"Tout le malheur des hommes
vient d'une seule chose, qui est de ne savoir demeurer en repos dans une
chambre" nous disait Pascal. Avec ses mots à lui, René Frégni n'a de cesse
de nous le resservir.
Cet utopiste avait imaginé que l'on pût se complaire dans la compagnie des livres sans se préoccuper du lendemain
De cette incapacité à vivre de
contemplation naissent trop de carences qui nous livrent à un monde de
confrontation. Y compris quand elle se manifeste par la voix de banquiers,
lesquels viennent rappeler à la réalité économique le libraire de Banon. Cet
utopiste avait imaginé que l'on pût se complaire dans la compagnie des livres
sans se préoccuper du lendemain. Rattrapé par ses dettes, il apprit à ses
dépens qu'on ne peut vivre seulement de rêves sous la tonnelle de son jardin.
Comme l'avait sans doute appris elle aussi cette jeune voisine que Frégni
observe de chez lui et qui confine sa solitude dans la fumée de sa cigarette.
Lui, René Frégni, s'est rescapé
du naufrage en couchant sur le papier ses rancoeurs contre un monde de
violence. Il a ainsi fait de sa mélancolie un bonheur. Il a appris à dire aux
autres le bien-être qu'il y a à se libérer des contraintes que nous impose
notre nature. Lui refusant ce vers quoi elle nous pousse avec entêtement : la
convoitise.
Favoriser l'évasion qu'autorisent les mots avec l'imagination pour seule clé de la liberté
Tout lui est prétexte à prendre
carnet et crayon. A jouir de voir les mots s'égayer sur les pages comme les
oiseaux s'élancer vers le ciel lorsque s'ouvre la cage. C'est pour cela qu'il
anime des ateliers d'écriture. Favoriser l'évasion qu'autorisent les mots avec
l'imagination pour seule clé de la liberté, à défaut de voir s'ouvrir les
lourdes portes de la prison. Puisqu'il faut bien rendre des comptes à la
société quand on a meurtri ses membres.
Peut-être n'a-t-il pas encore
tout dit, peut-être n'ai-je encore pas encore suffisamment lu René Frégni pour
savoir ce qui a bien pu le mettre en butte à toutes les institutions, à
commencer par l'école. Le coeur tendre qu'il est y a sans doute fait son
apprentissage de la violence pour en avoir une telle répulsion. Au point de
s'enivrer désormais de la paix des gens simples et tranquilles, de la nature,
dans les endroits où l'homme n'a laissé qu'une empreinte que la première pluie
effacera.
Pourquoi tout le monde ne satisfait-il pas de s'enivrer de l'air des collines
et remplir ses yeux des couleurs de l'automne ?