Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire

mardi 13 juillet 2021

L'épopée vaudoise : Tome 2 - Les larmes du Luberon ~~~~ Hubert Leconte

 


Ils avaient quitté les vallées alpines, pourchassés qu'ils étaient par l'église de Rome. Elle avait fait d'eux des hérétiques. En cette première moitié du XVIème siècle les Vaudois avaient trouvé en Provence quelques décennies de répit à la traque dont ils étaient l'objet. Mais s'ils espéraient vivre leur foi en paix c'était sans compter sur l'obstination d'une église qui n'avait pas renoncé à purger cet abcès que représentait à ses yeux leur communauté.

Mais en dépit du pouvoir considérable qui était le sien en son temps de monopole sur les consciences, l'Église n'avait pas les moyens militaires d'éradiquer la dissidence. Elle souhaitait en outre dans sa grande perversité s'exonérer des crimes que ne manquerait pas de provoquer la reconquête des consciences à sa seule dévotion. Elle devait donc avoir recours au bras séculier pour combattre les Vaudois dont la doctrine prêchant la pureté des évangiles s'était propagée. C'était surtout une façon de faire oublier le commanditaire et endosser au pouvoir temporel la responsabilité des dommages. Il fallait donc convaincre François 1er que ce qu'elle qualifiait de déviance constituait un vrai danger pour le royaume. L'argument était le risque de scission qui pouvait faire basculer la Provence dans les bras de son ennemi juré, Charles Quint. François 1er n'avait-il pas déjà goûté de ses geôles après sa défaire de Pavie.

Convaincu par les sbires du Pape de la nécessité de leur éradication, François 1er profita du transit de ses troupes vers le port de Marseille pour lancer une grande offensive contre les Vaudois. Cela donna lieu à l'un des plus grands massacres qu'ait connu la communauté vaudoise dans cette partie de la Provence, aujourd'hui lieu de villégiature de fortunés : le Luberon. Les disciples de Pierre Valdo en ce pays, où ils pensaient pouvoir jouir du fruit de leur labeur et vivre dans la paix des évangiles furent passés au fil de l'épée sans distinction de sexe ni d'âge. Non sans avoir imposé les derniers outrages à tout ce qui pouvait assouvir les bas instincts de soudards qui pour la plupart étaient d'ailleurs mercenaires loués aux possessions du Saint empire romain germanique. La justice du roi était passée. Reste que cette page dramatique de l'histoire de la Provence et de l'épopée vaudoise est à mettre au crédit de celle qui prêchait charité, tolérance, pauvreté et chasteté, se gardant bien de l'appliquer à elle-même, celle qui revendiquait la majuscule quand on l'évoquait : la sainte Église catholique romaine.

Hubert Leconte nous fait vivre tout au long de cet édifiant ouvrage à la fois les espoirs et le climat de peur permanente dans lequel demeuraient les Vaudois. Il met en oeuvre en parallèle dans son écriture un surprenant lyrisme poétique destiné à glorifier la belle nature qui sert de décor à cette tragédie, et à évoquer aussi l'amour que les Vaudois vouaient à la terre nourricière. Une beauté qui en ce temps se payait au prix fort tant la tâche était rude pour tirer subsistance de ces collines arides. Nous apprécions mal en nos jours fort heureusement plus serein quant à la liberté de conscience le climat de peur régnant au quotidien et faisant de ceux qui osaient promouvoir une doctrine rivale de l'officielle des gibiers traqués. Nous apprécions mal la force d'une foi chevillée à l'âme en ces temps où tout s'expliquait en Dieu et par Dieu, selon un discours imposé par celle qui n'admettait ni contradiction ni concurrence en la matière.

Communion avec la nature, solidarité confessionnelle, dans ce superbe ouvrage fort bien documenté Hubert Leconte nous rappelle à ces données d'un quotidien fait de labeur, de foi mais surtout de peur. Cela donne ce splendide ouvrage, deuxième tome de l'épopée vaudoise à une époque où régnait la loi du plus fort.

"Selon que vous serez puisant ou misérable les jugements de cour vous rendrons ou blanc ou noir." La fable aurait pu s'appliquer aux Vaudois malades quant à eux d'une peste qui n'était rien d'autre que leur fidélité à la parole première des évangiles. Peste que leur sincérité, que leur foi.


1991~~~~Franck Thilliez


"Il allait enfin retrouver un rythme de vie normal, profiter de ses week-ends avec Suzanne avant qu'elle ne s'installe définitivement avec lui, essayer de lui faire aimer cette ville qui lui réserverait vraisemblablement de nombreuses autres affaires compliquées et sordides. Combien de temps tiendrait-il la route ?"

Combien de temps Suzanne tiendra-t-elle peut-on aussi se demander dans une vie de femme de flic du 36 quai des Orfèvres à laquelle Franck Sharko la destine ?

Alors que nombre de lecteurs fidèles de Franck Thilliez, si l'on en juge par sa popularité, ont sans doute déjà les réponses à ces questions, j'avoue quant à moi n'être pas mécontent de débarquer dans les couloirs du 36 sur les traces de Sharko avec ce premier roman de Thilliez pour moi. S'il remonte le temps pour les fidèles, il me fait quant à moi prendre l'histoire à sa source. Je sais d'ores et déjà que je suivrai le cours des aventures, promises "compliquées et sordides", de celui qui est devenu commissaire sous la plume de Franck Thilliez. Cette mise en bouche m'a ouvert l'appétit pour le reste du menu qui s'affiche depuis longtemps déjà sur les étals des libraires, et que j'avais méprisé jusqu'alors.

C'est donc un bleu qui débarque dans le sanctuaire de la Crim en 1991, au 36. Ce seul numéro sur un quai suffisait à évoquer le lieu mythique. Il y est accueilli avec circonspection par les anciens. On ne s'en étonne pas. Intégrer la Crim du 36 n'est pas y être admis. Sharko va devoir faire ses preuves, à commencer par sortir de cette forme de placard dans lequel on l'affecte d'emblée, à compulser les archives pour une affaire restée non résolue sans être encore classée : le meurtre de trois femmes quelques années avant son arrivée. Cadeau de bienvenue au petit nouveau pour qu'il se fasse les dents et montre de quoi il est capable par la même occasion.

Mais s'il est jeune, cet inspecteur qui postule au nec plus ultra de la Crim, il n'est pas dénué de personnalité pour autant. Et plus que de personnalité, de psychologie. Il a compris qu'il ne fallait pas jouer les gros bras avec les anciens, sans toutefois se laisser marcher sur les pieds. Il saura faire sa place en leur montrant qu'il a de l'intuition et de la persévérance. Les fervents de Sharko le savent bien, eux qui attendaient de Franck Thillier qu'il leur parle de ses débuts. C'est chose faite avec 1991. Ce dernier nous dresse la caricature de son héros fétiche plus par ses qualités morales et intellectuelles que physiques. Au lecteur de se faire le portrait d'un homme qui ne manque ni de disponibilité, c'est le moins qu'on attende d'un jeune à la Crim, ni de courage. Mais pas le courage de l'inconscience, le courage lucide de celui qui veut réussir sa carrière autant que sa vie amoureuse. Une gageure ? Dans le métier ce n'est pas gagné d'avance. Les exemples ne manquent pas de ceux qui n'ont pas été au bout de leur contrat de mariage quand ce n'est pas au bout de leur carrière.

Ce personnage me paraît d'emblée engageant, voire sympathique. Il n'a rien du super héros qui bouscule tout sur son passage, monopolise le regard des femmes et terrorise les truands. C'est ce qu'on peut appeler un mec normal - le langage populaire n'est pas déplacé dans le contexte. Un homme de la vraie vie, un authentique. On peut même dire que dans 1991, il ne focalise pas particulièrement l'attention. Il est celui qui débarque, mais à qui on promet quand même un bel avenir en épilogue, parce qu'on sait que les malfrats travaillent pour lui, pour lui construire un avenir. Aussi parce que c'est Sharko, et que son personnage peuple déjà les étals des libraires. Une dizaine de romans témoigne des "affaires compliquées et sordides" desquelles il s'est sorti, pour la plus grande popularité de son auteur.

1991 est un ouvrage réaliste à plus d'un titre. Outre les timides débuts du novice qui doit s'intégrer dans la prestigieuse brigade, il s'agissait de restituer le contexte d'une époque où pour téléphoner il fallait trouver une cabine, où l'ADN n'avait pas encore déployé toutes ses possibilités et l'informatique balbutiait. Il fallait aussi concevoir une intrigue dans laquelle dédoublement de la personnalité et les troubles psychiques liés à l'orientation sexuelle se concevaient dans l'environnement d'une société encore empesée par les non-dits dans ce domaine.

Cet ouvrage à l'écriture agréable et fluide qui implique avec bonheur l'univers de la magie et les pratiques vaudous clandestines. Ces milieux occultes s'entrelacent à merveille dans cette première affaire qui donne l'occasion au petit nouveau de la Crim de montrer qu'il n'a ni les deux pieds dans le même sabot ni le cerveau comprimé par la pression du métier. Et disons-le tout net, sans ne rien dévoiler de l'intrigue, Sharko aura gagné son ticket d'admission à la célèbre brigade. Mais ces premières enquêtes lui auront donné quelques sueurs froides et un joli cas de conscience quand un collègue, un ancien, pourrait bien avoir fait quelque entorse à la déontologie. Des enquêtes qui, accessoirement, auront fait passé un drôle de réveillon à notre jeune inspecteur, mais il n'est pas nécessaire de le dire à Suzanne. Elle pourrait bien remettre en question ses projets d'alliance et de vie parisienne.

lundi 5 juillet 2021

Dans les bois éternels~~~~~Fred Vargas

 



Des êtres dissociés, des cousins remués, un compatriote des vallées pyrénéennes qui parle en alexandrins, une médecin légiste dont la soixantaine n'a pas entamé le charme propre à faire chavirer Adamsberg, et pour couronner le tout des cerfs éventrés en Normandie, avouons qu'il y a de quoi disperser les idées et y faire perdre son latin à un être rationnel. Oui mais voilà, Adamsberg n'est pas un être rationnel. C'est un "pelleteur de nuages."

Disons-le tout net Adamsberg a un problème de management. Il pèche par manque de capacité de persuasion, d'esprit de cohésion et de pédagogie à l'égard de ses subordonnés. En fait, il ne veut pas s'en donner la peine. Ils doivent donc le suivre aveuglément. Réfléchir, c'est s'opposer. Car lorsqu'il est pris dans les réflexions que lui inspire son sixième sens, ses équipiers en sont réduits aux croyances. Il y a donc ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. C'est pour ça que sa brigade criminelle est souvent divisée.

Il faut dire que dans l'affaire des bois éternels, il y a de quoi leurrer son monde. le fil qui pointe de l'écheveau est plutôt ténu et fragile pour élucider le meurtre de deux gros bras que rien ne relie au milieu du banditisme. Ce fil, lorsqu'on l'exploite, fait apparaître une recette codée extraite d'un grimoire du 17ème siècle, celle d'un d'élixir de vie. C'est confus à souhait, voire impénétrable au commun des mortels. Il faudra bien toutes les ressources combinées d'un commissaire inspiré et de son adjoint instruit, l'encyclopédie de la brigade, fraîchement promu commandant, pour démêler l'écheveau que le commanditaire des crimes a savamment enchevêtré. Fred Vargas l'a bien mitonné celui-là. Difficile pour le lecteur de se faire son opinion du coupable avant qu'Adamsberg le lui désigne.

On retrouve la passion de l'auteure pour les contes et légendes du Moyen-âge. Mais c'est tellement tortueux qu'on a du mal à se figurer un esprit moderne s'engluer dans pareille machination autour d'une croyance d'un temps où la pierre philosophale faisait encore rêver. C'est un peu dommage, cela déprécie le scénario. Mais soit, le genre autorise tous les artifices pour convoquer les fantômes du passé et tenir en échec les techniques d'investigation modernes.

En tout cas cette affaire donne à Adamsberg l'occasion de renvoyer l'ascenseur à sa fidèle lieutenant Violette Rétancourt, dont d'aucuns prétendent que son gabarit et ses chances de séduction refoulées lui autorisent certaines libertés et prises de risque. Mais cette fois elle est allée un peu loin dans l'indépendance. Elle avait extirpé son patron du Canada où il était en mauvaise posture, il la tire in extremis d'un mauvais pas. le flair d'Adamsberg lui fera faire confiance à celui d'un membre de la brigade qu'on avait pris l'habitude de voir se réchauffer sur la photocopieuse. C'est Boule, le chat. Pour une fois il intervient dans une enquête. On en pensera ce qu'on voudra.

Des êtres dissociés entre l'alpha et l'oméga, des cousins remués, y aurait-il du rififi dans la famille Adamsberg ? La lecture des Bois éternels nous affranchit sur ces expressions pour le moins surprenantes lesquelles trouvent leur éclaircissement dans la criminologie ou le parler local. L'étude des caractères étant une marque de fabrique chez Fred Vargas, elle nous soumet un ouvrage dans lequel on reconnaît bien sa touche cérébrale pour nous concocter une énigme musclée sur fonds historique. Un bon moment de lecture à partager l'ambiance de la brigade criminelle version Adamsberg avec laquelle j'ai eu l'occasion de me familiariser.


jeudi 1 juillet 2021

L'épopée vaudoise : Tome 1 - La croix des humiliés ~~~~ Hubert Leconte

 


J'ai entrepris de relire la trilogie de Hubert Leconte relatant l'épopée vaudoise des Alpes vers le Luberon. Les Vaudois que l'on présente parfois comme les précurseurs du protestantisme sont les disciples de Pierre Valdo. Ce riche marchand lyonnais du XIIème siècle avait fondé La fraternité des pauvres de Lyon à qui il avait légué ses biens. Il a été excommunié par l'Église. Sa faute : avoir fait traduire la Bible en langage vernaculaire, le franco provençal, pour la rendre intelligible au petit peuple. Un comble serait-on tenté de dire.

Pierre Valdo qui s'ouvrit de cette déconvenue à un ami érudit s'entendit répondre " … tu te rends compte où cela nous entraîne. Savoir lire c'est peut-être un jour contester tout le savant édifice de règles, de canons, de dogmes que l'Église a élaborés depuis plus d'un millénaire".

La croix des humiliés, premier tome de la trilogie, situe son intrigue romanesque à la fin du XVème siècle dans les vallées alpines. Pourchassés par l'église officielle de Rome, les Vaudois avaient essaimé. Forcés qu'ils étaient d'investir les lieux les plus inhospitaliers pour pouvoir vivre leur foi en relative tranquillité; foi qui n'était, rappelons-le, rien d'autre que la stricte observance des évangiles.

Or, parait-il que les évangiles n'envisagent pas de vivre dans le luxe et la luxure. Pierre Valdo avait donc eu le tort d'ouvrir les yeux de ses disciples à ces travers dans lesquels se vautraient la curie romaine et toute sa hiérarchie épiscopale dont on connaît trop la toute puissance en ces temps d'obscurantisme. Cette dernière a donc mis sur pied cette formidable juridiction ecclésiastique d'exception taillée sur mesure pour préserver ses monopole et intérêts, et faire retourner le manant éclairé aux ténèbres de l'ignorance : l'inquisition.

Et l'évêque menaçant Pierre Valdo de haranguer : "Il serait trop long de vous expliquer les mystères de la Sainte Trinité, de l'incarnation, et de la consubstantialité. Nous avons pensé pour les pauvres qui n'ont qu'un seul effort à fournir : croire."

Procès en sorcellerie, qualification d'hérésie, les Vaudois ont eu les faveurs de cette épouvantable machinerie tyrannique dont on connaît trop les méthodes barbares pour faire avouer les martyres pris dans ses carcans. On en connaît aussi trop la conclusion brûlante. Hubert Leconte, au travers de ce roman historique parfaitement documenté nous fait vivre l'errance de ces disciples convaincus d'une foi dictée par les évangiles en laquelle ils pensaient assurer leur salut, et qui fit leur malheur. On ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec la foi cathare qui a enflammé le sud-ouest de notre pays dans les mêmes temps alors qu'elle prêchait elle aussi le retour à la pureté du dogme, aux textes originels des évangiles.

En ce XVème siècle d'illettrisme et d'ignorance, l'Église toute puissante règne sur les esprits et les consciences. Elle n'admet ni contradiction ni concurrence. Elle a tout prévu, y compris un moine pour absoudre l'inquisiteur des violences – ce terme étant en la circonstance un doux euphémisme - qu'il se voit contraint d'infliger à ceux qui osent prêcher une autre parole que l'officielle. Y compris et surtout si cette parole est de nature à faire éclater aux yeux des puissants briguant la pourpre cardinalice leur déviance au regard de ce qu'ils n'ont de cesse de ressasser dans leurs sermons : les fameux dix commandements que leur comportement propre violent impunément tous les jours.

Expulsés de leurs vallées alpines vers une région qu'ils espèrent plus accueillantes pour leur sincérité biblique, les Vaudois n'en ont pourtant pas fini avec les faussaires de la foi. Les larmes du Luberon, le deuxième tome, va me le remettre en mémoire. Les quelques pierres vestiges de leurs modestes masures au creux des vallées et les grottes perchées à flancs de falaise qui parsèment la campagne provençale dans lesquelles ils cherchaient refuge gardent la mémoire de ces pauvres hères à la foi, la vraie foi, chevillée au corps.


lundi 7 juin 2021

L'évangile selon Yong Sheng ~~~~ Dai Sijie

 



Ce qui surprend à la lecture de cet ouvrage c'est le décalage entre la légèreté de l'écriture et la gravité du sujet traité. Le style mis en œuvre par Dai Sijie pour écrire cet ouvrage, en évocation de l'histoire de son grand père, est souvent assimilé à celui d'un conte. Cet aïeul a pourtant connu un sort aux antipodes de ce que relate habituellement le genre. Le nouveau régime fort montant en Chine en ce milieu du 20ème siècle, se légitimant comme émanation du peuple, a réservé à ceux qu'il avait classés parmi les ennemis de la révolution humiliation, torture physique et mentale en forme de lavage de cerveau. C'était rentrer dans le rang ou mourir. le rang étant celui d'un peuple sorti vainqueur de la longue marche conduite par Mao Ze Dong.

Le grand timonier n'admettait d'autre culte que celui orienté vers sa personne. Pas étonnant donc que Yong Sheng, représentant d'une minorité religieuse, chrétienne en l'occurrence, devenu de ce fait ennemi public numéro un soit livré en pâture à un petit peuple revanchard, nourri aux promesses d'une prospérité inédite par le nouvel homme fort de la Chine. La révolution culturelle était en marche et comme dans tout régime autoritaire "chaque mot pouvait être une balle tirée dans la tête de l'ennemi, un poignard à lui planter dans le cœur". Les mots : la seule arme du prêche, des sermons que Yong Sheng s'ingéniait à écrire pour guider ses ouailles sur le bon chemin qu'il leur désignait, celui de la foi chrétienne.

Ce grand père de Dai Sijie devenu pasteur par la volonté de son propre père a vécu son calvaire des années durant comme le Christ sa passion, avec la conviction obstinée que ce sort misérable lui était réservé par Dieu pour le rachat des péchés de ce bas monde. Il a accepté souffrances et trahisons des siens sans formuler la moindre plainte, le moindre esprit de revanche, en rédemption des fautes de ses congénères. Le style sobre et affable employé par l'auteur venant en confirmation de la volonté de Yong Sheng de pardonner à ses tortionnaires. L'épilogue nous confirme dans le pacifisme, la générosité et le sens du sacrifice du pasteur. Sans rejoindre les idées de ses tortionnaires, il n'émet jamais aucune parole de malédiction à leur encontre.

Ce conte triste comporte ses symboles. Tel cet arbre sacré en chine, l'aguillaire. Il en devient un personnage à part entière de l'ouvrage. Planté à la naissance de Yong Sheng, il est devenu l'arbre du pasteur et manifeste sa présence sur l'ensemble du récit. Brûlé lors de l'incendie de la maison du pasteur, tel le Phénix il renaît de ses cendres en allégorie de survivance d'une foi qui commande à l'esprit. A cet arbre sont prêtées des vertus non pas magiques, cette notion ayant une connotation par trop païenne, mais miraculeuses, propres à tempérer les ardeurs vindicatives. Comme un apaisement provoqué par l'ombre de sa ramure. Il était devenu aux yeux de Yong Sheng le symbole de la religion chrétienne.

Un autre symbole est celui des sifflets que fabriquait le père de Yong Sheng, et ce dernier aussi sur le tard. Accrochés au plumage des oiseaux ils jouaient une forme de symphonie aérienne rythmée par le battement de leurs ailes. Harmonie de l'homme et de la nature que la révolution culturelle a un temps étouffée sous la chape de plomb qu'elle avait répandue sur le pays. Symphonie qui a timidement fait entendre à nouveau ses mélodies à la mort du grand timonier.

Belle écriture aux élans délicats que celle de Dai Sijie pour nous conter, on en convient au terme de cette lecture, une histoire douloureuse, inspirée de la vie de son ascendant. Au-delà du dogme, de la croyance c'est le courage, l'abnégation, la force de la foi et pourquoi pas aussi une solidarité filiale qu'il a voulu souligner à l'égard de ce personnage englouti par le ressentiment de ses congénères, eux-mêmes aveuglés par l'endoctrinement, en un temps où la personne humaine ne valait pas la balle qui lui ôterait la vie.

vendredi 28 mai 2021

Le lion ~~~~ Joseph Kessel

 


Dans la première moitié du 20ème siècle, la petite Patricia vit avec ses parents dans une réserve animalière au Kenya. Elle s'est vu confier l'élevage d'un lionceau devenu orphelin dès les premiers jours de sa vie. Elle s'est inévitablement éprise de l'animal. Devenu adulte, il n'a bien sûr plus rien de la charmante peluche qu'elle avait choyée mais conserve pour celle qui lui a donné le biberon un attachement dont on ne sait trop ce qu'il peut augurer s'agissant du comportement d'un grand fauve. Sa mère est horrifiée de la voir partir dans la brousse retrouver l'animal qui ne ferait qu'une bouchée de Patricia. On le serait à moins.

...la relation que peut tisser un être humain avec un animal en général, un fauve en particulier...
Cet ouvrage est pour Joseph Kessel prétexte à engager le débat sur la complexité de la relation que peut tisser un être humain avec un animal en général, un fauve en particulier. Celui-ci ne reste jamais qu'une proie potentielle pour un prédateur parmi les plus puissants. Ce roman est une approche de la psychologie animale quant aux sentiments que d'aucuns sont tentés de lui prêter, quand d'autres ne voient en l'animal qu'une bête capable d'émotions commandées par l'instinct, servi par les sens en éveil, dont l'odorat est souvent le plus fin chez l'animal, et armé de crocs et griffes redoutables.

S'agissant d'un ouvrage publié en 1958, à une époque où l'écrivain a atteint sa maturité littéraire, on y trouve une étonnante sensibilité du baroudeur qu'a été Joseph Kessel dans l'approche de la psychologie enfantine. Approche aussi de l'étude des mœurs, traditions et coutumes des peuplades autochtones, les Massaïs en particulier. L'accession à l'âge adulte pour un garçon de cette ethnie comportait la mise à l'épreuve de son courage dans l'affrontement avec le lion.

Une lecture en 2021 ne manque pas de mettre au jour des archaïsmes de langage comportant des expressions désormais bannies, faisant référence à des postures de colonisateurs qui prêtent aujourd'hui à la culpabilisation. La promotion de la négritude au rang de culture par Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire ne lui a pas encore ôté sa connotation péjorative dans l'esprit des ex colons.

...relation insolite et inquiétante d'une petite fille avec un grand fauve...

J'ai beaucoup apprécié cet ouvrage pour l'authenticité qui caractérise son environnement tant humain que du point de vue historique. La description des mœurs, des ambiances et paysages est servie par une écriture concrète, efficace, certes peu métaphorique et qui ne verse pas dans la sensiblerie, laquelle s'avérerait décalée du contexte. Le narrateur en séjour au sein de la famille de Patricia a un œil neuf et impartial sur la situation provoquée par cette relation insolite et inquiétante d'une petite fille avec un grand fauve. L'épilogue rehausse la narration, lui conférant une intensité dramatique quelque peu attendue mais répondant à une certaine logique de ce que l'on connaît des comportements commandés par les culture et tradition, mais aussi par l'instinct.



mardi 25 mai 2021

Eloge de l'énergie vagabonde ~~~~ Sylvain Tesson

 


Sylvain Tesson a-t-il le besoin d'écrire, il prend son vélo, ses chaussures de marches et court la planète nettoyer son cerveau des scories de la vie urbaine et en extraire le distillat de ses cogitations. le pédalier de son vélo fait jaillir les réflexions de son esprit comme le chevalet de pompage dont la tête oscille obstinément dans les plaines américaines fait jaillir le pétrole des tréfonds du sous-sol. L'absolu de ses pensées est une encre qui vient abreuver la page blanche du produit de son esprit vagabond.

Un périple de plusieurs milliers de kilomètres le long d'un tube d'acier qui conduit le brut vers le ventre des pétroliers c'est d'abord la solitude propice à la méditation, la chaleur de l'astre source de toute vie, la fatigue, quelques rencontres, mais pas trop pour ne pas distraire de l'objectif, des bouquins piochés ça et là et se nourrir de l'intelligence des autres. le résultat c'est Éloge de l'énergie vagabonde.

Le sujet c'est l'énergie justement sous toutes ses formes mais fossile de préférence en ce siècle d'empuantissement de l'atmosphère. L'assèchement des ressources par une population qui croît à une cadence exponentielle sur une la planète qui reste quant à elle dans ses dimensions originelles. Deux siècles pour consumer ce qui a mis des millions d'années à se constituer. Et après ?

L'après, on y pensera quand la source sera tarie. Qui vivra verra. Parvenu au bout du pipe-line les questions demeurent. Voilà un ouvrage lourd de culpabilisation d'Homo sapiens. Il a éliminé tous ses concurrents. Va-t-il s'éliminer lui-même avec sa frénésie consumériste. Bonne nouvelle l'intelligence survivra nous dit Yuval Noah Harari dans Homo Deus une brève histoire de l'avenir. Mauvaise nouvelle, elle sera artificielle. Sera-t-elle plus lucide quand à sa survie ? Résoudra-t-elle le problème de cette énergie si mal répartie mais qui aura disparu des profondeurs de la croute terrestre ?

Ouvrage lourd de réflexions puisées à coup de pédale pour conclure du bout des lèvres que l'avenir de l'homme sur terre ce serait peut-être la décroissance. Qui commence ?

Ouvrage écrit à la sueur d'un corps qui s'échine par monts et par vaux, par tous temps. Une écriture toujours aussi riche de formules percutantes, de références érudites, d'à propos humanistes, de croyances qui ne croient que ce qu'elles voient. C'est pour cela que Sylvain Tesson va au bout du monde à la vitesse de ses pieds, au mieux de son vélo, pour prendre le temps et le recul d'entrevoir l'avenir que se prépare Homo sapiens. Une philosophie de la sueur, du muscle sec, de l'esprit qui s'ouvre aux espaces infinis. Ni optimiste, ni pessimiste, un constat lucide et si habilement formulé.


vendredi 14 mai 2021

Sous les vents de Neptune~~~~~Fred Vargas




Quand le tueur en série est identifié dès les premiers chapitres du roman, il faut s'attendre à ce que l'auteur nous concocte une traque hors du commun. Fred Vargas a particulièrement soigné celle de Sous les vents de Neptune, un polar qui met sur le grill son héros récurrent, le ténébreux et imprévisible commissaire Adamsberg.

Le tueur est certes identifié, mais il est mort depuis longtemps lorsqu'un crime qui porte sa signature réveille de pénibles souvenirs chez le commissaire. Son équipe le connaît bien désormais, quelque chose le tracasse, mais de là à pourchasser un mort il pousse le bouchon un peu loin le patron. le rationalisme du capitaine Danglard, son adjoint et accessoirement l'encyclopédie de la brigade, est exaspéré.

Quand un flic devient trop gênant, il faut le mouiller jusqu'à le faire inculper. C'est ce qui arrive à Adamsberg. Il sera victime du subterfuge du prédateur insaisissable lequel réussit à lui faire endosser le meurtre d'une jeune fille alors qu'il est avec son équipe en formation aux techniques d'investigations scientifiques auprès de la police canadienne.

C'est à partir de là que Fred Vargas sort le grand jeu. L'exfiltration du commissaire des griffes de la police montée en tunique rouge est d'une cocasserie haute en couleur qui nous fait lui pardonner les invraisemblances. Devenu lui-même fugitif, il trouve refuge dans l'antre parisienne de deux mamies dont une as de l'informatique qui pénètre les réseaux les mieux protégés comme elle entre dans sa boulangerie préférée. Quant au raisonnement intellectuel qui explique le choix des victimes par le tueur, c'est du casse-tête chinois pur sucre. Fred Vargas s'est offert un scenario labyrinthique de haut vol bien décidée à ne pas laisser son lecteur lui voler l'épilogue. Et j'ai bien peur qu'à trop vouloir escamoter son coupable, elle n'ait fini par le perdre.
Ce genre de littérature est difficilement compatible avec l'écriture métaphorique, mais lorsqu'une bonne partie de l'ouvrage se tient dans les cercles canadiens, les archaïsmes de langage de notre bonne vieille langue dont ils ont le secret, combinés aux expressions argotiques de la profession, nous sont un délice de lecture. Cela sauve d'une intrigue quelque peu alambiquée. Un polar plaisant du fait de l'ambiance que Fred Vargas sait restituer de cette brigade taillée sur mesure pour faire se confronter les caractères. Si l'on n'est pas trop pointilleux quant à la crédibilité, c'est une parenthèse de lecture agréable. 

mercredi 28 avril 2021

Les Amazones ~~~~ Jim Fergus

 


Les femmes blanches qui ont fait partie du programme FBI (femmes blanches pour les Indiens) ont rapidement été gagnées à la cause de ces derniers lorsqu'elles eurent fait connaissance avec le mode de vie et le sort qui était réservé au peuple indien par le gouvernement américain. Gagnées à leur cause au point de prendre les armes contre leurs congénères de race blanche, de devenir des amazones, à l'instar de ces femmes guerrières de l'antiquité.

Pour faire valoir leur loyauté aux tribus qui les avaient accueillies puis adoptées, leur donnant époux et progéniture, elles se sont liguées en une société féminine, qu'elles ont appelée Cœurs vaillants, et se sont faites fort de défendre bec et ongles ce qui était devenu leur nouvelle famille, quand la première les avait mises au ban de la société, trop engoncée qu'était cette dernière dans son puritanisme dévoyé. Fortes de leur nouvel environnement affectif, les amazones se sont surprises elles-mêmes du courage et de la férocité avec lesquels elles combattirent les tuniques bleues chargées dans le dernier quart du 19ème siècle de priver les tribus indiennes, au nom du gouvernement américain, de leurs autonomie et liberté, à commencer par leur moyen de subsistance : leur frère le bison.

Deux de leurs lointains descendants, tous deux de sang mêlé, se retrouvent de nos jours et, à partir de journaux transmis à la postérité par leur lointaines aïeules, se mettent en demeure de non seulement de réhabiliter leur mémoire mais aussi de défendre la cause de ceux qu'on a enclavés dans des réserves, livrés ainsi qu'ils furent à tous les vices que peuvent engendrer oisiveté et rancœur ancestrale.

Les fondements de la société américaine repose sur une constitution qui garantit la souveraineté du peuple et dont le préambule comporte notamment l'article suivant : "Toute personne née ou naturalisée aux États-Unis, et soumise à leur juridiction, est citoyen des États-Unis et de l'État dans lequel elle réside. Aucun État ne fera ou n'appliquera de lois qui restreindraient les privilèges ou les immunités des citoyens des États-Unis, ne privera une personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière ; ni ne refusera à quiconque relève de sa juridiction l'égale protection des lois." le tort des Indiens ayant donc été de naître sur une terre qui n'était pas encore les États-Unis d'Amérique et à ce seul constat de pouvoir être privés de leur vie et de leur bien à vouloir défendre la terre de leur ancêtres. Sauf à ce que leur anéantissement relève d'une procédure légale régulière.

La trilogie de Jim Fergus, même s'elle comporte quelques longueurs et redites, même si la romance force un peu le trait comme savent le faire les Américains dans leur épanchements sentimentaux, notamment dans ce troisième opus, serait-elle le signe que la société qui domine le monde a atteint une maturité suffisante pour faire son mea culpa quant à un passé pour le moins blâmable. Ou bien a-t-elle atteint un niveau de suffisance qui lui autorise de ne plus craindre les critiques ?

Le gagnant dicte sa loi de la même façon qu'il règle les questions de sémantique quand il s'agit de définir sauvagerie et civilisation.


lundi 12 avril 2021

Moi Jérusalem~~~~Gilbert Sinoué

 


Jérusalem est la ville bénie entre toutes, pour être un lieu saint au regard des trois religions monothéistes. Elle est maudite entre toutes pour exactement la même raison.

Notre actualité, à nous contemporains du 21ème siècle, nous abreuve des événements dramatiques du conflit israélo-palestinien, masquant les causes réelles du mal au profit du sensationnel. Sans omettre la responsabilité que nous occidentaux avons de la situation actuelle avec les trop fameux accords sikes-Picot en 1916, la déclaration Balfour en 1917 et la création d'un état d'Israël en Palestine en 1948, nous autres, qui avons fort heureusement abandonné toute velléité de croisade, ne pouvons que nous interroger sur la légitimité de l'un ou de l'autre des belligérants à revendiquer la Palestine comme terre d'accueil. Qu'elle fut promise ou conquise.

Les deux peuvent y prétendre mon général serait-on tenté de répondre après la lecture de cet ouvrage de Gilbert Sinoué, même si embrasser la réalité des fondements historiques du problème palestinien en quelques 350 pages serait aussi illusoire que présomptueux. Comptons toutefois sur le talent de Gilbert Sinoué, sa connaissance de cette région, de son histoire et sa géographie, son talent de conteur pour nous donner si ce n'est les clés du problème, en tout état cas une synthèse objective et le goût d'approfondir le sujet.

Pour parvenir à cette objectivité tellement malcommode à ambitionner, il a pris le parti de personnifier et faire parler celle qui depuis sa fondation a tout connu des turpitudes de l'homme quand il se met en butte à son semblable pour faire valoir ses prétentions. Celle-ci, c'est Jérusalem, siège des lieux saints pour toutes ces religions qui chacune revendique le monopole de la vrai foi, taxant les adeptes d'une autre confession d'infidèles.

Toutes trois religions prêchant la tolérance, relevant du même père fondateur : Abraham, vénérant chacune à sa façon le même dieu créateur, ont entre autres traits communs, moins recommandable ceux-là, de ne pas accepter le partage, de ne pas tolérer la contradiction. La ville des trois prophètes a connu tous les outrages, a toujours été l'objet d'incessantes convoitises, a vécu les invasions de tous les horizons au fil des âges, avec leurs lots de carnages. Y compris de la part les Croisés lancés au secours du tombeau du Christ par le bon pape Urbain II lors de son appel à la guerre sainte en 1095 à Clermont.

"Mais il était écrit que mon martyre ne connaîtrait pas de fin", fait dire Gilbert Sinoué à celle dont il a choisi de faire parler les pierres sans cesse érigées en monuments majestueux, vénérés puis bannis et détruits pour céder la place à d'autres, tout autant vénérés par les nouveaux occupants des lieux et tenants d'une autre foi.

1948, l'état d'Israël est créé, avec l'espoir insensé de la communauté internationale de voir les premiers occupants de ce Moyen-Orient tant convoité revenir vivre en harmonie avec ceux qui étaient restés sur place et avaient faite leur cette terre de tous les passages. Seulement voilà, non seulement il n'est pas question de reconnaître un état palestinien, mais en outre le nouvel état créé au lendemain de la seconde guerre mondiale ne cesse de grignoter l'espace vital de ceux qui ont fait de Jérusalem leur troisième lieux saint après La Mecque et Médine.

Et Jérusalem, sous la plume de Gilbert Sinoué de regretter que la ville des trois prophètes, Abraham, Jésus, Mohammad, ne sache être le siège de la coexistence pacifique. On perçoit bien toutefois dans les propos qu'il prête à la ville sainte entre toutes que l'objectivité est quelque peu écornée au sort qui est réservé aux Palestiniens. S'ils ne sont en effet pas les occupants primitifs de cette terre convoitée, ils ont gagné par leur amour ancestral pour celle-ci le droit de la partager à égalité de traitement avec ceux qui y reviennent après des siècles d'errance de par le monde. Car qui peut se revendiquer être propriétaire d'une terre au motif qu'il a adopté la religion de ses premiers occupants. Quand la politique se mêle de foi, la foi y perd son fondement dogmatique et donc sa crédibilité.

Très bel ouvrage qui se garde d'un avenir optimiste pour la sainte Jérusalem et la laisse se morfondre de tant de haine entre les hommes qui n'ont de cesse de lui déclarer leur amour.