Mon univers de lecture ... ce qu'il m'inspire

mercredi 27 septembre 2017

Conscience contre violence ~~~~ Stefan Zweig

 


Lorsque paraît cet essai, nous sommes en 1936 ; voilà trois ans qu'Hitler a pris le pouvoir en Allemagne. Stefan Zweig a recours à une page de l'histoire européenne qui ne trompera personne quant à son intention. Il s'agit bel et bien d'alerter le monde sur l'entreprise funeste qui se développe en Allemagne. Conscience contre violence est une brûlante diatribe contre le fanatisme. Une mise en garde dont il ressent l'urgence extrême.

Cette page de l'histoire qui lui servira de support pour développer sa thèse contre le fanatisme, c'est la main mise de Jean Calvin sur les consciences helvètes, utilisant la propagation de la religion réformée pour imposer une rigueur de vie extrémiste correspondant à ses propres vues. Main mise qui influencera le pouvoir politique et développera une forme de terreur au point d'imposer ses propres décisions à la société civile, jusqu'à lui faire envoyer un opposant au bûcher, tel Michel Servet.

Dans cet ouvrage, Stefan Zweig trouve avec le conflit qui opposa Jean Calvin et Sébastien Castellion, conflit né d'une divergence d'interprétation des textes bibliques, le modèle d'antagonisme le plus adéquat pour étayer sa thèse et prouver par ce moyen l'impuissance de la tolérance lorsqu'elle se heurte au fanatisme.

C'est avec la perfection qu'on lui connaît dans la construction de son argumentation, étayée par une solide érudition, que son développement prend tournure. L'histoire se répétant dans ce qu'elle a de plus néfaste, l'humaniste averti, pacifiste dans l'âme, décrit avec une précision d'horloger le mécanisme qui aboutira inéluctablement, il en est convaincu, au désastre.

Stefan Zweig perçoit le danger dès 1936. Il conserve cependant encore l'espoir du réveil des consciences. Six ans plus tard, il aura perdu cet espoir.


jeudi 14 septembre 2017

Les belles endormies ~~~~ Yasunari Kawabata



ils peuvent jouir à souhait du fantasme absolu de tout homme

Des vieillards sont placés dans la sphère d'influence au sein de laquelle les charmes du corps de la femme règnent sans partage. Étendus au contact de la nudité de jeunes filles vierges, endormies sous l'effet d'une drogue, ils peuvent jouir à souhait du fantasme absolu de tout homme : disposer du corps d'une jeune femme, offerte, privée de toute résistance.

 Il s'agit de donner à des mâles déchus, à la veille de leur trépas, l'occasion de faire pénitence pour avoir tenu sous le joug celles qui ont été les partenaires de leur vie, pour les avoir asservies à leurs instincts primaires. Car à cette offrande sublime de la féminité se confronte désormais la disgrâce de leur force d'homme.

La beauté provocante de jeunes corps nubiles

 Tous les sens sont mis en éveil dans ces pages. La beauté provocante de jeunes corps nubiles, l'éclat et la douceur de la peau sous la caresse, le goût des lèvres pulpeuses, l'odeur de lait d'un corps juvénile, y compris le murmure de la respiration de la beauté endormie. Tous les sens pour susciter "l'insondable profondeur du désir", pour attiser une joie qui demeurera cependant sans aboutissement du fait de l'effroyable décrépitude de la vieillesse. Virginité offerte, tentation divine pour une impotence démoniaque, pour que le regret de ne pouvoir jouir devienne remords d'y avoir trop succombé.

une forme d'expiation proposée à ceux qui ont imposé leur domination à la beauté

 L'invitation à la vie devient alors aspiration à mourir; avec pour unique réconfort la beauté divine du visage de la belle endormie. Visage de Bouddha. Quand eux, ces mâles, autrefois triomphants, que rien ne peut plus désormais guérir de leur triste apathie, ils prennent conscience d'avoir été leur vie durant précipité dans le monde des démons par le corps de la femme, d'avoir exercé sur lui la tyrannie de l'assouvissement.

 Court roman, chaste, ô combien suggestif, troublant, culpabilisant, une forme d'expiation proposée à ceux qui ont imposé leur domination à la beauté. Supplice psychologique du repentir, avant que de passer. 

lundi 28 août 2017

Fanny Stevenson : entre passion et liberté ~~~~ Alexandra Lapierre



Une façon d'approcher un personnage célèbre consiste à faire la connaissance de ceux qui ont partagé sa vie. C'est ce que nous propose Alexandra Lapierre avec cette biographie romancée de la femme de l'auteur de L'île au trésor : Fanny Stevenson. Un ouvrage particulièrement fouillé et documenté. Il faut dire que la correspondance entretenue par les époux Stevenson avec leurs familles respectives et leur entourage, baignant souvent dans les milieux artistique et littéraire, a été particulièrement abondante.

Alexandra Lapierre en tire un ouvrage absolument captivant sur ce que fut la vie de cette femme hors du commun. Elle voua une dévotion passionnée à l'égard de Robert Louis Stevenson. Elle a été tout sauf une pâle figurante dans la vie de celui qu'elle avait épousé après avoir arraché le divorce à son premier mari, ce qui dans l'Amérique puritaine du 19ème siècle était déjà une prouesse en soi. Fanny Stevenson a véritablement sacrifié sa vie à celui envers qui elle nourrissait un amour démesuré, au point de se rendre jalouse de sa propre fille lorsque cette dernière empiétait sur le rôle de première lectrice des oeuvres de Stevenson.

La posture favorite de Fanny Stevenson était de se ranger du côté du plus faible. Épouser Robert Louis Stevenson restait dans cette droite ligne si l'on considère sa santé particulièrement fragile. Au point que cet aspect a commandé toute leur vie. Il leur a fait parcourir le monde à la recherche d'un climat favorable à l'apaisement des hémorragies pulmonaires dont souffrait cet homme. Optimiste de nature, il ne s'en plaignait pourtant jamais.

Stevenson terminera sa vie et sera enterré aux îles Samoa, au sommet du mont Vaea. Fanny qui n'avait émis la moindre objection à s'isoler au milieu du Pacifique, quand c'était pour son mieux aller, l'y rejoindra 20 ans plus tard. Ils avaient tous deux gagné la vénération des populations autochtones en soutenant leur combat contre la colonisation.

On ne lirait que trois pages de cette passionnante biographie romancée fort volumineuse, ce serait la lettre que Fanny Stevenson a adressée à celui qui était un de ses points d'ancrage, l'avocat Rearden, pour lui apprendre la mort de son fils, le petit Hervey (page 181 - éditions Pocket). Ce texte, à lui seul, fait comprendre combien cette femme ne vivait que pour les autres, pour les plus faibles et son exceptionnelle dignité dans le chagrin.

La vie de Fanny Stevenson a été particulièrement riche en aventures et en amour dédié aux autres. Elle est tout sauf ennuyeuse au lecteur. Alexandra Lapierre sait nous faire admirer et aimer ce personnage hors du commun, le réhabiliter aussi, même si c'est par solidarité féminine, quand d'aucuns ont pu le dénigrer. Dans ce couple singulier qu'ils ont formé tous deux, tirant souvent le diable par la queue, elle a vécu, tel que le sous-titre l'auteur, entre passion et liberté.

mardi 15 août 2017

Ode à l'homme qui fut la France et autres textes

 



"Permettez-moi, avec toute mon affection, de vous dire que vous pouvez quelques fois être assez peau de vache."

Qui fallait-il être pour envoyer cela au général De Gaulle ?

Il fallait être un homme issu de l'immigration qui avait démontré les intentions les plus pures à l'égard de sa patrie d'adoption. Il fallait avoir commencé sa carrière de nouveau français en risquant sa vie pour la France. Il fallait être un homme à l'intuition sûre pour avoir rejoint un parfait inconnu à Londres et mener avec lui le combat de la liberté. Il fallait être convaincu comme lui que la barbarie ne pouvait perdurer sur une Europe ensanglantée. Il fallait être Romain Gary.

Ode à l'homme qui fut la France est un recueil des textes les plus enflammés publiés par Romain Gary dans les presses américaine et française, à l'adresse de celui dont il tente de se consoler de la disparition en 1970 en ces termes : "Plus que jamais, il est à présent ce qu'il n'a cessé d'être pour nous depuis le début : une force morale, un courant spirituel, une foi dans l'homme, dans un ultime triomphe de l'homme, une lumière."

Cet ouvrage est un recueil des textes qui expriment le désarroi de son auteur devant le manque de compréhension, le manque d'élévation de citoyens à la mémoire courte qui n'ont pas perçu l'abnégation, le désintéressement de celui qui restera à jamais comme l'emblème de la France libre.


dimanche 13 août 2017

Archives du nord ~~~~ Marguerite Yourcenar


Archives du nord, un ouvrage quelque peu déséquilibré qui en trois parties évoque successivement la nuit des temps, puis les ascendants directs de Marguerite Yourcenar, ses grand-père et père, qu'elle n'appellera jamais autrement que par leurs prénoms respectifs. Curieuse approche filiale, plus historiographique que sentimentale.

Evocation sans concession de l'histoire d'hommes et de femmes qui ont présidé à sa venue sur terre et dont il serait vain de retenir la généalogie, sauf à se passionner pour la science qui curieusement étoffe la ramure d'un arbre familial en exhumant ses racines personnelles.

C'est encore la maestria dans la mise en œuvre de la langue qui m'a poussé à me frotter au feu roulant, quelque peu déprimant, des innombrables références culturelles dont Marguerite Yourcenar peuple ses ouvrages. Etalage qui pourrait sembler humiliant à l'égard du besogneux se glorifiant de sa maigre bibliothèque, ou complètement abscons au décrypteur d'idiomes qui a fait sa culture dans le fouillis de qu'il faut aujourd'hui appeler la toile - pour mener un combat retardateur et franciser l'expression connue plus que dans sa version d'outre atlantique.

Marguerite Yourcenar dont on connaît la fibre écologique semble avoir plus de compassion pour faune et flore que pour celui qui les martyrise depuis qu'homo sapiens a pris le pas sur tout ce qui pouvait le concurrencer sur la planète, plus d'affinité pour des personnages faits maison tant ils ont été bâtis pour servir d'ambassadeur à sa cause, tel Zénon, qu'à l'égard de ses géniteurs.

Les ouvrages de Marguerite Yourcenar, lecture plaisir pour qui s'ébahit devant la puissance conceptuelle de la phrase, la richesse documentaire, lecture déplaisir pour qui aspire aux langueurs sentimentales.


vendredi 11 août 2017

Lettre à un ami allemand~~~~Albert Camus

 


Il a seize ans et va être fusillé avec d'autres innocents pris en otages comme lui.

"Je suis ton ami" lui dit l'aumônier allemand qui l'accompagne au supplice. Il n'hésitera pourtant pas à le dénoncer dans sa tentative d'évasion. L'amitié aussi a ses tyrannies.

Nous sommes en 1943 et 1944. Albert Camus écrit à son ami allemand d'avant-guerre. Quatre lettres dans lesquelles il lui clame que ceux qui ont rêvé d'un "avenir fabuleux et ensanglanté" pour l'Europe se sont fourvoyés et seront vaincus. A cette "nuit d'Europe" succédera une aube d'autant plus radieuse que les vaincus d'hier seront sans haine contre ceux de demain. Les vaincus d'hier finiront par "détruire leur puissance sans mutiler leur âme".

Quatre lettres. Quatre cris de colère d'un sans Dieu contre ce "désastre de l'intelligence".


vendredi 28 juillet 2017

Madame Hemingway ~~~~ Paula McLain

 

Solitaire qui n'aimait pas la solitude, Ernest Hemingway eut quatre épouses. Paula McLain s'est prise de sympathie pour la première d'entre elles, Hadley Richardson. Elle en a fait la narratrice de ce bel ouvrage, Madame Hemingway. C'est l'histoire romancée d'un épisode de la vie de cette femme avec celui qui accédera à la consécration suprême de son art en recevant le prix Nobel de littérature en 1954.

Journaliste, correspondant de guerre, écrivain, Ernest Hemingway n'a pas été aventurier que dans sa vie professionnelle. Celles qui ont partagé sa vie affective en ont fait les frais. Paula McLain a mis son talent d'écrivain au service de Hadley et lui fait revivre cette idylle de six années qui restera à jamais dans la mémoire de celle-ci comme l'épisode dramatique de sa vie.

Paris au lendemain de la première guerre mondiale, des expatriés américains se retrouvent au sein ce que l'une d'entre eux, Gertrude Stein, immortalisera sous l'expression de génération perdue. Une génération d'artistes et intellectuels qui tentent inconsciemment d'exorciser dans l'alcool et les fêtes le cauchemar de la grande guerre. Elle avait avalé leur jeunesse et fait tomber trop tôt sur leurs frêles épaules une maturité précoce nourrie d'angoisses. Ernest Hemingway qui a connu les affres de la guerre en Italie, dont il tirera L'adieu aux armes, se retrouve volontiers sous ce label. Il ne craint pas d'explorer l'absurdité de la condition humaine lorsqu'elle se livre aux horreurs qu'elle fomente.

Grand témoin des conflits du vingtième siècle, amateur de corridas, de courses de chevaux, de chasse, sa soif de sensationnel, de liberté s'est assouvie au détriment du bonheur de celles qui ont choisi de partager sa vie. Paula McLain nous dresse un portrait admirable de Hadley, femme simple et courageuse, d'une grande sincérité, peut-être un peu naïve, que rien ne prédestinait à quitter son Amérique natale pour s'enfoncer dans le drame avec cet homme, de six ans plus jeune qu'elle, qui trouve logique de vivre à trois quand on ne peut choisir entre deux amours. Paula McLain nous fait prendre fait et cause pour ce personnage désintéressé qu'elle sait rendre attachant lorsqu'elle partage la vie de galère du futur prix Nobel encore loin de la célébrité, dans un sordide deux pièces parisien.

Une histoire dramatique formidablement conduite par Paula McLain. Elle nous donne un autre éclairage sur la personnalité du célèbre écrivain. Il ne peut que baisser dans notre estime au sortir de ce roman, grisés que nous sommes de la notoriété qui auréole désormais sa carrière d'écrivain. La gloire de l'un n'irait donc t'elle pas sans l'avilissement d'autres restés dans l'anonymat ?

Avec son écriture souple et épurée, Paula McLain se garde bien de tomber dans l'emphase. Elle préserve ainsi l'authenticité des sentiments de cette femme restée fidèle en amour à l'égard d'un Hemingway avec qui elle correspondra jusqu'à l'ultime moment de sa vie.
On s'interroge toujours sur les raisons du choix d'un auteur pour le personnage de son roman. Beaucoup vous répondront que c'est en fait le personnage qui s'impose à l'auteur. Ce qui me fera dire que Madame Hemingway ne pouvait trouver plus belle plume pour sortir de l'anonymat. Car en donnant ce titre à son roman, elle confère une certaine exclusivité à cette union, et reconnaît sans doute en Hadley la plus légitime des épouses d'Ernest Hemingway. Celle qui n'a jamais douté du talent de son mari alors que le succès se faisait encore désirer.
Cette histoire romancée est un superbe moment de lecture.


samedi 22 juillet 2017

Le mythe de Sisyphe ~~~~ Albert Camus



 
"Il n'est pas de plus beau spectacle que l'intelligence aux prises avec une réalité qui la dépasse." Cette citation tirée de son ouvrage, le mythe de Sysiphe, s'applique à merveille à son auteur.

La réalité nous dépasse tous et le sens de la vie nous est étranger. Nous n'avons cependant à son égard pas tous le même rapport, la même façon de nous tirer d'affaire ou de nous y inclure.

Ceux qui croient en Dieu et ont choisi une religion pour L'honorer ont fait le choix de la facilité. Tout s'explique par Lui et en Lui. La mort n'est qu'une ouverture sur l'éternité en Son royaume. La messe est dite.

Pour ceux qui ne croient pas, le problème reste entier. Parmi eux les simples d'esprit. Ceux-là n'expriment ni tourments ni interrogations. Et au final, heureux les simples d'esprit, le royaume des cieux leur appartient. La célèbre parabole les raccroche aux précédents.

Albert Camus, ni simple d'esprit, excusez du peu, ni croyant, mais contempteur des grandes théories philosophiques qu'il connaît bien, surtout dans leur contradiction, veut une réponse humaine à son état de mortel en mal de pouvoir donner sens à la vie. Sa réponse à lui c'est l'homme absurde. C'est Sisyphe condamné à pousser son rocher vers le sommet de la montagne, et à recommencer éternellement chaque fois qu'il sera redescendu dans la vallée.

"Les grands romanciers sont des romanciers philosophes." Albert Camus nous le prouve avec le mythe de Sisyphe qu'on lira toujours trop vite et trop légèrement tant ces pages sont lourdes de réflexion.

SI je voulais dire une énormité, je dirais que la lecture de cet ouvrage est indispensable à qui se passionne pour l'homme et son oeuvre et veut en approfondir sa connaissance. Encore faut-il être prêt à arpenter un chemin difficile. Camus, romancier-philosophe ou philosophe-romancier, le mythe de Sisyphe nous oblige à la seconde formule. En tout état de cause, un homme concerné, torturé par le sens de la vie, doué de courage et de talent pour l'exprimer.

Alors la mort de Camus contre un arbre en 1960 : accident, élimination ou suite logique d'un raisonnement et conclusion de l'homme absurde. Cette lecture élargit l'éventail des possibles.


mercredi 19 juillet 2017

Clair de femme ~~~~ Romain Gary

 


Romain Gary ou la féminité fait homme. Le titre le laissait présager, Clair de femme est plus que tout autre une ode à la femme.

Lydia est cette femme dont Michel fait la connaissance et auprès de qui se réfugie sa toute nouvelle solitude. Sans même le connaître, elle a compris que sa propre personne ne pourrait être que le support d'un culte que ce dernier voue à la femme. Une sacralisation. Au point de rendre l'amour insupportable. Au point de faire disparaître la personne derrière celle qui ne serait autre chose que l'émanation de la féminité.

"Tout ce qui faisait de moi un homme était chez une femme." Plus que jamais, Romain Gary est présent dans ces pages. Perdre sa femme c'est perdre la femme. C'est perdre la raison d'exister. Perdre la raison tout court. Il y a urgence à se jeter dans les bras d'une autre. Il lui faut retrouver cette ivresse du caractère féminin. Vivre en couple c'est se fondre l'un dans l'autre. Dans un couple, "personne ne sait qui est terre, qui est soleil. C'est une autre espèce, un autre sexe, un autre pays."

Chez Romain Gary, la féminité n'est pas sexuelle, elle est génétique. Elle n'est pas sentimentale, elle est spirituelle. Ce n'est pas un fantasme, c'est un fondamental. Tout le reste est dérisoire, les convenances, la morale, les apparences.

Clair de femme. Lumière céleste, lumière de vie.


dimanche 16 juillet 2017

La chute~~~~Albert camus

 

Quel est ce compatriote interpelé par le narrateur de cet ouvrage et qui ne dit mot ? le procédé narratif choisi par Albert Camus est à n'en pas douter la composante originale de ce texte. Moi, lecteur de la Chute, suis-je cet auditeur captif d'un monologue en forme de confession, ou bien est-ce tout bonnement le miroir dans lequel se reflète son auteur ? Peu importe, celui dont on ne connaîtra que la situation soulage sa conscience et donne à Camus l'occasion de développer un thème qui lui est cher et qu'il avait abordé quelques années auparavant dans L'Étranger.

Le châtiment est légitime. le jugement est une usurpation. "La question est d'éviter le jugement. Je ne dis pas d'éviter le châtiment. Car le châtiment sans jugement est supportable". Aucun homme n'est fondé à en juger un autre, fut-ce collégialement dans un cadre légal. Tout un chacun, y compris le juge, est enfermé dans la duplicité profonde inhérente à sa propre nature, tiraillé entre le bien et le mal, entre mensonge et vérité. Juger quelqu'un doit passer par l'étape préalable de l'expiation de ses propres fautes. Et quant au jugement dernier, n'attendez rien de cette échéance. le jugement dernier se tient tous les jours, dès lors qu'un homme prononce une sentence à l'égard d'un de ses semblables, en parfaite appropriation d'un pouvoir qu'il ne saurait détenir plus qu'un autre.

Au travers des propos de son narrateur, Camus exprime la "tristesse de la condition commune et le désespoir de ne pouvoir y échapper." Un pas de plus, pour ce qui me concerne, dans la connaissance de la philosophie de "l'humaniste subversif".