Archives du nord, un ouvrage quelque peu déséquilibré qui en
trois parties évoque successivement la nuit des temps, puis les ascendants
directs de Marguerite
Yourcenar, ses grand-père et père, qu'elle n'appellera jamais autrement que
par leurs prénoms respectifs. Curieuse approche filiale, plus historiographique
que sentimentale.
Evocation sans concession de l'histoire d'hommes et de femmes qui ont présidé à
sa venue sur terre et dont il serait vain de retenir la généalogie, sauf à se
passionner pour la science qui curieusement étoffe la ramure d'un arbre
familial en exhumant ses racines personnelles.
C'est encore la maestria dans la mise en œuvre de la langue qui m'a poussé à me
frotter au feu roulant, quelque peu déprimant, des innombrables références
culturelles dont Marguerite Yourcenar peuple ses ouvrages. Etalage
qui pourrait sembler humiliant à l'égard du besogneux se glorifiant de sa
maigre bibliothèque, ou complètement abscons au décrypteur d'idiomes qui a fait
sa culture dans le fouillis de qu'il faut aujourd'hui appeler la toile - pour
mener un combat retardateur et franciser l'expression connue plus que dans sa
version d'outre atlantique.
Marguerite Yourcenar dont on connaît la fibre écologique semble avoir plus
de compassion pour faune et flore que pour celui qui les martyrise depuis
qu'homo sapiens a pris le pas sur tout ce qui pouvait le concurrencer sur la
planète, plus d'affinité pour des personnages faits maison tant ils ont été
bâtis pour servir d'ambassadeur à sa cause, tel Zénon, qu'à l'égard de ses
géniteurs.
Les ouvrages de Marguerite Yourcenar, lecture plaisir pour qui s'ébahit
devant la puissance conceptuelle de la phrase, la richesse documentaire,
lecture déplaisir pour qui aspire aux langueurs sentimentales.
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Ouvrages par genre
dimanche 13 août 2017
Archives du nord ~~~~ Marguerite Yourcenar
vendredi 11 août 2017
Lettre à un ami allemand~~~~Albert Camus
Il a seize ans et va être fusillé avec d'autres innocents pris en otages comme lui.
"Je suis ton ami" lui dit l'aumônier allemand qui l'accompagne au
supplice. Il n'hésitera pourtant pas à le dénoncer dans sa tentative d'évasion.
L'amitié aussi a ses tyrannies.
Nous sommes en 1943 et 1944. Albert Camus écrit à son ami allemand d'avant-guerre.
Quatre lettres dans lesquelles il lui clame que ceux qui ont rêvé d'un
"avenir fabuleux et ensanglanté" pour l'Europe se sont fourvoyés et
seront vaincus. A cette "nuit d'Europe" succédera une aube d'autant
plus radieuse que les vaincus d'hier seront sans haine contre ceux de demain.
Les vaincus d'hier finiront par "détruire leur puissance sans mutiler leur
âme".
Quatre lettres. Quatre cris de colère d'un sans Dieu contre ce "désastre
de l'intelligence".
vendredi 28 juillet 2017
Madame Hemingway ~~~~ Paula McLain
Solitaire qui n'aimait pas la solitude, Ernest Hemingway eut quatre épouses. Paula McLain s'est prise de sympathie pour la première d'entre elles, Hadley Richardson. Elle en a fait la narratrice de ce bel ouvrage, Madame Hemingway. C'est l'histoire romancée d'un épisode de la vie de cette femme avec celui qui accédera à la consécration suprême de son art en recevant le prix Nobel de littérature en 1954.
Journaliste, correspondant de guerre, écrivain, Ernest Hemingway n'a pas été aventurier que dans sa vie professionnelle. Celles qui ont partagé sa vie affective en ont fait les frais. Paula McLain a mis son talent d'écrivain au service de Hadley et lui fait revivre cette idylle de six années qui restera à jamais dans la mémoire de celle-ci comme l'épisode dramatique de sa vie.
Paris au lendemain de la première guerre mondiale, des expatriés américains se retrouvent au sein ce que l'une d'entre eux, Gertrude Stein, immortalisera sous l'expression de génération perdue. Une génération d'artistes et intellectuels qui tentent inconsciemment d'exorciser dans l'alcool et les fêtes le cauchemar de la grande guerre. Elle avait avalé leur jeunesse et fait tomber trop tôt sur leurs frêles épaules une maturité précoce nourrie d'angoisses. Ernest Hemingway qui a connu les affres de la guerre en Italie, dont il tirera L'adieu aux armes, se retrouve volontiers sous ce label. Il ne craint pas d'explorer l'absurdité de la condition humaine lorsqu'elle se livre aux horreurs qu'elle fomente.
Grand témoin des conflits du vingtième siècle, amateur de corridas, de courses de chevaux, de chasse, sa soif de sensationnel, de liberté s'est assouvie au détriment du bonheur de celles qui ont choisi de partager sa vie. Paula McLain nous dresse un portrait admirable de Hadley, femme simple et courageuse, d'une grande sincérité, peut-être un peu naïve, que rien ne prédestinait à quitter son Amérique natale pour s'enfoncer dans le drame avec cet homme, de six ans plus jeune qu'elle, qui trouve logique de vivre à trois quand on ne peut choisir entre deux amours. Paula McLain nous fait prendre fait et cause pour ce personnage désintéressé qu'elle sait rendre attachant lorsqu'elle partage la vie de galère du futur prix Nobel encore loin de la célébrité, dans un sordide deux pièces parisien.
Une histoire dramatique formidablement conduite par Paula McLain. Elle nous donne un autre éclairage sur la personnalité du célèbre écrivain. Il ne peut que baisser dans notre estime au sortir de ce roman, grisés que nous sommes de la notoriété qui auréole désormais sa carrière d'écrivain. La gloire de l'un n'irait donc t'elle pas sans l'avilissement d'autres restés dans l'anonymat ?
Avec son écriture souple et épurée, Paula McLain se
garde bien de tomber dans l'emphase. Elle préserve ainsi l'authenticité des
sentiments de cette femme restée fidèle en amour à l'égard d'un Hemingway avec
qui elle correspondra jusqu'à l'ultime moment de sa vie.
On s'interroge toujours sur les raisons du choix d'un auteur pour le personnage
de son roman. Beaucoup vous répondront que c'est en fait le personnage qui
s'impose à l'auteur. Ce qui me fera dire que Madame Hemingway ne
pouvait trouver plus belle plume pour sortir de l'anonymat. Car en donnant ce
titre à son roman, elle confère une certaine exclusivité à cette union, et
reconnaît sans doute en Hadley la plus légitime des épouses d'Ernest Hemingway.
Celle qui n'a jamais douté du talent de son mari alors que le succès se faisait
encore désirer.
Cette histoire romancée est un superbe moment de lecture.
samedi 22 juillet 2017
Le mythe de Sisyphe ~~~~ Albert Camus
"Il n'est pas de plus beau spectacle que l'intelligence aux prises avec une réalité qui la dépasse." Cette citation tirée de son ouvrage, le mythe de Sysiphe, s'applique à merveille à son auteur.
La réalité nous dépasse tous et le sens de la vie nous est
étranger. Nous n'avons cependant à son égard pas tous le même rapport, la même
façon de nous tirer d'affaire ou de nous y inclure.
Ceux qui croient en Dieu et ont choisi une religion pour
L'honorer ont fait le choix de la facilité. Tout s'explique par Lui et en Lui.
La mort n'est qu'une ouverture sur l'éternité en Son royaume. La messe est dite.
Pour ceux qui ne croient pas, le problème reste entier.
Parmi eux les simples d'esprit. Ceux-là n'expriment ni tourments ni
interrogations. Et au final, heureux les simples d'esprit, le royaume des cieux
leur appartient. La célèbre parabole les raccroche aux précédents.
Albert Camus, ni simple d'esprit, excusez du peu, ni
croyant, mais contempteur des grandes théories philosophiques qu'il connaît
bien, surtout dans leur contradiction, veut une réponse humaine à son état de
mortel en mal de pouvoir donner sens à la vie. Sa réponse à lui c'est l'homme
absurde. C'est Sisyphe condamné à pousser son rocher vers le sommet de la
montagne, et à recommencer éternellement chaque fois qu'il sera redescendu dans
la vallée.
"Les grands romanciers sont des romanciers
philosophes." Albert Camus nous le prouve avec le mythe de Sisyphe qu'on
lira toujours trop vite et trop légèrement tant ces pages sont lourdes de
réflexion.
SI je voulais dire une énormité, je dirais que la lecture de
cet ouvrage est indispensable à qui se passionne pour l'homme et son oeuvre et
veut en approfondir sa connaissance. Encore faut-il être prêt à arpenter un
chemin difficile. Camus, romancier-philosophe ou philosophe-romancier, le mythe
de Sisyphe nous oblige à la seconde formule. En tout état de cause, un homme
concerné, torturé par le sens de la vie, doué de courage et de talent pour
l'exprimer.
Alors la mort de Camus contre un arbre en 1960 : accident,
élimination ou suite logique d'un raisonnement et conclusion de l'homme
absurde. Cette lecture élargit l'éventail des possibles.
mercredi 19 juillet 2017
Clair de femme ~~~~ Romain Gary
Romain Gary ou la féminité fait
homme. Le titre le laissait présager, Clair de femme est plus que tout autre
une ode à la femme.
Lydia est cette femme dont Michel
fait la connaissance et auprès de qui se réfugie sa toute nouvelle solitude.
Sans même le connaître, elle a compris que sa propre personne ne pourrait être
que le support d'un culte que ce dernier voue à la femme. Une sacralisation. Au
point de rendre l'amour insupportable. Au point de faire disparaître la
personne derrière celle qui ne serait autre chose que l'émanation de la
féminité.
"Tout ce qui faisait de moi
un homme était chez une femme." Plus que jamais, Romain Gary est présent
dans ces pages. Perdre sa femme c'est perdre la femme. C'est perdre la raison
d'exister. Perdre la raison tout court. Il y a urgence à se jeter dans les bras
d'une autre. Il lui faut retrouver cette ivresse du caractère féminin. Vivre en
couple c'est se fondre l'un dans l'autre. Dans un couple, "personne ne
sait qui est terre, qui est soleil. C'est une autre espèce, un autre sexe, un
autre pays."
Chez Romain Gary, la féminité
n'est pas sexuelle, elle est génétique. Elle n'est pas sentimentale, elle est
spirituelle. Ce n'est pas un fantasme, c'est un fondamental. Tout le reste est
dérisoire, les convenances, la morale, les apparences.
Clair de femme. Lumière céleste,
lumière de vie.
dimanche 16 juillet 2017
La chute~~~~Albert camus
Quel est ce compatriote interpelé par le narrateur de cet
ouvrage et qui ne dit mot ? le procédé narratif choisi par Albert Camus est
à n'en pas douter la composante originale de ce texte. Moi, lecteur de la Chute, suis-je
cet auditeur captif d'un monologue en forme de confession, ou bien est-ce tout
bonnement le miroir dans lequel se reflète son auteur ? Peu importe, celui dont
on ne connaîtra que la situation soulage sa conscience et donne à Camus
l'occasion de développer un thème qui lui est cher et qu'il avait abordé quelques
années auparavant dans L'Étranger.
Le châtiment est légitime. le jugement est une usurpation. "La question
est d'éviter le jugement. Je ne dis pas d'éviter le châtiment. Car le châtiment
sans jugement est supportable". Aucun homme n'est fondé à en juger un
autre, fut-ce collégialement dans un cadre légal. Tout un chacun, y compris le
juge, est enfermé dans la duplicité profonde inhérente à sa propre nature,
tiraillé entre le bien et le mal, entre mensonge et vérité. Juger quelqu'un
doit passer par l'étape préalable de l'expiation de ses propres fautes. Et
quant au jugement dernier, n'attendez rien de cette échéance. le jugement
dernier se tient tous les jours, dès lors qu'un homme prononce une sentence à
l'égard d'un de ses semblables, en parfaite appropriation d'un pouvoir qu'il ne
saurait détenir plus qu'un autre.
Au travers des propos de son narrateur, Camus exprime la "tristesse de la
condition commune et le désespoir de ne pouvoir y échapper." Un pas de
plus, pour ce qui me concerne, dans la connaissance de la philosophie de
"l'humaniste subversif".
vendredi 30 juin 2017
Le monde d'hier : Souvenirs d'un européen ~~~~ Stefan Zweig
Le sol s'est dérobé sous les pieds de Stefan Zweig. Tout s'est écroulé autour de lui. Cet ouvrage dont il ne connaîtra pas la publication, le Monde d'hier, est le testament d'un "citoyen du monde" devenu apatride. Pas seulement chassé de son Autriche natale, mais chassé de la culture universelle puisque désormais privé de publier dans sa langue maternelle, l'allemand.
Nous sommes en 1941. Anéanti de
voir le sort qui lui est réservé, ainsi qu'à ses coreligionnaires, Stefan Zweig décide
de se lancer dans l'écriture d'un ouvrage d'une longueur inhabituelle chez lui.
Un ouvrage dans lequel explose sa rancœur à l'encontre de celui qui a plongé
la planète dans le chaos, la haine faite homme : Hitler. Peut-être aussi la rancœur de voir la conscience collective d'un peuple se laisser manipuler et
entraîner dans une entreprise funeste.
Submergé par le désespoir, il
perd l'objectivité qui caractérisait son humanisme forcené. Il dresse alors un
tableau idyllique de sa jeunesse, période bénie qu'il qualifie de "monde
de sécurité", oubliant ainsi qu'il avait été favorisé par le destin, le
faisant naître au sein d'une famille riche, auréolé d'un talent qui lui valut
très tôt le succès littéraire.
Son rêve d'une "Europe unie
de l'esprit" avait déjà été malmené par l'abomination du premier conflit
mondial. Il ne peut supporter l'idée d'être le témoin, encore moins la victime,
d'une nouvelle catastrophe de pareille ampleur, du seul fait d'une idéologie
assassine.
Stefan Zweig commence
son ouvrage par un avant propos qui nous fait comprendre qu'une décision est
prise : "Jamais je n'ai donné à ma personne une importance telle que me
séduise la perspective de faire à d'autres, le récit de ma vie." Une vie
dont il ne conçoit donc désormais plus qu'elle ait une suite. C'est le cancer
de la haine qui le ronge.
Ce grand humaniste sans frontière
se considère comme dépossédé, non seulement de sa patrie, mais du monde entier.
Ce monde, il sait déjà qu'il va le quitter. Pour où, il ne sait pas. Il n'y a
pas d'avenir pour les apatrides.
Ouvrage bouleversant, indispensable pour qui se passionne pour l'œuvre de Stefan Zweig.
vendredi 23 juin 2017
Labyrinthe du Monde - tome1 ~~~~ Marguerite Yourcenar
A souffrance égale tout au long de leur vie, Marguerite Yourcenar aurait-elle eu moins de compassion à l'égard des hommes que pour les animaux. Sans doute rend-elle les premiers responsables des dommages irréversibles que subit la nature pour les envelopper de cet humanisme froid qui se fige dans ses lignes. En ce début de vingtième siècle qui connaîtra l'explosion d'un tourisme de masse, aussi dévastateur pour les paysages du monde que l'est l'industrialisation, elle se confirme dans ses ouvrages comme un précurseur de l'écologie. Les passages évoquant le parcours des bovins vers l'abattoir ou encore l'origine de l'ivoire dans lequel est ciselé un crucifix sont éloquents.
Cette froideur lui fait parler d'elle à la troisième personne, en spectatrice
de son enfance. "L'être que j'appelle moi vient au monde un lundi 8 juin
1903 …" Elle lui fait affirmer ne pas regretter de n'avoir pas connu sa
mère. Tout au long de cet ouvrage, elle ne l'appellera jamais que par son
prénom : Fernande.
On ne choisit pas sa famille comme on peut le faire des héros de ses romans.
Elle déclare plus volontiers son amour, certes chaste et fraternel, à ces
derniers. Quand on est écrivain de grand talent, à l'érudition culminante, on
peut les modeler à son goût, les mener selon ses lubies, leur faire dire et les
faire agir à dessein pour développer les thèses de sa conviction. Alors, ceux
qui vous servent si bien, au premier rang desquels Zénon, peuvent se voir
gratifié de préférence. Au détriment de parents de tous degrés à qui on peut
reprocher d'avoir été affublés de trop de défauts, d'avoir été trop humains en
somme.
Souvenir pieux est un regard rétrospectif sur cette famille nombreuse
dont Marguerite Yourcenar est issue. Elle offre à tous ces êtres,
qu'elle a peu ou pas connus, une nouvelle sépulture en les couchant dans ses
pages. Son humanisme froid a malgré tout le souci de l'équité. Autant que tous
ceux que l'histoire a conservé dans sa mémoire, en particulier depuis que
l'écriture nous en rapportent leur propos, que Marguerite Yourcenar connaît
mieux que quiconque, les êtres simples ont le droit de sortir de l'indifférence
dans laquelle la mort les a plongés. Souvenirs pieux veut réparer cette
injustice faite à ceux qui n'auront pas éclairé l'histoire, fût-elle "la
très petite histoire", de leur nom. Les gens simples ont aussi leur
complexité, même si elle ne s'est pas exprimée par un talent reconnu. Elle
donnera cependant, sans doute par confraternité, la prime à ceux de ses
antécédents qui auront noirci quelques pages de leurs traits de pensées, tel
l'oncle Octave. Mais, en boulimique d'archives perfectionniste qu'elle est,
elle l'apprécie toutefois plus comme témoin du passé que comme philosophe.
Marguerite Yourcenar ou la maîtrise du savoir dire. Savoir dire les choses
sans faux fuyant, sans faux semblant, et surtout sans jugement. Sauf peut-être
la réprobation implicite qui n'échappe pas au lecteur à l'égard de ceux qui
déciment la gente animale sans nécessité de survie. Ce savoir dire, délivré du
louvoiement qu'impose le plus souvent la faiblesse, a toutefois la contrepartie
de la froideur quelque peu professorale de l'objectivité.
A consommer sans modération pour la qualité de cette langue qui colporte dans
ses phrases une érudition à vous rendre honteux. A consommer aussi pour
rejoindre les rangs de ceux qui déplorent que la prospérité de l'homme aille de
pair avec la ruine de son environnement.
Page 60 édition Folio, Marguerite Yourcenar explique ce qu'est un
souvenir pieux. Celui rédigé à l'adresse de sa mère défunte portait cette
phrase : "il ne faut pas pleurer parce que cela n'est plus, il faut
sourire parce que cela a été.
Elle a toujours essayé de faire de son mieux."
Souvenir pieux est le premier tome de Labyrinthe du monde qui en comporte
trois. J'ai décidé de persister dans ma confrontation avec l'académie.
samedi 17 juin 2017
L'homme à la colombe ~~~~ Romain Gary
Ce qui devrait être le haut-lieu de la conscience mondiale, le siège des Nations Unies, est investi par un illuminé qui, à grand renfort de symboles foulés au pied, offre prétexte à Romain Gary pour crier son désespoir. Celui de voir son idéal d'enjoliver le monde sacrifié sur l'autel d'un matérialisme forcené.
Diplomate en poste auprès des Nations Unies au moment où il écrit cette satire
féroce, il est à la fois bien placé pour déplorer ce que deviennent les grandes
et belles idées qu'il pouvait nourrir en son for intérieur quant à cette haute
instance humanitaire, et mal placé pour le dénoncer. Il publie donc son ouvrage
sous ce pseudonyme de Folco Sinibaldi et se taille ainsi sur mesure un grand
défouloir duquel suinte toute l'aigreur du désenchantement.
Avec ce monument d'ironie il est
question de la douleur d'appartenir à une espèce qui cultive son
autodestruction. Romain Gary, sans doute désespéré du "pourrissement d'un
grand rêve humain", applique tout son talent à le tourner en ridicule. Les
Nations Unies, d'où devrait jaillir "l'étincelle sacrée de la conscience
mondiale", ne sont donc rien qu'une machine à dissoudre dans l'abstraction
ce qu'elles ne peuvent maîtriser. Tel en sera symboliquement du derrière de ce
pauvre cow boy qui ne pourra désormais plus chevaucher son fier étalon. C'était
lui l'homme à la colombe. Il l'avait bien cherché à cultiver bêtement un idéal
d'intelligence collective chez une espèce gangrenée par l'individualisme.
C'est à la fois savoureux, fort talentueux, et malgré tout l'oeuvre d'un cœur
meurtri.
vendredi 16 juin 2017
Les amants du spoutnik ~~~~ Haruki Murakami
Il y aurait donc souvent, dans les romans de Haruki Murakami, un fond de musique classique détaillé par le menu, des livres qui restent à portée de mains, sans oublier, au détour d'une page, un clin d'œil à Scott Fitzgerald cher à l'auteur. Si j'en crois les quelques-uns de ses ouvrages que j'ai lus depuis que j'ai découvert cet auteur, le lieu commun de ses intrigues serait fait de relations amoureuses compliquées, voire impossibles, avec une certaine froideur des personnages, qui peut s'exprimer jusqu'à la frigidité comme dans Les amants du spoutnik lequel n'échappe à rien de tout ce qui précède.
Dédoublement de la personnalité,
confusion du réel et de l'irréel au travers du prisme de la perception,
relations charnelles fantasmées, la chaleur de la vie a disparu dans ces pages,
la sensualité est intellectualisée, les personnages ont peu de prise sur
l'événement, et moi, lecteur tenu en haleine par mes attentes à hauteur de la
réputation de l'auteur, je reste sur ma faim en fermant cet ouvrage.
L'intrigue est décousue, les
images pas très heureuses, dépourvues de poésie, les personnages peu
attachants. Je ne peux qu'abonder dans le sens de Miu, l'une de ces trois héros
désespérant de froideur lorsqu'elle déclare : "Je ne peux pas m'ôter de
l'idée que tout est de la fiction,…, et cela m'empêche de partager les émotions
des personnages."
Mais je pardonne à Haruki
Murakami, on peut avoir des passages à vide. Il a, selon moi, péché par excès
de confiance pour avoir mis sur orbite un spoutnik qui s'est perdu dans un trou
noir. Je resterai cependant fidèle à celui qui m'a ravi avec Kafka sur le
rivage.