnel comme il se doit. Il faut dire que leur temps de grâce ne durait que ce que durait leur royal amant. La relégation était parfois brutale et sévère pour qui avait goûté aux ors des palais. Mais il ne nous viendra quand même pas à l’idée de plaindre ces courtisanes lors de leur « veuvage » tant leurs faveurs étaient commandées par l’intérêt au détriment la sincérité des sentiments.

L’héroïne de cet ouvrage reste cette reine effacée aux yeux de son époux, condamnée qu’elle était à pourvoir le royaume en héritiers et successeurs de leur père. Après une longue période d’infertilité elle eut dix enfants dont trois succédèrent à leur père sur le trône, les voyant disparaître tour à tour, et deux reines, une d’Espagne épousant Philippe II le fils de Charles Quint et l’autre en tant qu’épouse d’Henri IV, la reine Margot. Ce qui valut à Catherine de Médicis, après la mort de son époux de gouverner le pays en arrière-main, main de fer dans un gant de velours, tant elle était intelligente et au sens politique développé, et ce pendant trente ans en régence de rois juvéniles ou faibles de caractère.

Bel ouvrage qui se lit comme un roman puisqu’il en est un, avec lequel on perçoit sans ambages le parti pris de Karin Hann de rendre figure humaine à une reine dont on a trop retenu l’austérité au détriment de ses qualités d’épouse, de mère, de femme tout simplement. L’autrice rejoint le camp de ceux qui voient en cette reine une personne de compromis et non celle soufflant sur les braises qui couvaient entre catholiques et protestants. Ouvrage agréable à lire et propre à réconcilier ceux que l’histoire rebute pour son langage pompeux ou abscons et s’effraieraient de devoir maîtriser les arbres généalogiques des familles royales pour appréhender le contexte. Il se lit très bien par tout-un-chacun sans être féru d’histoire. Il paraît que cela existe.


Citations

"Au royaume de France, c'était les favorites qui portaient culotte." 

"Voyons François, ce n'est pas à toi que je vais dire que c'est dans les jupes des dames que se prennent les décisions les plus Importantes."

 

jeudi 2 décembre 2021

Louis Jouvet ~~~~ Olivier Rony



« Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent. » Prenons acte de cette épigraphe que le docteur Knock attribue à Claude Bernard et adresse à son confrère Parpalaid dont il reprend la clientèle. Cela fait partie des répliques culte qui me ramènent à l’esprit le portrait de Louis Jouvet, ce géant par la taille et par le talent qui était « dévoré par le théâtre » au point dans la première moitié du 20ème siècle d’en être la figure symbolique. Olivier Rony nous en adresse une fort belle biographie aussi précise que vivante.

Sauf que cette précision ne s’applique pas de la même manière à sa vie privée. Jouvet avait certes femme et enfants, mais l’ouvrage d’Olivier Rony nous donne véritablement l’impression que la vie de famille ne pesait pas lourd en face de la vie professionnelle de celui que ses parents avaient orienté vers une carrière de pharmacien. Il en a certes obtenu le diplôme, mais ce dernier n’a pas pu rivaliser avec l’appel de la scène qu’il a préférée à l’officine.

Son épouse, qui l’a accompagné sa vie durant, est restée dans l’ombre du personnage au point de n’être mentionnée que de façon anecdotique dans l’ouvrage d’Olivier Rony. Le maître, il est vrai, n’eut pas seulement de double vie celle de ses personnages. Ses rencontres favorisées par le métier et ses pérégrinations à l’occasion de ses tournées en Europe et sur le continent américain ont laissé bien peu de place à la discrète Else Collin qu’il avait épousée en 1912. C’est en tout état de cause ce que nous laisse comprendre l’ouvrage d’Olivier Rony.

Beaucoup de sources documentaires citées dans cet ouvrage sont tirées de la correspondance foisonnante que Jouvet échangeait avec ses interlocuteurs du métier. Dans un milieu et à une époque où l’art épistolaire avait ses lettres de noblesse, cette correspondance laissée à la postérité en dit long sur la vie ses auteurs. Elle nous fait pénétrer l’intimité de ces personnages et leur redonne vie dans ces pages. On en arrive à se demander ce qu’il restera de nos échanges contemporains effectués à grand renfort de SMS, mail, téléphone dans un langage d’abréviations et acronymes qui assassine la grammaire et rend les échanges inaccessibles à la compréhension à qui n’est pas averti du contexte.

Olivier Rony restitue à merveille la forte personnalité de ce ténor des tréteaux qui dès son plus jeune âge a su s’imposer comme nul autre dans tous les métiers du théâtre : acteurs au premier chef bien entendu mais aussi, régisseur, metteur en scène et directeur de théâtre avant de prendre la direction du conservatoire et de porter ses rôles à l’écran dès la parole donnée au 7ème art. Car Louis Jouvet c‘était surtout une présence et une voix qui conféraient au personnage une ampleur inégalée.

Le personnage avait cette certitude de lui-même au point d’écrire à l’un de ses proches dans le métier : « Pour ce qui est de Molière, vois-tu, je ne reconnaîtrai à personne, à personne, tu m’entends ? le droit de me donner des leçons. Parce que – dussé-je te paraître présomptueux -, je ne crois pas qu’il existe au monde un moliériste plus averti que moi, plus objectif, plus consciencieux que moi. » A bon entendeur salut !

Knock ou le triomphe de la médecine de Jules romain, dont le rôle était taillé sur mesure pour Louis Jouvet, est avec plus de mille représentations rien qu’à Paris la pièce qui a assuré à son acteur fétiche pendant les périodes de vaches maigres le fonds de commerce qu’il avait méprisé de ses études de pharmacie. Bien qu’en son esprit le cinéma ne peut « concurrencer la pureté, la simplicité et la noblesse d’un art né du souffle dionysiaque pour offrir une parole poétique aux hommes de la cité », Jouvet a eu la bonne inspiration d’immortaliser son génie d’acteur sur la pellicule sous la direction de Guy Lefranc en 1951, l’année de son ultime salut au public.

Alors « Ne confondons pas, est-ce que ça vousgrattouille ou ça vous chatouille ? » Ni l’un ni l’autre cher maître parce qu’à la lecture de cette biographie, à la vision de ces classiques qui portent l’estampille de Louis Jouvet on n’a que l’envie tirer son chapeau à celui qui fut le théâtre et eut la bonne inspiration de faire imprimer sur la pellicule son jeu inimitable, pour notre plus grand plaisir à nous spectateur d’un autre temps.


Ses lieux de vie professionnelle les plus importants

Théâtre du Vieux Colombier - Paris 6ème

 Théâtre du Vieux Colombier - Paris 6ème

Théâtre de l'Athénée - Paris 9ème


Théâtre des Champs Elysées - Paris 8ème

Théâtre du Conservatoire National d'Art Dramatique - Paris 9ème

Citations de Louis Jouvet

« Je me suis trouvé un jour au théâtre, dans une salle, puis sur la scène : je m’en étonne encore moi-même. Cet étonnement ne me gêne pas, il me plaît et me satisfait. Le plus estimable, le plus heureux dans la vie est de s’étonner. »

" Ne l'oubliez pas c'est quand le rideau se lève que votre vie commence, il ne tient qu'à vous qu'elle continue le rideau baissé."


 

samedi 13 novembre 2021

La ferme africaine ~~~~ Karen Blixen


 


On ne lit jamais deux fois le même livre. Cette deuxième lecture que je fais de la ferme africaine - la première remonte à 1994 - me fait découvrir l'ouvrage sous un autre jour. Ce n'est évidemment pas celui-ci qui a changé, mais bien moi. Les acquis de la vie font évoluer la personnalité et sa perception du monde. Il n'en reste pas moins que je l'ai apprécié autant que lors de ma première lecture, mais plus pour les mêmes raisons. J'ai le sentiment d'en avoir fait une lecture mieux imprégnée de l'état d'esprit de l'auteure mais a contrario plus critique.

La ferme africaine est avant tout l'histoire d'un échec. Peut-être même de plusieurs. le tout premier étant celui de la vie conjugale de l'autrice. Elle ne mentionne son mari qu'une seule fois dans le texte. Encore le fait elle pour évoquer son départ vers la frontière, missionné dans le cadre du conflit qui opposait le Kenya à son voisin sous domination allemande. Les faits relatés se déroulent à l'époque de la première guerre mondiale. Karen Blixen ne fait aucune mention de sa vie de couple dans l'ouvrage alors que c'est une entreprise qu'ils avaient lancée en commun. Un silence qui en dit long sur l'ambiance de la vie conjugale et les conduira au divorce en 1925.

Échec aussi et surtout de la survie économique de la ferme. Il faut dire que cette femme s'est retrouvée bien seule et sans réelle compétence pour faire vivre le projet. Échec enfin, mais dû à la cruauté du destin cette fois, de la relation qu'elle avait tissée avec ce jeune aristocrate et aventurier anglais, Denys Finch Hatton. Il s'est tué dans l'accident de son avion. On leur prêtait une relation amoureuse.


Mais le plus grand traumatisme n'a-t-il pas été pour elle la séparation d'avec tout le personnel autochtone qu'elle faisait vivre et travailler sur ses terres. Car si Karen Blixen les appelait « nègres », cette appellation n'avait pas dans sa bouche la connotation offensante qu'on lui affecte aujourd'hui. Elle avait construit avec eux une saine relation humaine qui était dépourvue de mépris pour leur condition. S'interrogeant elle-même sur l'impact de la colonisation qui provoquait chez les populations indigènes un véritable choc culturel en faisant se confronter des développements de sociétés humaines en complet décalage. Ne le dit-elle elle-même dans son ouvrage : « Mais nous-mêmes, où en serions-nous à ce moment-là ? Qui dit que ce n'est pas nous qui nous cramponnons aux nègres, retardons leur ascension, avec un désir passionné de retrouver la confusion, l'obscurité et la vie élémentaire ? »

Il y a un autre sujet en filigrane dans cet ouvrage, mais non moins évident, qui est celui de l'impact de la civilisation, avec tout ce qu'elle comporte d'appropriation des richesses naturelles, sur l'évolution de la faune et de la flore et conduit aujourd'hui à l'extinction des espèces. La conquête des territoires grignotant peu à peu et de plus en plus vite leur espace vital. Les safaris menés à l'époque en toute bonne conscience contre une ressource imaginée inépuisable n'avaient rien de safaris photos.

Le recueil de souvenirs de la ferme africaine, au-delà de la portée romanesque et nostalgique qu'a voulu lui donner son auteur, fait figure de réelle étude ethnologique des sociétés se confrontant dans leur niveau d'évolution, avec la grande interrogation sur la définition du terme de civilisation quant à la pureté de ses intentions. Quel est le sauvage : celui qui tue pour se nourrir ou celui qui tue pour afficher un tableau de chasse ?

Écriture plus critique disais-je en préambule, donc moins porté sur le côté splendeur de la nature et romantisme tel qu'a pu le mettre en images Sidney Pollack dans Out of Africa. Mais deuxième lecture qui m'a rapproché des intentions de Karen Blixen quant à la sincérité des sentiments qu'elle a voulu faire valoir dans cet ouvrage à l'égard du pays et des populations autochtones. Les rapports humains qu'elle avait établis avec ces dernières, s'ils n'étaient pas exempts de la connotation de supériorité de race qu'affichaient sans vergogne les colonisateurs, n'en étaient pas moins empreints de sens de la responsabilité et d'attachement. C'est ce que l'on comprend avec le souci qu'elle a eu avant de quitter le pays de replacer son personnel auprès d'une bonne maison.

Une constante à la relecture de cet ouvrage est le romantisme et la nostalgie qui émanent de ce récit autobiographique. du pain béni pour un réalisateur qui le porte à l'écran sur fond des somptueux décors africains du Kenya.

Vues



Citations (éditons Folio)

Page 115 - Le rêve, aussi doux que le miel qui fond dans la bouche, est l'enchanteur qui nous délivre du destin. Grâce à lui, nous connaissons la liberté, non pas celle du dictateur qui impose au monde sa volonté, mais celle de l'artiste libéré de vouloir. 

Page 149  - La notion de luxe est étrangère aux Kikuyus; dès qu'ils ont dépassé le stade où l'on meurt de faim, ils se trouvent riches.

Page 161 - C'était le récit de ce que Jogona Kanyyaga avait accompli, son nom serait désormais impérissable. La chair était devenue le Verbe et il vivait parmi nous plein de grâce et de vérité ! 

Page 161 - Je crois que devant le livre, la réaction a été partout la même et que rarement les hommes ont appliqué avec plus de conscience et de passion le principe de l'art pour l'art. 

Page 165 - L'importance du document, loin de s'affaiblir augmentait à chaque lecture. Le plus grand miracle pour Jogona était de voir ce document rester le même. Ce passé qu'il avait eu tant de peine à retrouver et à fixer, et auquel il découvrait un aspect différent  chaque fois qu'il l'évoquait, était fixé pour toujours, il s'offrait au regard dans sa forme définitive. Ce passé était entré dans l'histoire, mais une histoire sans ombre et sans variation.

Page 386 - Ceux qui s'imaginent que le nègre peut sauter directement de l'âge de pierre dans celui de l'automobile  oublient tous les efforts et toute la peine que nos ancêtres pour nous amener au point où nous sommes. 

Page 389 - Mais nous-mêmes, où en serons-nous à ce moment là  ? Qui dit que ce n'est pas nous qui nous cramponnons aux nègres, retardons leur ascension, avec un désir passionné de retrouver la confusion, L'obscurité et la vie élémentaire ? 


mercredi 20 octobre 2021

Luca~~~~Franck Thilliez


Sharko et son équipe ont migré vers le nouveau 36. Le numéro a été conservé, l’adresse a changé. Le mythique quai des orfèvres a vécu. La Crim est désormais installée au 36 rue du Bastion, aux Batignolles.

La mutation pèse lourd dans les esprits. Les flics de la Crim ont aussi leur nostalgie. Le 36, l’ancien, le vrai, c’était quelque chose. Les glorieux anciens hantaient les murs. Les truands célèbres aussi. Au Bastion ni les premiers ni les seconds n’auront le code d’accès pour franchir les sas et se rappeler à la connaissance des petits nouveaux. Tout est hyper sécurisé : caméras, badges, portiques, lecteur d’empreintes, le Bastion est un concentré de technologies modernes. Fini la cavalcade dans le célèbre grand escalier de PJ, cinq étages que flics et truands ont arpentés pendant des décennies, il faut désormais prendre l’ascenseur. Seulement voilà, Sharko, les nouvelles technologies c’est pas son truc !

Et pourtant avec la nouvelle affaire qui lui tombe sur le dos, il va falloir qu’il s’y colle aux nouvelles technologies. Un fou furieux, un fortiche en ce domaine justement va leur en faire baver. Sharko n’aime pas ça. Les gens qui trafiquent les corps pour en faire des êtres numériques encore moins, mi-homme mi-robot, ça assombrit l’horizon déjà gris du paysage en chantier qu’il a sous les fenêtres de son nouveau bureau. Lui ce qu’il sait faire c’est se confronter à la part humaine de la nature du même nom. L’homme augmenté, l’homme 2.0, ça lui file le bourdon.

Luca, c’est une affaire dont les prolongements et les rebondissements n’en finissent pas. Les cadavres n’ont pas dit leur dernier mot. Les machines les font parler même quand ils sont morts. Les biohackers jouent les apprentis sorciers : intelligence artificielle, accroissement des capacités humaines, manipulations de la vie en éprouvette, conquête de l’immortalité. Sharko est précipité dans le monde des transhumanistes. Des fêlés qui lui volent ses nuits. Qui lui font regarder ses enfants avec la crainte de les voir happés par le monde de violence qu’il côtoie tous les jours, de leur voler l’espoir de nature qui a déjà disparu du paysage des Batignolles, de les priver de sa présence quand des fous lui font arpenter la ville jour et nuit. Déformation professionnelle qu’il partage désormais avec la mère des jumeaux, Lucie Hennebelle sa compagne et collègue dans le travail.

Frank Thilliez m’a encore volé une part de liberté. Son polar m’est resté collé aux mains. Difficile de m’en défaire. Je reste admiratif de cette capacité à bâtir une intrigue complexe sans perdre le fil dans l’écheveau et la mettre en page. J’allais dire admiratif de l’imagination, mais peut être tout cela n’est-il pas totalement imaginaire. Peut-être sommes-nous déjà phagocytés par la grande bulle de données, que quelques labos dans le monde travaillent déjà à faire de l’homme, corps et esprit, un matériau ductile, façonnable à volonté pour devenir ce que l’on attend de lui : un consommateur docile. Dormez en paix bonnes gens les GAFA veillent sur vous. Vous leur êtes très chers. Ils travaillent à prolonger la vie du consommateur que vous êtes. Et peut-être même mieux. Ils travaillent à faire de vous un être virtuel qui consommera même lorsque votre corps sera réduit en poussière. Le rêve, non ?


mercredi 4 août 2021

Chaleur du sang

     

 

C'est dans les pages de Babelio que j'ai fait la connaissance d'Irène Némirovsky. J'ai toutes les raisons de m'en féliciter et remercie celles et ceux qui y ont partagé leurs impressions de lecture de ses ouvrages. Après Jézabel, je viens de terminer Chaleur du sang et ai déjà entrepris la lecture de Suite française.

Mais qu'est-ce qu'ils ont dans le sang ? Qui n'a pas entendu cette expression prononcée par des parents ou grands-parents déplorant les frasques de leur progéniture. Et d'ailleurs ne nous dit-on dans la préface de cet ouvrage que lorsqu‘Irène Némirovsky avait cherché à lui donner un titre, elle avait envisagé de l'intituler « Jeunes et vieux ». Car il s'agit bien dans cet ouvrage de faire se confronter les générations. À cela rien de bien neuf sous les cieux de notre planète tourmentée depuis que l'intelligence a investi un corps de mammifère et l'a fait se dresser sur ses membres postérieurs.

Rien de nouveau, au point que l'on pourrait dire que c'est le style qui sauve l'œuvre. Mais ce serait peut-être aller vite en besogne et à scruter d'un peu plus près l'œuvre d'Irène Némirovsky on y détecte une troublante approche de la psychologie humaine. Et lorsqu'on lit comme je suis en train de la faire Suite française, on confirme le fait. On le confirme et le précise, en se disant que cette auteure a de la nature humaine une vision foncièrement désabusée, allant même parfois jusqu'à la nausée. C'est bien ce que l'on perçoit de Gladys Eysenarch, cette mère indigne dans Jezabel, qui sacrifie sa filiation pour ne pas devenir grand-mère et supporter le poids de l'âge attaché au statut, ou encore dans Suite française avec la couardise et la rapacité des nantis qui détalent devant l'avancée allemande en juin 1940, emportant leurs valeurs et sans regarder qui ils piétinent.

Il faut dire qu'en matière de misère affective et persécution Irène Némirovsky a de l'expérience et a pu forger sa culture du rejet et de l'intolérance. N'a-t-elle pas dû fuir avec ses parents son Ukraine natale pour échapper aux pogroms juifs, puis la Russie pour échapper aux Bolcheviques parce que famille de nantis et enfin, la maturité de son écriture venue, fuir encore, la capitale française cette fois-ci, parce que juive et donc pourchassée par les autorités vichyssoises. Et pour couronner le tout, n'a-t-elle pas eu une enfance solitaire, délaissée par une mère dépourvue d'amour maternel. Voilà de quoi avoir de la nature humaine un dégoût instruit aux désillusions de la vie. Dégoût que ne démentira pas ce 13 juillet 1942 lorsqu'Irène Némirovsky sera arrêtée par la police française pour un voyage sans retour. Et des ouvrages à publier à titre posthume.

Ne nous étonnons donc pas si dans Chaleur du sang la morale n'y trouve pas son compte. Au motif que ce qui fait bouillir celui des jeunes générations répond à la primauté des sens sur la vertu. Les aînés seraient quant à eux bien en peine de le reprocher à leur descendance car à la révélation de quelques indiscrétions du temps où eux aussi avaient le sang chaud leur droiture affichée pourrait bien pareillement subir quelque infléchissement.

C'est comme cela qu'une intrigue s'engageant sur le ton badin dans le cadre bucolique d'un village de province se trouve attisée par cette flamme qui échauffe le fluide vital. Comme cela que le velouté du style d'Irène Némirovsky prend ses distances avec la gravité des faits qu'elle relate. Gagné à la confiance que nous inspirait sa prose cristalline, nous sommes alors surpris par la douce férocité de la plaidoirie en faveur des écarts de conduite qui ont détourné la jeunesse du noble sentiment pour la faire sombrer dans les vils plaisirs.

Aussi, n'est pas vil plaisir celui qui celui fait s'enticher de l'écriture d'Irène Némirovsky. Elle nous inocule toute l'amertume d'une femme qui a trop souvent vu le sol se dérober sous ses pieds du seul fait de à ses contemporains. Jusqu'à ce qu'il l'emporte avec lui en juillet 42.

Et à ceux qui s'interrogeraient encore sur la transmission de l'expérience des anciens à leurs descendance, on leur répondra avec Marcel Proust « qu'on ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même après un trajet que personne ne peut faire pour nous… ».